Récent.e.s lauréat.e.s

Le prix Wallace-K.-Ferguson
Natalie Zemon Davis. Trickster Travels: A Sixteenth-Century Muslim Between Worlds, New York, Hill and Wang, 2006.
Avec Trickster Travels, Natalie Zemon Davis nous offre un récit passionnant de la vie d’un diplomate, prisonnier et érudit musulman; d’un personnage obscur aux identités variées : al-Hasan al-Wazzân, nom de naissance qu’il reçut à Grenade à la fin des années 1480; Giovanni Leone, nom chrétien attribué en l’honneur du pape qui le baptisa en 1520 durant sa captivité; Yuhanna al-Asad, version arabe du nom italien que ses amis romains employèrent avant sa fuite en 1527; et Léon l’Africain, auteur de l’œuvre populaire Description de l’Afrique. Al-Wazzân adapta de façon habile son identité aux circonstances, et c’est à l’intérieur de ce processus d’échanges que Davis trouve le cœur de son sujet. Les carences documentaires sur al-Wazzân étant importantes, Davis puise dans son extraordinaire connaissance de la littérature historique sur le monde méditerranéen du XVIe siècle, et tire avantage de son talent à interpréter les impératifs culturels conflictuels de l’époque, pour reconstruire la vie d’al-Wazzân. Dans ce livre comme dans les précédents qu’elle nous a offerts, Davis identifie attentivement les silences, les contradictions et les mystères dans les écrits d’al-Wazzân dans le but d’exploiter les complexités morales et psychologiques de la vie entre deux mondes en conflit. Ce livre est un tour de force de reconstruction historique. Il s’agit aussi d’une réflexion profonde sur le défi de trouver dignité et justice dans l’univers multiculturel difficile légué au présent par l’époque d’al-Wazzân.
Mention honorable :
Shannon McSheffrey, Marriage, Sex, and Civic Culture in Late Medieval London, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.
Le livre de Shannon McSheffrey porte sur la ville de Londres durant la seconde moitié du XVe siècle. Les lecteurs ne doivent cependant pas s’arrêter au temps et au lieu étudiés, car Marriage, Sex, and Civic Culture in Late Medieval London a énormément à offrir à quiconque le lira, tant sur le fond que sur la forme. L’auteure montre qu’il n’existait pas de barrières entre les espaces publics et privés à la fin du Moyen Âge. Loin de se résumer à une cérémonie privée unissant un homme et une femme, le mariage était l’aboutissement d’un long processus qui se déroulait au vu et au su des familles, du voisinage, des autorités publiques et de l’Église. Elle affirme avec éloquence et élégance que ce que nous considérons aujourd’hui comme faisant partie de la sphère privée faisait alors partie du domaine public. Ce faisant, elle démontre que les historiens, entre autres George Duby et Philippe Ariès dans leur Histoire de la vie privée, ont trop souvent pêché par anachronisme en appliquant à la période médiévale des concepts contemporains. Par la même occasion, alors que des travaux récents affirmaient que la culture civique londonienne devenait de plus en plus séculière, McSheffrey réaffirme la place centrale de la culture religieuse en Angleterre à la fin du Moyen Âge.
Les conclusions de l’auteure sont fondées sur une lecture attentive d’archives diverses. Un intéressant appendice offre une courte discussion de la valeur de ces sources. Les notes de fin de volume sont abondantes et permettent à McSheffrey de présenter quelques débats historiographiques. L’écriture de l’auteure est limpide, et son livre pourra être apprécié tant des spécialistes que des étudiants.