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Chad Gaffield (2000-2001)

Chad Gaffield

La définition de l’histoire que je préfère met l’accent sur la manière dont les historiens développent des interprétations du passé. Jusqu’à ces dernières décennies, les programmes de premier cycle d’histoire mettaient l’emphase sur la transmission des connaissances, ce qui laissait peu de place aux cours de méthodologie. De plus, le ou les deux cours de méthodologie typiques se concentraient souvent sur les débats historiographiques sans examiner de près l’interaction entre les différentes interprétations et les différentes façons de choisir et d’étudier des types de preuves spécifiques. D’après mon expérience, peu de professeurs étaient désireux d’enseigner des cours de méthodologie, ce qui était une bonne chose pour moi car j’ai toujours été profondément intéressé par l’évolution des méthodes utilisées par les historiens pour étudier le passé. Heureusement, les programmes d’études de premier cycle évoluent désormais vers une approche intégrée dans laquelle les cours sur des époques et des lieux spécifiques accordent généralement une attention particulière aux sources primaires et aux méthodes de recherche. Dès la première année, si ce n’est pas déjà fait au secondaire, les étudiants ont désormais la possibilité d’étudier les sources primaires et de développer leurs propres interprétations historiques tout en prenant connaissance des conclusions des spécialistes reconnus. L’accès en ligne aux sources primaires s’est fortement accru et a accéléré ce changement de pédagogie. Aujourd’hui, les programmes de premier cycle visent généralement à développer des compétences épistémologiques autant qu’à transmettre des connaissances sur le passé. Les programmes de financement de la recherche au niveau du premier cycle sont désormais courants. Bien entendu, je pense que nous devons continuer à adopter une attitude plus ouverte et plus inclusive à l’égard des nouvelles stratégies de recherche et des changements de programmes. On pourrait par exemple apprendre à développer des approches computationnelles pour réfléchir aux relations complexes cachées dans de vastes corpus de sources numérisées ou à utiliser la technologie pour lire des livres fermés trop fragiles pour être ouverts.

C’est une question facile pour moi. Mon historienne préférée est Julia Gaffield, dont les recherches sur Haïti et le monde atlantique ont contribué à transformer ma façon de voir l’histoire du Canada dans le contexte mondial changeant de l’ère des révolutions. De plus, l’imagination et l’acharnement de Julia à rechercher des preuves archivistiques dans divers dépôts d’archives de plusieurs pays montrent pourquoi notre connaissance et notre compréhension du passé dépendent de la prise au sérieux de nouvelles questions de recherche, même en l’absence apparente de sources.

En pensant à mon travail, j’ai toujours craint le jour où je regarderais une publication sans voir les diverses façons dont je pourrais l’améliorer ou peut-être la réviser en profondeur à la lumière de recherches ultérieures. Bien que ce jour ne soit pas encore arrivé, je pense heureusement que le fait d’entreprendre et d’écrire sur la construction de l’Infrastructure de recherche sur le Canada au 20e siècle aura une place unique et durable dans mes souvenirs. Travailler avec des membres de l’équipe talentueux et dévoués, à travers les échecs et les succès, a été un moment phare de ma carrière. Le fait que divers chercheurs utilisent l’IRCS pour permettre la réalisation de divers projets de recherche et pour aborder des questions de recherche attendues et inattendues est gratifiant et stimulant.

Je me souviens que le plus grand défi de la SHC en 2000 était d’ordre financier, après des années d’inflation sans ajustement des cotisations. Et nous n’étions pas seuls. Lors de la réunion de l’Institut d’histoire de l’Amérique française de l’année précédente, j’ai assisté à un débat d’une heure sur la possibilité d’augmenter la cotisation annuelle de cinq dollars. Dans cette discussion prolongée, j’ai pu comprendre pourquoi les dirigeants de sociétés avaient évité le sujet aussi longtemps que possible. Pourtant, à la lecture du bilan de la SHC, il était clair qu’une augmentation significative était nécessaire et urgente. Et j’avais eu l’occasion de me renseigner sur les cotisations bien plus élevées de sociétés homologues dans le domaine des sciences, où les cotisations ne pouvaient parfois être payées qu’à partir de leurs subventions de recherche relativement généreuses. Le résultat a été une proposition pour que les membres investissent en eux-mêmes en tant qu’historiens ; pour qu’ils prennent au sérieux l’importance de la SHC en doublant la cotisation annuelle. Cette proposition comprenait des frais calibrés pour les membres moins favorisés. Je me souviens avoir demandé aux membres si nous n’étions pas prêts à investir en nous-mêmes en prenant notre société au sérieux, pourquoi d’autres le feraient-ils ? Lors de l’assemblée générale, j’ai comparé cette augmentation au fait de passer du paiement de l’équivalent d’un repas au restaurant chaque année à deux repas. La proposition a été adoptée à l’unanimité sans discussion.

Un conseil serait de saisir l’occasion de collaborer avec d’autres membres de la SHC pour faire progresser la discipline sur le campus et dans la société en général. L’histoire est importante aujourd’hui, peut-être plus que jamais. Et la SHC a démontré dans le passé et continue de démontrer aujourd’hui comment l’action collective peut faire une différence positive significative. Les historiens n’ont jamais vraiment été des « chercheurs solitaires », et il est encourageant de constater une plus grande reconnaissance de la valeur de la collaboration tout comme celle de l’initiative individuelle. Toutes ces expressions comme « s’unir ou périr » et « ensemble nous irons loin » sonnent juste dans le cas de la SHC.

Pour une organisation, atteindre son 100e anniversaire est tout un exploit, et être capable de se projeter dans les années à venir est un défi passionnant. Le premier jour de ma présidence, je me souviens d’avoir été pris à part par un universitaire de très haut niveau et ancien président, qui m’a dit que la SHC était sur son lit de mort, sans perspective de rétablissement. De son point de vue, le déclin des effectifs reflétait les conflits internes, la marginalisation des universités et le mépris de la société. Même si je savais que les compressions budgétaires fédérales et provinciales avaient entraîné un gel de l’embauche et une réduction considérable du financement de la recherche au milieu des années 1990, je me suis engagé à travailler pour assurer un avenir prometteur à la SHC. Il s’est avéré que les temps ont effectivement changé ; une décennie d’augmentation considérable du financement fédéral de la recherche et d’augmentations provinciales, ainsi que des départs à la retraite, ont amené une toute nouvelle génération d’historiens à la SHC, qui s’est investie dans son organisation dès 2008. À cette époque, plus de la moitié de tous les professeurs réguliers à temps plein des campus canadiens avaient été embauchés au cours de la décennie précédente. Malgré les défis persistants et changeants des dernières années, je ne doute pas qu’un questionnaire destiné aux anciens présidents circulera à nouveau à l’occasion du 200e anniversaire de la SHC.

Une question pour les autres anciens présidents porterait sur la façon dont nous nous souvenons de nos expériences pendant notre mandat. Un collègue m’a parlé de son implication de la SHC en tant que « service ». Le mot « service » ne décrit pas pour moi un tel engagement. J’ai plutôt l’impression que le fait d’être élu par ses pairs est un honneur et un grand privilège qui est fortement gratifiant malgré les défis à relever en cours de route. Je me sens extrêmement chanceux d’avoir vécu cette expérience et je suis convaincu qu’elle a contribué à mon enseignement et à ma recherche, même indirectement. Êtes-vous d’accord ?