4. Présenter une candidature aux cycles supérieurs
Révisé et augmenté par Andrew M. Johnston, Ph.D., professeur agrégé, Université Carleton
Une fois que vous aurez décidé d’intégrer les études supérieures, vous devrez entamer le processus de candidature. Ce chapitre vous fournit des conseils pratiques sur la façon de vous porter candidat aux programmes d’histoire au Canada. Certaines de nos suggestions peuvent concerner les études supérieures à l’étranger, mais vous devez être conscient que les façons de soumettre une candidature sont différentes dans les universités des autres pays. Par exemple, au Canada, les candidatures aux programmes de maîtrise et de doctorat se font en général séparément. À l’inverse, certaines universités proposent à des étudiants n’ayant pas encore la maîtrise d’intégrer directement un programme de doctorat ; aux États-Unis, la plupart des étudiants ne soumettent qu’une seule candidature à un programme conjoint maîtrise/doctorat. Certaines universités américaines délivrent un diplôme final de maîtrise (réalisée en un ou deux ans), mais elles proposent rarement une aide financière pour l’obtention de ce diplôme.
Accordez-vous beaucoup de temps pour décider où vous voulez étudier et pour rédiger vos candidatures. Il est extrêmement important, si vous soumettez votre candidature à des programmes d’études supérieures à l’extérieur du Canada, que vous vous y preniez de bonne heure. D’une part, la plupart des universités américaines exigent que les candidats subissent l’examen d’admission aux études supérieures (Graduate Record Examination, GRE), ce qui n’est pas le cas des universités canadiennes. En règle générale, vous devriez entamer ce processus à l’automne, un an avant d’intégrer les études supérieures. Bien que les dates limites des candidatures soient variables, la plupart tombent entre novembre et janvier pour une admission au mois de septembre suivant. Les dates limites pour les candidatures aux aides financières sont parfois différentes ; faites bien attention à ne pas les rater.
La plupart des universités font connaître leurs décisions quant aux admissions en mars ou en avril, bien qu’elles soient de plus en plus nombreuses à accepter leurs meilleurs candidats plus tôt. N’hésitez pas à contacter les universités dont vous êtes sans nouvelles une fois que vous avez obtenu une proposition, afin de négocier le meilleur plan de financement possible.
Réunir les informations nécessaires
La première étape du processus de candidature est de savoir où la soumettre. Ne basez pas votre décision uniquement sur le prestige de l’université ; le classement d’un programme particulier d’études supérieures en histoire tient autant à la réputation du département et à ses professeurs, au niveau individuel, qu’à l’université dans son ensemble. Si vous éprouvez une grande admiration pour le travail d’un professeur en particulier, tâchez de savoir où il enseigne.
La meilleure manière de commencer vos recherches, bien sûr, c’est de consulter les sites Internet des départements. Vous y trouverez de l’information sur les cours, les programmes des facultés et, souvent, sur les étudiants de deuxième et troisième cycles inscrits à ces programmes. Les sites Internet présentent généralement leurs recherches en cours, mais gardez à l’esprit que certaines de ces informations risquent d’être obsolètes. Si vous avez des doutes, contactez directement les membres des facultés pour vous renseigner sur leurs projets en cours. Les départements présentent également sur leur site Internet les listes des cours qu’ils proposent pour les cycles supérieurs (bien que ceux-ci puissent changer d’une année sur l’autre) ainsi que leurs exigences en ce qui concerne les procédures d’admission, les diplômes, les frais d’inscription et les aides financières. Les comités d’admission aux cycles supérieurs considèrent plus favorablement les candidats possédant une certaine familiarité avec ce que proposent les départements et les types de recherche privilégiés par les facultés.
