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Lettre ouverte de la SHC protestant contre les modifications proposées à la Loi sur le droit d’auteur du Canada

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Le 12 mai 2022

Monsieur le premier ministre du Canada Justin Trudeau,

La Société historique du Canada vous écrit pour exprimer son opposition aux modifications proposées à la Loi sur le droit d’auteur du Canada, telles que décrites dans le récent budget fédéral.

En vertu de la législation actuelle, la durée générale du droit d’auteur est la vie du créateur plus cinquante ans.  Le gouvernement fédéral a l’intention de prolonger cette période de vingt ans supplémentaires afin de l’aligner sur la Loi sur le droit d’auteur des États-Unis. Ces changements découlent de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (CUSMA), qui prolonge essentiellement la loi américaine Sonny Bono Copyright Term Extension Act de 1998.

Les lois sur le droit d’auteur sont conçues pour protéger les intérêts des créateurs, afin qu’ils puissent tirer profit de leur propriété intellectuelle. En théorie, ces droits encouragent les créateurs à créer davantage en leur garantissant qu’ils sont les seuls bénéficiaires de leurs œuvres, du moins pendant une certaine période.

Reflétant cette intention, la Loi sur le droit d’auteur de la reine Anne de 1709 n’accordait aux auteurs qu’un monopole automatique de quatorze ans qui pouvait être prolongé à vingt-huit ans si l’auteur était encore en vie. C’était la loi « originale » sur le droit d’auteur en Amérique du Nord britannique et dans les anciennes colonies qui sont devenues les États-Unis et le Canada.

Les extensions de la durée du monopole ont été largement basées sur l’assurance que les créateurs, et plus récemment leurs héritiers, en bénéficient pendant une plus longue période. Cependant, ces héritiers sont de plus en plus souvent des entreprises et, plutôt que de s’assurer que les créateurs en bénéficient, il semble que l’objectif soit de s’assurer que les entreprises gagnent de l’argent.

L’une des conséquences imprévues de la loi sur le droit d’auteur est qu’elle réduit ce qui existe dans le domaine public.

Selon la loi canadienne actuelle, de nombreuses œuvres créées en 1972 entrent dans le domaine public cette année.  Les changements proposés créeraient une pause de vingt ans dans ce processus, pendant laquelle aucun droit d’auteur n’expire. Compte tenu de la période en question, du début des années 1970 au début des années 1990, cette interruption crée un problème pour les historiens du Canada moderne.

À l’heure actuelle, dans le cadre de la période de droits d’auteur de cinquante ans, l’accès aux documents personnels des politiciens et d’autres individus conservés dans les archives publiques ne peut se faire qu’après que le chercheur ait été approuvé par le créateur ou son représentant et qu’il ait obtenu la permission. Ce processus de contrôle est largement dû à la loi actuelle sur le droit d’auteur et peut constituer un obstacle à l’accès critique. En conséquence, il n’est pas rare que notre compréhension fasse l’objet d’une révision importante après l’expiration de la période de droit d’auteur. L’ajout de vingt années supplémentaires est donc significatif.

Une autre conséquence imprévue de la Loi sur le droit d’auteur est ce que le juriste Michael Heller appelle la tragédie de « l’anti-communs » (2013), lorsque la propriété individuelle peut mener à une sous-utilisation. Les critiques de la Loi actuelle sur le droit d’auteur désignent souvent Walt Disney et la Walt Disney Company comme les principaux instigateurs des récents changements, leur raison d’être étant le désir de continuer à tirer profit des créations de Walt.

La législation actuelle sur le droit d’auteur au Canada distingue plusieurs types de créations et de créateurs. Les œuvres anonymes et pseudonymes bénéficient déjà d’un droit d’auteur de soixante-quinze ans à compter de la création et de cent ans à compter de la publication.

En somme, la Société historique du Canada est préoccupée par l’extension proposée de la période du droit d’auteur. Nous croyons que cette prolongation devrait être reconsidérée, ou qu’une exception doit être faite pour les documents déposés par les créateurs dans les archives publiques. L’absence d’une telle mesure constitue un obstacle sérieux à l’étude de la seconde moitié du XXe siècle.

Veuillez agréer, Monsieur le premier ministre, l’expression de mes sentiments distingués,

Steven High, président de la SHC
Daniel Sims, membre du CA et président du portefeuilles des interventions publiques de la SHC