logo headerx1
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
cha mono

  1. Home
  2. /
  3. Lettre de la SHC au Conseil…

Lettre de la SHC au Conseil des recherches en sciences humaines au sujet du financement des études supérieures en histoire

CHA logo Vertical

Le 24 octobre 2022

Ted Hewitt
Président
Conseil de recherches en sciences humaines
350, rue Albert, C.P. 1610
Ottawa, ON
K1P 6G4

 

Cher monsieur Hewitt,

Je vous écris au nom de la Société historique du Canada (SHC) pour encourager vivement le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) à prendre immédiatement des mesures pour réaffecter des fonds importants aux doctorants et doctorantes et aux stagiaires postdoctoraux. En termes simples : plus de bourses de plus grande valeur.

La négation persistante de la précarité dans les sciences humaines a été favorisé par l’idée corrosive que nous vivons et travaillons dans une méritocratie : que les « meilleur.e.s » candidat.e.s trouvent un emploi menant à la permanence. D’une part, l’intériorisation de l’idée de méritocratie a amené de nombreux enseignant.e.s temporaires et jeunes diplômé.e.s à la recherche d’un emploi à douter d’eux/elles-mêmes. Si seulement ils/elles avaient travaillé plus dur, publié plus, rencontré plus de gens : le résultat aurait pu être différent. D’un autre côté, la pensée méritocratique a servi à réconforter les personnes qui sont dans une situation enviable : elle a effectivement dépolitisé la précarité et rendu la violence structurelle presque invisible pour les autres. Il faut que cela change.

Au cours des deux dernières années, la Société historique du Canada a travaillé d’arrache-pied pour encourager un changement de culture dans ses propres rangs. Cela a commencé par une série de tables rondes nationales au cours desquelles le message a été clairement entendu que des changements fondamentaux s’imposent de toute urgence. Voici un exemple de témoignage partagé (depuis publié en ligne) :

« Nous aimons tous profondément ce que nous faisons….. Cet amour nous est enlevé par nos institutions, nos employeurs et nos administrateurs. Il est utilisé pour nous exploiter chaque fois que nous faisons du travail supplémentaire ou que nous soutenons les étudiant.e.s que nous enseignons, que nous corrigeons correctement les copies même si nous ne sommes pas assez payé.e.s pour le faire, ou que nous mettons au point le plan d’un cours même si on ne nous a donné qu’une semaine. » – Jeremy Milloy, table ronde de la SHC, janvier 2021.

Ces conversations ont mené à un important rapport de la SHC sur la précarité au printemps 2021. L’une de ses principales recommandations était la création d’un groupe de travail de sept membres chargé d’examiner l’avenir du doctorat en histoire dans les universités canadiennes.

Au cours de la dernière année, les membres du groupe de travail ont entrepris un énorme travail de recherche. Le rapport qu’il vient de publier, disponible à l’adresse https://cha-shc.ca/_uploads/633ee4c38d789.pdf, met en évidence des problèmes structurels majeurs, à commencer par l’écart considérable entre le temps moyen nécessaire pour terminer un doctorat en histoire (plus de 6 ans) et les programmes de financement (généralement 4 ans). Un autre point que le rapport final du groupe de travail met en évidence est que les niveaux de financement, partout, se situent bien en dessous du seuil de pauvreté. Je reproduis ici l’un des graphiques du rapport qui illustre bien le problème.

Nous demandons donc au CRSH d’augmenter immédiatement d’au moins 50 % les niveaux de financement des bourses de doctorat standard.

SSHRC Image

Nous sommes également conscients qu’il existe une disparité considérable entre les étudiant.e.s de doctorat en matière de financement. Malheureusement, le taux de réussite des bourses de doctorat du CRSH demeure ridiculement bas. Cela aussi doit changer.

Nous exhortons le CRSH à réaffecter des fonds importants à ses bourses de doctorat standard afin d’en offrir beaucoup plus chaque année. Le taux de réussite devrait être beaucoup plus élevé qu’il ne l’a été ces dernières années.

Le Groupe de travail a également indiqué clairement que le CRSH doit faire un nouvel investissement important dans son programme de financement postdoctoral. Le financement postdoctoral est essentiel pour les étudiant.e.s diplômé.e.s, car il leur permet de demeurer dans le bassin d’emploi pendant les deux premières années critiques. Ici aussi, le taux de réussite a considérablement diminué au fil des ans.

Nous demandons au CRSH de doubler immédiatement son enveloppe de financement des bourses postdoctorales, et ce, dès maintenant.

Cette seule action fera une grande différence pour les récent.e.s diplômé.e.s qui sont souvent les plus précaires et aura un impact positif à long terme sur nos disciplines.

En ce qui concerne la race, l’indigénéité et les racines ouvrières des étudiant.e.s diplômé.e.s, lorsque nous consultons le tableau de bord de l’ÉDI du CRSH, les données relatives aux bénéficiaires de bourses de doctorat ne sont pas disponibles. De plus, les catégories du CRSH ne tiennent pas compte de la classe sociale. C’est un problème car, sans financement adéquat, les étudiant.e.s qui n’ont pas d’économies ou de famille pouvant les soutenir sont beaucoup moins en mesure de réussir. La recherche montre qu’un nombre croissant de professeur.e.s sont eux-mêmes les enfants de membres du corps professoral. Cette situation n’est pas saine pour nos universités.

Nous demandons instamment au CRSH et à la Fédération canadienne des sciences humaines d’entreprendre un sondage auprès des étudiant.e.s diplômé.e.s actuel.le.s dans les disciplines financées par le CRSH afin de déterminer si les étudiant.e.s de ces domaines reflètent la diversité de la population canadienne.

Enfin, nous demandons au CRSH de revoir ses critères d’admissibilité pour les chercheur.e.s communautaires qui, à l’heure actuelle, ne sont pas admissibles à titre de chercheur.e. principal.e. d’une subvention du CRSH. Cela a eu pour conséquence que des chercheur.e.s précaires ont dû s’adresser à quelqu’un d’autre pour mener leur projet.  C’est une erreur à plusieurs niveaux, qui place tout le monde dans une position intenable.

Nous sommes conscient.e.s que ces mesures, si elles sont mises en œuvre avec l’enveloppe financière actuelle, représentent une réorientation substantielle du financement du CRSH des professeur.e.s vers les étudiant.e.s et les stagiaires postdoctoraux, mais nous pensons qu’il s’agit d’une façon tangible de commencer à s’attaquer au problème structurel de la précarité dans nos disciplines. C’est maintenant qu’il faut agir et ne pas reporter à une date ultérieure.

Le Conseil de recherches en sciences humaines a l’obligation de répondre avec force à la crise de la précarité.

N’hésitez pas à communiquer avec moi pour toute question.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués,

Steven High
Président
Société historique du Canada