Vos professeurs de premier cycle peuvent vous être d’une grande aide dans le choix d’un établissement d’enseignement supérieur. Demandez-leur quelles sont à leur avis les universités qui proposent les programmes qui conviennent le mieux à vos intérêts et à vos aptitudes particulières, et tâchez de savoir s’ils peuvent parler favorablement de vous aux gens qu’ils connaissent dans ces départements. N’hésitez pas à demander conseil aux professeurs, même à ceux dont vous n’avez pas suivi les cours. Leur avis peut s’avérer particulièrement utile s’ils ont fait leurs études dans l’établissement qui vous intéresse. Certains professeurs vous parleront franchement des forces et des faiblesses de certains départements ou de certains professeurs en particulier. D’autres n’y feront que des allusions. Prêtez une grande attention aux allusions sur les politiques des départements ou sur les conflits de personnalité : vous ne voudriez pas atterrir dans un département où les deux personnes avec qui vous voulez travailler ne se sont pas adressé la parole depuis dix ans ! Mais ne discutez pas qu’avec vos professeurs ; essayez d’obtenir le plus possible d’informations auprès du plus possible de personnes.
Pour soumettre votre candidature à un programme d’études supérieures, il faut vous procurer les formulaires nécessaires. La plupart des candidatures doivent être soumises en ligne, aussi les formulaires seront-ils en ligne également. Parfois, des copies papier sont exigées. Vérifiez ces informations sur les sites Internet du département ou de l’institution que vous visez. Ce n’est qu’une fois que vous saurez comment soumettre votre candidature que le véritable travail commencera.
Que rechercher dans un programme, un département ou une école ?
Vous allez passer de nombreuses années dans une institution d’enseignement supérieur, surtout si vous visez le doctorat, aussi devriez-vous rassembler le plus possible d’informations sur l’histoire du département et les programmes qu’il propose, ainsi que sur l’université dans son ensemble. Les professeurs, le curriculum, les fonds de la bibliothèque, les salles d’ordinateurs, les avantages en ce qui concerne les aides financières, les services de conseil et de santé, les dispositifs pour les personnes handicapées et la situation géographique sont d’importantes considérations à prendre en compte dans le choix de votre institution. Essayez d’en apprendre autant que vous le pourrez sur les exigences du programme et sur sa flexibilité. Devrez-vous ne prendre de cours qu’en histoire exclusivement ou pourrez-vous suivre des cours hors du département ou dans une université voisine ? Quelles sont les exigences en matière linguistique ? Comment pouvez-vous y répondre si vous n’êtes pas sûr de parler couramment la langue d’usage requise ? Si vous partez étudier à l’étranger, renseignez-vous sur la nécessité ou non d’un visa étudiant, sur son coût et sur sa difficulté d’obtention.
Il est important que vous trouviez un programme où vos intérêts de recherche correspondront aux forces du département et où vous serez aussi désireux de travailler avec les professeurs qu’ils le seront de travailler avec vous. Consultez les publications et les médias sociaux des membres du département pour vous faire une idée de leur envergure intellectuelle et de la diversité des enseignants, et trouvez les sujets de thèse des étudiants actuels et de ceux qui ont récemment obtenu leur doctorat. Les thèses produites au sein d’un département reflètent les intérêts des professeurs qui y exercent ainsi que ceux des étudiants, et les moyens mis à disposition pour la recherche. Les thèses qui viennent d’être terminées sont souvent mentionnées sur les sites Internet des départements. Elles figurent également dans le Répertoire de thèses de la Société historique du Canada[1] et dans l’annuaire des thèses (Dissertation Directory) de l’American Historical Association[2].
Si un programme vous attire particulièrement, comme l’histoire de l’environnement ou l’histoire de la médecine, tâchez de découvrir si ce programme est solidement établi et si les étudiants en histoire ont la possibilité de suivre ces cours, ou si vous devez soumettre votre candidature séparément. Si vous vous attendez à dépendre fortement d’un ou deux professeurs, tâchez de savoir s’ils travaillent régulièrement avec les étudiants de deuxième et troisième cycles et renseignez-vous sur leur statut actuel. Les professeurs partent parfois en sabbatique, réduisent leur charge d’enseignement pour faire du travail administratif, déménagent dans un autre campus ou prennent leur retraite. Si votre intérêt pour un programme particulier repose principalement sur un seul professeur, essayez de trouver une personne « relais » avec qui travailler si jamais ce professeur devait s’en aller. Cela est particulièrement important au moment où vous commencez à choisir entre les institutions qui vous ont accepté. Cherchez quelles sont les ressources disponibles pour les étudiants des cycles supérieurs, car elles sont l’indice du niveau d’engagement d’un département ou d’une institution envers la formation et la recherche de leurs étudiants. La bibliothèque dispose-t-elle d’un fonds important dans votre domaine ? Les sources qui vous intéressent se trouvent-elles dans les archives de l’université ou dans d’autres centres d’archives de la ville ? Les étudiants des cycles supérieurs ont-ils la possibilité d’obtenir des bourses de voyage ? Existe-t-il des programmes interdisciplinaires spéciaux ? À quoi ressemblent les salles d’ordinateurs ou les autres outils mis à la disposition des étudiants ? Y a-t-il une salle commune où peuvent se rencontrer les étudiants des cycles supérieurs ? Existe-t-il une association des étudiants gradués, et celle-ci est-elle active ? Des logements et des services de soutien sont-ils proposés aux étudiants qui en ont besoin ?
