En réponse à l’évolution des tendances dans la discipline de l’histoire et dans le monde universitaire en général, ce comité se penche sur les exigences des programmes de doctorat, la situation du financement, le délai d’achèvement, le manque de diversité dans la profession historique et les résultats de titulaires de doctorat. Le rapport présente les résultats de cette recherche et examine les moyens de former les doctorant.e.s afin d’améliorer leur expérience et de les positionner pour un marché du travail en évolution, y compris des carrières à l’extérieur du milieu universitaire.
Cette table ronde très attendue a été l’occasion pour un comité de la SHC — formé par Catherine Carstairs, Martin Pâquet, Christine O’Bonsawin, Sam Hossack, William Langford, Tina Loo et John Walsh — de présenter les conclusions de leur rapport sur l’avenir du doctorat en histoire au Canada. Près d’une centaine de personnes de divers horizons ont assisté à la table ronde, donnant lieu à des échanges dynamiques autour d’un sujet dont l’intérêt et l’importance sont indéniables.
Les membres du comité ont d’abord présenté les statistiques et les observations découlant de leurs imposantes recherches. Elles ont permis de faire ressortir les tendances générales du doctorat, au-delà des anecdotes avec lesquelles les professeurs, chercheurs et étudiants sont familiers. Entre 2016 et 2022, le comité a recensé un total de 562 thèses en histoire complétées au pays, 460 d’entre elles en anglais et 102, en français. La pandémie a eu un impact clair sur l’achèvement des thèses, qui a diminué depuis 2020. Plus de la moitié des thèses exploraient l’histoire du XXe siècle, une proportion similaire au nombre de postes professoraux dans les universités du pays. Les deux aires géographiques de prédilection étaient le Canada et l’Europe occidentale, bien qu’une grande diversité de régions ait été étudiée. Une légère tendance à l’histoire sociale, culturelle et politique se ressentait dans les sujets, même si les champs mobilisés étaient somme toute bien équilibrés.
En moyenne, un doctorant concluait sa thèse en six ans et un mois, avec 60 % des étudiants l’ayant complétée avant ou pendant leur septième année. Suite à l’achèvement de ces études, seuls 108 doctorants ont continué au postdoctorat et 23 ont obtenu des postes universitaires pouvant mener à la permanence ; 431 ont choisi d’autres avenues. Quant aux emplois obtenus par ces étudiants diplômés, la majorité se trouvaient dans le monde universitaire, même s’il ne s’agit pas nécessairement d’un poste de professeur. Plusieurs doctorants y restaient comme chargés de cours, chercheurs associés ou dans des postes de nature administrative. Une proportion significative de diplômés a également trouvé un emploi dans la fonction publique, dans le domaine archivistique ou dans des organisations à but non lucratif.
Le financement des doctorants s’est retrouvé au centre des projecteurs. Aucun des programmes de financement garanti des universités canadiennes ne permet aux étudiants de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté. Si les bourses des organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux donnent la possibilité à certains étudiants de pallier partiellement cette précarité économique, elles sont peu nombreuses et s’inscrivent dans des enjeux d’équité devant être discutés en profondeur. Considérant que 91 % des étudiants au 3e cycle ont plus de 30 ans, il est également nécessaire de réfléchir à des modalités de financement adaptées à des groupes d’âge aux types de dépenses différents.
Le comité s’est ensuite penché sur la scolarité d’un étudiant de 3e cycle. Quels devraient être les buts d’une formation doctorale, considérant les perspectives limitées d’emploi à titre de professeur universitaire ? Il importe alors de s’assurer que les compétences acquises au doctorat puissent être mobilisées dans un contexte non universitaire, notamment par le biais de programmes d’alternance travail-études (coop). L’une des avenues s’ouvrant aux universités canadiennes est le développement de programmes d’apprentissage en milieu de travail, permettant aux doctorants d’obtenir un emploi rémunéré lié à leurs études. De cette manière, tout particulièrement dans les deux premières années de leur diplôme, ces derniers peuvent construire des réseaux et des relations tout en acquérant des compétences transversales influençant leurs recherches. De plus, les environnements de travail de ces doctorants bénéficient également de leur expertise, permettant d’ancrer la recherche dans la communauté et dans des échanges mutuellement bénéfiques.
Les examens de synthèse font également l’objet de réflexions sur leur forme et leur contenu. S’ils permettent de s’inscrire dans les subtilités d’un champ de recherche, ils peuvent être imprécis et être une sorte d’initiation au monde académique ne formant pas directement les compétences que devraient développer les doctorants. Des alternatives aux examens de synthèse traditionnels pourraient alors favoriser des recherches et un enseignement plus ancrés dans la communauté.
Le format classique de la thèse doctorale peut être repensé dans la même lignée. Au-delà de sa contribution originale à l’historiographie — dont le caractère gagnerait à être défini davantage —, une thèse devrait être réfléchie en fonction de sa finalité, certes, mais également du processus permettant de la conclure. C’est ainsi qu’une thèse plus courte, mais aux objectifs divers et avec un comité de lecture à la composition variée pourrait transformer la thèse doctorale telle que connue aujourd’hui.
Enfin, le comité a mis l’accent sur la nécessité de mettre de l’avant les acquis d’apprentissage que devrait posséder tout étudiant au 3e cycle. Tout programme devrait être basé sur trois piliers : des activités, des évaluations et des acquis d’apprentissage. Les tendances identifiées par le comité montrent que la grande multiplicité des activités et des évaluations mène à une disproportion reléguant les acquis d’apprentissage au sous-texte, menant à des difficultés et des embûches imprévues. En rebalançant ces trois piliers, le programme doctoral serait plus conforme à sa mission et permettrait d’alléger le stress des étudiants de 3e cycle.
Cette table ronde a été l’occasion d’introduire les conclusions d’un rapport que tout département et tout étudiant gagnerait à lire et à examiner. Ses recommandations, qui détaillent davantage les grandes lignes que le comité de la SHC a mises de l’avant, ont le potentiel de développer un programme de 3e cycle visant à pallier les failles qu’il possède présentement. Loin d’être sombre, l’avenir du doctorat en histoire est varié : il ouvre la porte à plusieurs avenues de réflexion qui permettraient à tout doctorant de s’intégrer dans une pluralité de milieux.
Christine O’Bonsawin, Sam Hossack, William Langford, Tina Loo, John Walsh.
Présidente : Catherine Carstairs
Rapport du Groupe de travail sur l’avenir du doctorat en histoire au Canada
Annexe 2
Lettre du président de la SHC au CRSH concernant le financement des étudiant.e.s diplômé.e.s.
L’enregistrement de la table ronde est disponible sur la chaîne YouTube de la SHC.