Au cours des vingt dernières années, les départements d’histoire du Canada se sont orientés vers la recherche et l’enseignement d’une histoire plus globale. La Société historique du Canada a été lente à suivre le pas. Que devons-nous faire en tant que société pour établir des relations avec les non-canadianistes qui enseignent dans les universités canadiennes ? Comment notre réunion annuelle pourrait-elle s’ouvrir sur le monde dans les années à venir ?
Juanitas De Barros, Meredith Terretta, Wendell Adjetey, Twisha Singh, Paula Hastings.
Président : Alexandre Dubé
Le mercredi 18 janvier, six historiens se sont réunis pour discuter de la possibilité d’une Société historique du Canada (SHC) plus globale, qui reflète son mandat d’être une association pour tous les historiens au Canada, et non seulement pour les historiens canadianistes. Alexandre Dubé, de l’Université du Québec à Chicoutimi, a présidé la table ronde virtuelle à laquelle ont participé Juanita de Barros, de l’Université McMaster, Meredith Terretta, de l’Université d’Ottawa, Twisha Singh, de l’Université McGill, Paula Hastings, de l’Université de Toronto, et Wendell Adjetey, de l’Université McGill. Alexandre Dubé a commencé par rappeler qu’il s’agit d’une vieille question pour la SHC, qui remonte aussi loin qu’aux années 1930.
Juanita De Barros a fait remarquer que, comme bon nombre de ses collègues, son travail ne se concentre plus sur une seule région géographique — dans son cas, Georgetown, Guyana — pour s’intéresser à des sujets plus larges sur les femmes, la race, la classe, le genre et la santé. Les intérêts de De Barros au cours des dernières décennies ont fait d’elle une historienne beaucoup plus régionale et comparative. Les questions historiques auxquelles s’intéresse De Barros ne peuvent pas trouver de réponse dans une seule colonie, ni même dans un groupe de colonies. En ce qui concerne la SHC elle-même, De Barros a médité sur une présentation qu’elle a faite à la SHC au printemps dernier : si elle n’avait pas eu de composante canadienne, l’aurait-elle présentée à la SHC ? Probablement pas, s’est-elle dit ; la SHC devrait réfléchir à la façon d’attirer à ses réunions annuelles des histoires comparatives qui n’incluent pas nécessairement le Canada.
Meredith Terretta a mentionné qu’elle a également été formée sur une aire géographique restreinte, l’Afrique équatoriale, où l’accent était mis sur le local. Mais depuis 2010, tous ses travaux intègrent une forme de transnationalité. À l’Université d’Ottawa, Terretta et ses collègues proposent des séminaires « History Across Borders » (« Histoire au-delà des frontières ») de troisièmes et quatrièmes années, qui sont dirigés chaque session par un professeur différent qui apporte ses propres intérêts thématiques. Terretta reconnaît qu’il est difficile de catégoriser ces cours, mais qu’il est important de ne pas simplement les regrouper sous le terme « Autre », qui, selon elle, n’est pas une identité, mais une étiquette qui ne représente pas véritablement le cours.
Twisha Singh a souligné l’importance du point de vue des étudiants étrangers à la discussion, en faisant valoir l’importance d’inclure plus de « non Canadianistes » dans la SHC. Les étudiants internationaux parlent de leurs expériences, alors comment peuvent-ils faire avancer leurs aspirations professionnelles en faisant partie de la SHC ? Elle travaille avec la SHC pour inclure plus de voix d’étudiants internationaux parce qu’actuellement, ces derniers ne participent pas aux comités étudiants ou aux ateliers de la SHC. Selon Singh, l’une des solutions consiste à contacter des gens de différentes universités afin de rejoindre les étudiants étrangers et de leur faire savoir que la SHC représente tous les étudiants en histoire. La SHC doit faire savoir qu’elle est une association globale.
Paula Hastings s’est interrogée sur la façon dont la SHC s’engage à l’extérieur du Canada puisque depuis plusieurs années, il existe un intérêt solide et croissant pour situer différents aspects de l’histoire canadienne dans des contextes mondiaux. Une façon d’évaluer dans quelle mesure la SHC se diversifie géographiquement est d’analyser les types de recherches menées et présentées lors de la conférence annuelle de la SHC. Hastings a examiné les programmes des conférences annuelles de 2015, 2017 et 2019 afin de quantifier les contributions des personnes affiliées à des institutions non canadiennes dans les panels, les tables rondes, les discours d’ouverture et les présentations d’affiches, et en examinant les articles présentés sur des sujets sans élément canadien dans les panels traditionnels uniquement. Tout en précisant que son étude est informelle et qu’elle ne répond pas nécessairement aux standards méthodologiques, Terretta a découvert que dans tous les cas, moins de 20 % des contributions — dans un cas, seulement 5 % — ne portaient pas sur le Canada. En tant qu’historienne canadienne, Hastings s’est demandé s’il n’y aurait pas moyen d’attirer des chercheurs ayant des synergies thématiques, peut-être par le biais des appels à communications et en encourageant les panels transnationaux et thématiques.
Enfin, Wendell Adjetey a fait valoir que la SHC est parfaitement positionnée pour s’étendre sérieusement sur le plan géographique et de manière à pouvoir intégrer d’autres historiens et étudiants aux expériences variées. L’une des principales conclusions qu’Adjetey a tirées de la rédaction de son livre est l’importante contribution des peuples afrodescendants à la mondialisation du Canada. Toutefois, a noté Adjetey, le Canada accueille des immigrants de toute l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Amérique latine, mais beaucoup moins de l’Afrique, bien qu’il s’agisse du territoire dont la croissance est la plus rapide au monde. Quel genre d’angle mort pourrait en résulter ? Il faut se questionner sur la manière de faire face à certaines de ces tendances en considérant l’histoire, les liens entre l’Empire britannique et l’Afrique et le fait que le Canada reste, à certains égards, un joyau de cet empire.
À la suite des présentations individuelles, les panélistes et l’auditoire ont discuté de stratégies visant à faire de la SHC une institution plus globale, qui reflète l’histoire diversifiée et mondialisée du Canada d’aujourd’hui.
La vidéo de la table ronde est affichée sur la chaîne You Tube de la SHC.