Il vous faudra aussi vous renseigner sur le montant des frais d’inscription et les possibilités d’aide financière qui sont extrêmement variables entre les institutions, et même les départements. Renseignez-vous pour savoir si l’aide financière relève du département ou si vous devez en faire la demande séparément à un bureau différent. Voici quelques-unes des importantes questions que vous devez vous poser : l’ensemble de vos aides financières ne couvre-t-il que la première année ou pourrez-vous en bénéficier durant les années suivantes de vos études supérieures (et si oui, pendant combien d’années) ? Devrez-vous payer les frais d’inscription sur vos aides financières ou seront-ils couverts en tant que partie de celles-ci ? Devrez-vous payer des frais d’inscription l’été, même quand vous ne suivez plus de cours ? Votre programme d’aide financière exigera-t-il que vous travailliez comme assistant de recherche ou d’enseignement (ou autre), ou recevrez-vous des versements réguliers ? Est-il soumis à des conditions de bonne performance de votre part ? Aurez-vous des financements supplémentaires pour les déplacements à des conférences ou pour consulter des archives ? Bien que certaines universités disposent de « systèmes de financement garantis » pour les candidats au doctorat, cette aide est souvent soumise à la condition que les étudiants fassent des demandes de financement à des organismes subventionnaires extérieurs tels que les bourses de doctorat du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, le Programme de bourses d’études supérieures du Canada, l’Ontario Graduate Scholarships, ou le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC). Vous montrer compétitif auprès d’instances majeures pour l’obtention d’une bourse renforcera toute candidature que vous soumettrez à un programme d’études supérieures. Pour plus de détails sur ces questions, reportez-vous au chapitre 3.
Les étudiants canadiens sont souvent scandalisés par le montant des frais d’inscription dans les universités américaines, mais que cela ne vous dissuade pas pour autant de soumettre votre candidature à ces dernières. La plupart d’entre elles proposent des programmes d’aide financière substantielle aux étudiants prometteurs ; certaines universités réservent des bourses spécialement aux étudiants PANDC. Les dispositifs d’aide sont différents suivant les universités, bien sûr, aussi vous faudra-t-il discuter des possibilités de financement avec le directeur des études supérieures. Lorsque vous recevrez une proposition, mettez en balance l’aide financière proposée avec la qualité de l’institution. Autant que possible, ne vous dirigez pas tout droit vers l’institution qui vous propose le plus d’argent. Il se peut qu’une institution qui propose moins d’argent soit plus performante en termes de recrutement de ses diplômés ou qu’elle corresponde tout simplement mieux à vos intérêts de recherche. D’un autre côté, il faut bien garder à l’esprit qu’aux États-Unis, la plupart des universités recrutent à partir d’un bassin d’établissements d’élite étonnamment réduit. Un rapport de 2015 a montré que, en histoire, les dix meilleurs établissements produisent trois fois plus de futurs professeurs que ceux classés de 11 à 20[3].
Bien que la plupart des dispositifs d’aide financière exigent que vous soyez inscrit en tant qu’étudiant à temps plein, certaines personnes sont inscrites aux cycles supérieurs à temps partiel. Être étudiant à temps partiel ne signifie pas que vous soyez moins appliqué dans vos études, et les étudiants à temps partiel ont droit au même enseignement que les étudiants à temps plein. Notez aussi que « à temps plein » ne signifie pas « tout le temps ». Beaucoup d’étudiants à temps plein ont des responsabilités familiales, doivent compléter leur charge de cours et leurs bourses avec un autre emploi ou sont activistes dans des organismes extérieurs à l’université.
