Je suis un peu allergique à ces définitions, car elles suggèrent une approche immuable et des frontières disciplinaires fixes qui peuvent être marquées et contrôlées. Mais si je dois en faire un portrait, je vois la discipline historique non pas comme une ville fortifiée, mais plutôt comme un lieu d’appartenance dynamique, diversifié et vivant. Mais il y a beaucoup de choses qui nous unissent en termes de méthodologie et de notre engagement commun pour la recherche empirique et la transparence des sources. Notre formation et notre sensibilité sont donc, à divers degrés, différentes de celles d’autres disciplines, et nous bénéficions égalemeent d’une conversation avec ce monde des chercheurs/chercheuses plus large ainsi qu’avec les communautés que nous étudions.
Un certain nombre d’historien.ne.s m’ont inspiré au fil des ans. L’engagement de Raphael Samuel à ouvrir le processus de recherche historique à des communautés souvent marginalisées continue de le faire. Il a également soulevé des questions critiques pour nous, en tant qu’historien.ne.s, sur notre métier et la politique de ce que nous faisons. Cela aussi est nécessaire, car les structures disciplinaires sont souvent normalisées à un point tel qu’elles nous sont invisibles. Je considère maintenant l’ « histoire » comme un projet social et non seulement comme une discipline.
Le livre dont je suis probablement le plus fier est Base Colonies in the Western Hemisphere qui a été publié en 2009, même si personne n’en a entendu parler au Canada. Ce livre examine la race et l’empire à Terre-Neuve, aux Bermudes et dans les Caraïbes dans les années 1940 et 1950. Je l’appelle mon « livre perdu », car il n’a jamais été soumis à une évaluation (j’aimerais mieux ne pas faire de commentaires à ce sujet !). Ce n’est pas non plus le domaine de recherche pour lequel je suis le plus connu. Le seul endroit où le livre a eu un impact – et c’est pourquoi j’en suis fier – est aux Bermudes. Au cours des deux dernières années, le livre a été utilisé à plusieurs reprises par les familles des personnes dépossédées par l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale pour appuyer leurs demandes d’indemnisation dans le cadre de l’enquête publique sur les pertes historiques de terres. Certaines familles ont même lu (avec beaucoup d’émotion) des pages entières du livre lors de leurs témoignages. J’ai été très affecté par ces audiences. Le livre a également été utilisé pour justifier la création d’une commission parlementaire spéciale chargée d’étudier l’établissement d’un salaire minimum vital aux Bermudes, en citant abondamment mon livre au début de la motion [Chambre d’assemblée des Bermudes, Hansard, le 10 août 2018]. Quel historien pourrait souhaiter avoir une plus grande incidence ?
On me demande de répondre à ce questionnaire alors que seulement six mois de mon mandat de deux ans se sont écoulés. Je m’en remettrai donc à mon futur moi. Ce que je vais dire aujourd’hui, cependant, c’est que j’ai trouvé que le système de la SHC, qui consiste à ce que le/la futur.e président.e occupe d’abord le poste de vice-président.e, est essentiel. Cela donne le temps d’apprendre les ficelles du métier et permet d’établir les priorités de façon naturelle.
Je suis très fier de la direction que prend notre société et des changements en cours. Il y a beaucoup de travail à faire et cela doit être fait collectivement. Il est important que notre société poursuive son engagement envers la politique de notre temps, car l’histoire est souvent instrumentalisée par ceux qui ont peu de connaissances ou d’expertise en histoire.
Je suppose que c’est la question classique du « rêve uchronique » : si vous aviez pu faire quelque chose de différent pendant votre mandat de président de la SHC, qu’auriez-vous fait ? Il est trop tôt pour que je réponde à cette question, mais je sais maintenant qu’être président de la SHC représente beaucoup plus de travail que je ne le pensais !