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Dominique Marshall (2013-2015)

4e Dominique 1

Depuis 12 ans, je garde sur mon bureau les deux petits volumes de la collection intitulée Historiographies, Concepts et débats, sous la direction de C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt, qui fait, comme ils le disent, un « état des lieux. ». Ils commencent en écrivant que « Le passé appartient à tous et les appropriations qui en sont faites ont toutes leur propre légitimité. » Pour eux,      l’histoire des historiens de métier représente un type de relation au passé parmi d’autres, une « discipline qui produit des connaissances » et qui « met en perspective les usages contemporains du      passé. » Cette définition me permet à la fois de reconnaître les formes du passé que mes étudiants et les membres de ma communauté transportent dans leurs valises, et de signaler la spécificité et la solidité de ma tâche d’« historienne de métier », avec ses règles, ses manières de travailler sur les faits et de soumettre ses découvertes à la critique par les pairs.

Depuis 12 ans, je garde sur mon bureau les deux petits volumes de la collection intitulée Historiographies, Concepts et débats, sous la direction de C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt, qui fait, comme ils le disent, un « état des lieux. ». Ils commencent en écrivant que « Le passé appartient à tous et les appropriations qui en sont faites ont toutes leur propre légitimité. » Pour eux,      l’histoire des historiens de métier représente un type de relation au passé parmi d’autres, une « discipline qui produit des connaissances » et qui « met en perspective les usages contemporains du      passé. » Cette définition me permet à la fois de reconnaître les formes du passé que mes étudiants et les membres de ma communauté transportent dans leurs valises, et de signaler la spécificité et la solidité de ma tâche d’« historienne de métier », avec ses règles, ses manières de travailler sur les faits et de soumettre ses découvertes à la critique par les pairs.

Mes préférences s’accumulent mais, depuis l’an dernier, les travaux de l’historien Gérard Noiriel m’ont beaucoup aidée. L’ouvrage qu’il a écrit avec le sociologue Stéphane Béaud, Race et sciences    sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie, est une étude des transformations des relations entre intellectuels et politiques depuis le 19ème siècle, une réflexion sur les frontières entre ce  qu’ils appellent « l’autonomie de la science » et l’engagement. Ils replacent les théories répandues aux États-Unis dans leurs contextes, présentent des approches nées dans d’autres circonstances,        et illustrent leur programme d’étude de la vie publique par une excursion dans le monde du football français. À leurs côtés et depuis plus longtemps (1988), le livre d’Arlette Farge, La vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au XVIIIe siècle, me sert d’exemple, pour la richesse et la subtilité de son compte-rendu des relations entre vie quotidienne et luttes politiques. Au Canada, j’essaye dans mon enseignement de rendre justice à l’héritage de plusieurs de mes professeurs qui, en leur temps, ont pris leur responsabilité de transmission des savoirs au sérieux, en même temps qu’ils affichaient à l’endroit des générations qui les suivaient respect, générosité et ouverture d’esprit. Chez mes collègues au Canada, pour en nommer seulement deux, la versatilité et la rigueur des écrits de Joy Parr sont extraordinaires et, chez les plus jeunes, l’étude des garderies de la Colombie-Britannique par Lisa Pasolli permet d’entrevoir avec une acuité remarquable les mécanismes récurrents et douloureux, matériels et idéologiques, de la fabrication de la pauvreté.

Je viens de terminer une courte biographie de Leslie Chance, le haut-fonctionnaire canadien qui a présidé aux travaux préparatoires de la commission des Nations Unies sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il s’agit d’une histoire de la relation du Canada avec le régime international de protection des réfugiés, un chapitre écrit à la demande de mes collaborateurs du groupe LERRN, pour une collection d’articles sur le sujet. Grâce à la rapidité des recherches sur les plateformes numériques (quotidiens de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, archives de la Société des nations, vieux livres sur l’Internet Archives, images des photographes de l’ONU, etc.), et au travail de documentation méticuleux de l’éditeur des journaux personnels du juriste international canadien et collègue de Chance, John Humphrey, j’ai pu reconstituer la vie de ce personnage peu connu. En même temps, toutes sortes de connexions sont apparues avec les histoire autochtone, militaire, concentrationnaire, philanthropique, étatique, impériale, qui permettent de raconter l’histoire des politiques internationales différemment. J’ai travaillé aussi fort sur la forme du récit que sur la variété du contenu et sur les aspects visuels; je suis contente du résultat, sans encore être sûre que ça va aller.

J’ai pu réfléchir de près à la place du français dans la discipline. La SHC représente déjà un lieu d’échange unique entre le français et l’anglais : les brochures historiques, la série de brochures sur l’immigration et l’ethnicité au Canada, me permettent d’enseigner en anglais des auteurs francophones autrement peu traduits : Micheline Dumont, Normand Séguin, Martin Pâquet. J’ai essayé de créer de nouveaux ponts avec l’IHAF (conférences; interventions publiques communes), donné mon discours présidentiel en français en utilisant des moyens visuels pour me faire comprendre le mieux possible, encouragé  des discussions sur l’avenir des publications universitaires francophones dans un monde de plus en plus anglophone, attiré l’attention sur les historiographies peu connues des anglophones qui arrivent via les écrits des francophones du Canada, et encouragé des collègues à profiter du programme de traduction d’ouvrages académiques de la Fédération des sciences humaines et sociales du Canada.

C’est ça : la société est la plus importante que vous ayez pour promouvoir un soutien matériel et institutionnel plus grand et plus intéressant aux chercheurs et aux étudiants de toutes appartenances, devant tous les niveaux de gouvernement, quel que soit le type d’histoire que vous faites vous-même. Pour les personnes qui souhaitent rejoindre la structure de gouvernance, l’encouragement que ma propre directrice de thèse, Bettina Bradbury, m’a donné en 1990 lorsqu’elle pensait que je devais entrer au comité de rédaction de la Revue de la Société historique du Canada, est toujours valable : vous rencontrerez toutes sortes de personnes intéressantes. Et le sage conseil d’un membre du conseil d’administration qui était là avant moi m’a servi au-delà de la SHC : il vaut mieux se joindre à l’organe consultatif des archives, exprimer une opinion et dire à nos membres comment nous l’avons fait (c’était à une époque où BAC ne se comportait pas beaucoup pour le bien commun) que de s’en aller et de les laisser prendre des directions douteuses sans même savoir ce qu’ils font ; vous savez qu’on leur a dit, ils ne pourront pas plaider l’ignorance.

En sciences humaines, les bibliothèques et archives publiques représentent l’équivalent des laboratoires de nos collègues dans les sciences dures. Le maintien et l’amélioration de ces institutions. La préservation et la mise à jour du code d’éthique du travail auprès de ces institutions, est crucial et les historiens doivent collaborer pour s’assurer de leur continuation et de leur qualité. Par exemple, porter attention à la constitution des grands catalogues numériques, à l’acquisition d’archives, etc.  et essayer de représenter les historiens.

De quelle histoire parle-t-on quand on parle de l’histoire des Canadiens? Est-ce celle des familles des Canadiens d’aujourd’hui, quel que soit leur emplacement il y a 100 ans, ou seulement celle des familles dont les ancêtres étaient au Canada dans le passé? Envisager l’histoire de la Première Guerre Mondiale de la première façon donne lieu à de riches  explorations transnationales.