Ceci dit, les études supérieures exigent que l’on s’y engage sérieusement. Il n’est pas facile de rédiger des travaux de cours et de se préparer aux examens après avoir passé beaucoup de temps en trajets, ou dans un autre emploi ou à s’occuper d’une jeune famille ; il est encore plus difficile de réussir à terminer une thèse à temps partiel. Il est difficile d’obtenir un doctorat tout en vivant dans une autre ville ou en se lançant dans une nouvelle carrière déjà exigeante. Vous pourrez regretter de ne pas participer à la communauté intellectuelle des études supérieures si vous n’êtes pas présent à l’université durant la semaine de travail. Les étudiants à temps partiel doivent faire davantage d’efforts pour rencontrer d’autres étudiants du supérieur et faire partie de la communauté universitaire.
La situation géographique de l’université peut également entrer en compte dans le choix de votre institution. Êtes-vous un citadin ou préférez-vous vivre et travailler dans une petite ville ? Vous sentez-vous plus à l’aise dans un environnement de diversité ethnique et culturelle ? Certains étudiants sont dans l’impossibilité de déménager ; d’autres doivent se cantonner aux établissements proches de leur famille ou des opportunités d’emploi de leur conjoint. Si vous ne pouvez pas déménager, vous pourriez vous retrouver avec plusieurs diplômes de la même institution, ce qui pourrait poser un problème pour la suite de votre carrière. Il est définitivement plus avantageux de travailler avec plusieurs professeurs dans plus d’une université. Les cours que vous aurez pris pour votre baccalauréat ou dans le cadre du programme de maîtrise de votre département ne peuvent pas être suivis à nouveau dans le cadre de votre travail de doctorat. Si vous êtes sûr de vouloir suivre vos études de doctorat dans l’institution où vous avez obtenu votre baccalauréat, vous devriez autant que possible envisager de suivre votre programme de maîtrise dans une autre institution. Néanmoins, sachez que, dans une large mesure, vos études supérieures – et votre carrière en histoire – seront ce que vous en ferez.
Si cela est possible, à titre exploratoire, essayez de rencontrer sur le campus le directeur des études supérieures avant de vous engager dans un programme. Demandez les noms des étudiants du programme au secrétariat, pour qu’ils vous informent sur les forces et les faiblesses du programme plus franchement que le bureau du département d’histoire. De nombreux départements organisent des conférences d’étudiants des deuxième et troisième cycles ; celles-ci vous donneront une idée des intérêts de recherche des étudiants et, si vous avez la possibilité d’assister à ces conférences, vous pourrez y rencontrer vos futurs collègues en personne.
Pour découvrir le programme de doctorat et le directeur d’études qui vous conviendront, en même temps que pour accroître potentiellement vos chances d’admission, il est essentiel de prendre contact avec les professeurs à titre individuel avant de soumettre formellement votre candidature. Envoyez un courriel à la personne qui pourra potentiellement diriger votre doctorat en lui donnant quelques informations sur votre formation et vos intérêts de recherche, ainsi qu’une idée du sujet que vous aimeriez explorer durant votre recherche doctorale. Même si vous n’avez pas encore une idée très claire de votre projet, le fait de savoir si les professeurs peuvent s’intéresser à votre candidature vous épargnera beaucoup de temps et d’argent ; leur démontrer la compatibilité entre vos intérêts de recherche et les leurs est une première étape d’importance. Qu’ils vous portent un intérêt ne garantit pas que vous serez automatiquement admis dans ce programme, mais cela ne peut pas vous nuire.
Contrairement aux écoles de droit, les départements d’histoire ne reçoivent pas de milliers de candidatures d’admission à leurs programmes. C’est pourquoi vous devriez réduire à l’essentiel vos choix d’institutions possibles avant de soumettre vos candidatures. Chaque candidature vous coûtera plus d’une centaine de dollars, en particulier si vous incluez les coûts des relevés de notes officiels. Soumettez plusieurs candidatures, mais souvenez-vous que les candidats les plus qualifiés seront généralement admis dans l’une des institutions qui les intéresse le plus. Choisissez les deux ou trois programmes qui vous intéressent le plus – y compris dans un établissement où vous êtes à peu près certain d’être accepté – en particulier si vous y avez contacté à l’avance des directeurs d’études potentiels.
