L’histoire est constituée des récits que les gens racontent sur leur passé – leur passé, celui de leur famille, de leur communauté et de leur place sur la planète Terre. Chaque effort pour aborder le passé est façonné par le contexte et l’idéologie. Qu’elle soit orale ou écrite, l’histoire est un récit en constante évolution conçu pour répondre aux besoins du présent.
Eric Hobsbawm est mon historien préféré en raison de sa capacité exceptionnelle de percevoir les grandes tendances du changement dans le temps et de son sens moral qui guide sa vie. Pour les mêmes raisons, j’admire Sarah Carter, dont les recherches et l’analyse des relations entre Autochtones et colonisateurs dans l’Ouest du Canada apportent une clarté et une intégrité morale exceptionnelles à des questions importantes liées à la classe, à la culture, au sexe et au lieu, qui sont pertinentes tant au niveau mondial que local.
Je suis surtout fière de A Concise History of Canada, publié publié par Cambridge University Press en 2012, l’aboutissement d’un corpus plus vaste de textes d’histoire nationale rédigés avec Alvin Finkel, Donald Fyson et d’autres depuis le début des années 1990. Ces publications ont une large diffusion, touchant un grand nombre d’étudiants et le grand public. Bien qu’ils ne soient pas très appréciés ou même largement étudiés par les universitaires, ces livres ont eu une influence sur les débats relatifs à ce que constitue une histoire « nationale » et accordent une attention particulière aux questions liées à la classe sociale, à la culture, au sexe, à l’idéologie et aux régions au Canada. Je suis également fière de faire partie d’un nombre infime d’historiennes qui ont tenté d’incorporer l’ensemble du Canada, un exercice qui, je vous l’assure, n’est pas une tâche facile pour personne.
Mon plus grand défi en tant que présidente (2005-2007) a été d’aider la SHC à élaborer une stratégie de communication pour l’ère numérique. Avec l’aide de Don Fyson, de Marielle Campeau, du personnel de Bibliothèque et Archives Canada et d’autres personnes, nous avons mis en place de l’information sur la SHC en ligne, y compris ses nombreuses brochures. En l’espace de quelques années, notre site Web était devenu obsolète, un résultat typique dans le monde rapide des technologies de communication du XXIe siècle. Heureusement, il y a beaucoup plus de contenu sur le site Web de la SHC et ceui-ci est plus facile à naviguer qu’il y a quinze ans.
Alors que les institutions économiques, politiques et religieuses officielles s’effondrent sous le poids de leurs structures fossilisées, une société civile forte et les organisations qu’elle inspire sont essentielles au bon fonctionnement d’un régime démocratique. L’appartenance à la SHC est le moins que l’on puisse faire pour soutenir ceux et celles qui produisent une étude du passé aussi professionnelle et utile qu’ils/elles le peuvent au moment où ils/elles le font. Comprendre les racines historiques des pratiques culturelles actuelles ne nous permettra pas, en tant qu’espèce, de relever les profonds défis auxquels la planète est confrontée aujourd’hui, mais cela peut offrir de précieuses indications sur l’agencement humain dont nous devons tous nous inspirer pour affronter l’avenir.
Depuis sa fondation il y a un siècle, la SHC est confrontée au défi de sa pertinence. La discipline de l’histoire a aussi souvent été dévalorisée, par exemple en recevant moins de soutien de la part des organismes subventionnaires que les domaines STIM aujourd’hui si prisés. Un jour, la SHC et la discipline de l’histoire ne seront peut-être plus pertinentes pour personne, mais pour le moment, elles sont sans doute plus importantes que jamais. Notre tâche en tant que citoyen.e.s et historien.ne.s est de prêter une attention particulière aux forces qui sapent les efforts d’analyse des racines historiques de toute condition actuelle.
Question : Comment la SHC peut-elle contribuer à ce qu’elle-même et ses alliés institutionnels (les archives, les départements d’histoire, les musées et les sociétés d’histoire locale entre autres) traversent avec succès la grande transition à laquelle la société actuelle est confrontée ?
Ma réponse à cette question est que nous devons continuellement lutter pour soutenir les structures qui rendent possible notre meilleur travail qui soit. Il s’agit d’une activité (tout comme la création de l’histoire elle-même) qui évolue avec le temps, souvent de façon spectaculaire. Pour reformuler un commentaire relatif à la justice sociale attribué à Tommy Douglas et Maude Barlow, s’efforcer de rendre la discipline de l’histoire pertinente, c’est comme prendre un bain ; nous sommes obligés de le faire tous les jours, sinon nous allons bientôt commencer à puer. En d’autres termes, cette lutte permanente pour la pertinence est l’essence même de l’énoncé de mission de la SHC.