Préparer votre candidature
Les instructions pour les candidatures varient entre toutes les institutions, aussi lisez-les toutes attentivement. Il existe tant de dates limites et de formulaires différents qu’il est important que vous soyez bien organisé pour ne pas vous laisser déborder. Efforcez-vous aussi de garder soigneusement la trace de toutes les communications.
Soumettez vos candidatures bien à l’avance (et pour cela, il est d’une importance cruciale que vous précisiez les dates limites bien à l’avance à vos personnes références), en particulier si vous les soumettez électroniquement, et conservez la trace de chacune de vos candidatures et de leur numéro de référence. Une fois que votre candidature parvient à l’université, elle devient un dossier (qui comprend votre déclaration d’intention, un échantillon de vos travaux écrits, les lettres de recommandation et les relevés de notes). Ce dossier est susceptible d’être lu par tous les membres du département, par chacun des professeurs de votre champ d’étude au sein du département, ou par un petit comité de professeurs et d’étudiants des cycles supérieurs ayant différentes spécialisations. Il sert à évaluer en quelques minutes votre potentiel en tant que membre de l’université, aussi faites en sorte que votre candidature soit lisible et concise. Les comités d’admission aux études supérieures recherchent des étudiants ayant le potentiel d’acquérir une solide érudition, qui ont un vif intérêt pour l’histoire et qui pourront enrichir la culture savante du département. Ils ne recherchent pas forcément des personnes ayant un talent pour le leadership ou un CV impressionnant, bien que cela puisse montrer votre éthique de travail sous un jour favorable. En règle générale, pour accroître vos chances d’être admis, faites de la connaissance et de la recherche universitaire le point central de votre candidature.
Déclaration d’intention et lettres de recommandation : quelques conseils
De pair avec les relevés de notes de votre parcours universitaire, les points les plus importants de votre candidature sont votre déclaration personnelle, ou déclaration d’intention, les lettres d’appui et de recommandation, et l’échantillon de vos travaux écrits.
La déclaration d’intention la plus efficace est précise, bien écrite (sur un ton professionnel), d’une orthographe et d’une grammaire scrupuleusement exactes, et taillée sur mesure pour chaque institution. Elle évite de s’égarer dans des généralisations philosophiques, des considérations politiques ou idéologiques, ou des cogitations sur la nature du savoir historique et son rôle essentiel dans l’amélioration de la condition humaine. Peu importe l’honnêteté de leurs intentions ou la passion que l’on ressente pour elles, ces grandes envolées rhétoriques retombent trop souvent au niveau du cliché, surtout quand elles sont présentées sous une forme nécessairement compressée, et elles sont davantage l’indice de l’immaturité de leur auteur que de la profondeur de ses vues.
Bien qu’il soit approprié d’exposer brièvement pourquoi vous en êtes venu à vous intéresser à l’histoire et d’évoquer quelque peu vos objectifs de carrière à long terme, les déclarations d’intention ne sont pas de courtes biographies. Elles visent à mettre en valeur votre capacité de concevoir et d’articuler un projet de recherche qui soit novateur, concret, et qui convienne à l’institution. Expliquez en quoi vos lectures, vos recherches et vos travaux de cours de premier cycle ont façonné vos intérêts particuliers et vous ont préparé à les approfondir par des études supérieures. Évitez de mentionner vos activités et vos réalisations extra-universitaires, si exceptionnelles qu’elles soient, à moins qu’elles n’aient un rapport direct avec le domaine d’études que vous souhaitez intégrer.
Cependant, si vous prévoyez de réaliser un projet de recherche communautaire, la déclaration d’intention peut suivre une approche un peu différente. Dans ce cas, vous pourrez vouloir identifier les relations, le savoir et les ressources dont vous disposez et qui vous permettront de mener à bien un tel projet. Votre biographie peut alors faire partie de la déclaration d’intention, afin de vous positionner vous-même en relation avec ce projet.
Votre déclaration d’intention devrait résumer vos intérêts d’études et vos objectifs universitaires de façon claire et sans détours. Arrivez le plus vite possible aux points essentiels. Soyez aussi précis que possible en ce qui concerne la période, la région, les thèmes de recherche et le type d’histoire que vous souhaitez étudier, et le sujet sur lequel vous voulez faire porter vos recherches. Vous devez convaincre les gens qui liront votre dossier de candidature que vous êtes capable d’élaborer un projet de recherche original, réaliste et approprié à votre niveau. En même temps, prenez garde à ce que votre sujet ne paraisse pas trop étroit. Les premières années des études supérieures impliquent une formation générale en plus d’une recherche spécifique. Par conséquent, votre déclaration devrait faire connaître votre désir d’acquérir un grand éventail de connaissances historiques, d’orientations théoriques et de compétences en matière de recherche, plutôt que de se focaliser sur un sujet unique aux dimensions réduites.
Adaptez votre déclaration d’intention à l’institution à laquelle vous soumettez votre candidature. Sentez-vous libre, par exemple, de mentionner certains cours, certains programmes interdisciplinaires ou certaines ressources de la bibliothèque qui font que cette institution vous attire plus particulièrement. De nombreux départements sont désireux d’attirer des étudiants de diverses origines, et vous ne devriez pas hésiter à vous identifier comme membre d’un groupe qui a été sous-représenté dans le monde universitaire jusqu’ici si tel est le cas. Vous pouvez également mentionner avec quels professeurs vous aimeriez travailler (après vous être assuré qu’ils seront bien présents sur le campus si vous soumettez votre candidature à un programme d’un an), mais évitez le ton flagorneur ou excessivement déférent.
La déclaration d’intention est également l’endroit approprié pour justifier brièvement les anomalies ou les ambiguïtés de votre parcours telles que de mauvaises notes, le contenu d’un cours qui n’apparaît pas clairement dans un relevé de notes, ou un problème de santé ou un handicap ayant pu avoir un impact sur vos notes. Évitez de paraître sur la défensive ou de trop vous excuser ; expliquez votre situation en une simple phrase et poursuivez. Si votre formation de premier cycle en histoire est faible, ou que vous n’avez pas suivi de cours pendant une longue période, il vous faut démontrer que vous êtes désormais prêt à vous engager fermement dans la discipline de l’histoire.
Souvenez-vous que votre candidature n’est qu’un dossier parmi tous ceux que devront lire des professeurs ayant de nombreuses occupations qui leur prennent beaucoup de temps. Respectez strictement la limite du nombre de mots.
Les lettres de recommandation sont également d’une grande importance, particulièrement au Canada ou la profession d’historien compte moins de membres et où de nombreux professeurs se connaissent bien. Il vaut largement la peine de faire la connaissance des professeurs lorsque l’on est au premier cycle ; la plupart seront enchantés de voir des étudiants exprimer leur intérêt pour leurs cours et approfondir leur travail en histoire dans les cycles supérieurs.
Choisissez très soigneusement les professeurs à qui vous demanderez des lettres de référence. Celles-ci sont confidentielles ; vous ne devez pas demander à les voir. En soumettant votre candidature à une université américaine, vous devez renoncer à votre droit de voir ces lettres ou elles ne seront pas considérées. Il est évident que vous ne pouvez pas assommer de questions le professeur qui rédige pour vous une lettre de recommandation, mais il est acceptable de lui demander à l’avance s’il se sent prêt à écrire une lettre assez favorable. Et en retour, les professeurs devraient être honnêtes au sujet de la lettre qu’ils écriront. Autant que possible, choisissez des professeurs dont le travail est connu de ceux qui liront ces lettres. (Les comités d’admission évaluent les auteurs des lettres de recommandation autant que les personnes dont elles parlent !) Votre meilleure lettre de référence viendra de la personne que vous connaissez le mieux, même si cette personne est simplement chargée de cours. Soyez bien conscient, cependant, que l’avis d’un professeur titulaire aura plus de poids que les opinions d’étudiants des cycles supérieurs ou d’assistants d’enseignement.
Les professeurs confirmés ont vraisemblablement enseigné à davantage d’étudiants et en ont dirigé beaucoup, aussi disposent-ils d’un meilleur cadre de référence pour évaluer votre travail. Essayez, dans la mesure du possible, de joindre aux lettres d’enseignants débutants ou relativement inconnus des lettres de professeurs dont la réputation n’est plus à faire.
En règle générale, essayez d’obtenir ces lettres de référence lorsque vous-même et votre travail êtes encore frais dans l’esprit de votre enseignant. Si vous souhaitez obtenir une lettre de la part d’un professeur avec qui vous avez étudié il y a plus d’un an ou dont vous avez suivi les cours parmi un large auditoire, rappelez-lui ce que vous avez fourni comme travail dans son cours, quel est votre programme général de premier cycle et quels sont vos sujets de prédilection pour vous fixer plus précisément dans son esprit. Plus une lettre de recommandation sera précise, plus elle aura de poids. Même si vous connaissez bien le professeur en question, cela ne pourra pas vous faire de mal de lui procurer votre déclaration d’intention, votre CV (y compris la moyenne de vos notes et toutes les récompenses scolaires que vous avez obtenues), ainsi qu’une évaluation personnelle de vos objectifs et de vos aptitudes à les atteindre. Ce n’est pas une mauvaise idée non plus de donner à ce professeur un exemplaire du travail écrit que vous avez fourni dans son cours.
N’hésitez pas à demander des lettres de recommandation à vos professeurs ; les rédiger fait partie de leur travail. En même temps, soyez prévenant et parlez-en à votre professeur bien à l’avance. Assurez-vous que tous les formulaires soient convenablement remplis et donnez-lui largement le temps avant la date limite (quatre semaines de préférence). La plupart des candidatures étant désormais envoyées par voie électronique, vos professeurs recevront des rappels par courriel leur fournissant des liens pour accéder directement aux formulaires en ligne. Au moment où la date limite se rapproche, vérifiez que l’institution a bien reçu vos lettres de recommandation. Il se peut que vous ayez à envoyer poliment un rappel à vos professeurs au sujet des dates limites. Mais que vous soyez accepté ou non, par politesse faites-le savoir à vos professeurs et remerciez-les pour leur aide.
Un échantillon de vos travaux écrits constituera une autre partie essentielle des candidatures que vous soumettrez à presque toutes les universités. Dans l’idéal, vous devriez joindre un travail écrit relevant du champ que vous avez choisi pour faire la preuve de votre aptitude à la recherche à partir de sources primaires. Cependant, la qualité de votre essai sera probablement plus importante que son contenu ou sa méthodologie. Votre travail écrit sera lu pour y rechercher les indices de la qualité, de la clarté et de l’originalité de votre pensée, de votre maturité et de vos aptitudes à l’écriture et à la recherche, et de votre capacité à porter attention aux détails. Un essai bien pensé, bien rédigé et découpé en parties bien nettes peut faire beaucoup pour disposer le comité d’admission en votre faveur. Il peut compenser quelque peu les faiblesses de vos relevés de notes, en montrant, par exemple, à quel point vous avez fait des progrès au cours de votre cursus de premier cycle. À l’inverse, un travail creux, écrit à la hâte, gâché par un plan brouillon, des maladresses dans l’expression, voire (pire) de grossières fautes d’orthographe et de grammaire peut sérieusement compromettre les chances d’une candidature assez forte par ailleurs.
Vous devriez accorder un grand soin à la présentation de chaque partie de votre candidature. On a parfois vu des dossiers de candidatures dans lesquels des mots mal orthographiés ou des erreurs grammaticales avaient été entourés ou soulignés par les lecteurs précédents, avec un point d’exclamation en marge. Laisser échapper de tels détails, ne n’est pas forcément fatal en soi, surtout si, pour le comité d’admission, le candidat est « un diamant à l’état brut ». Mais de telles erreurs sont si préjudiciables dans les cas où le comité hésite à se prononcer, que vous devriez tout faire pour les éviter.
Il est évident qu’aucune formule définitive ne peut garantir une admission aux études supérieures, que ce soit en histoire ou dans une autre discipline. Chacune des décisions d’un comité d’admettre un candidat résulte d’une grande diversité de facteurs et des jugements subjectifs d’êtres humains faillibles. Les comités d’admission doivent faire coïncider les intérêts des étudiants avec la spécialisation facultaire, et essayer d’équilibrer le nombre des étudiants dans chacun des champs d’étude. Ils ne peuvent pas laisser se produire une situation où la plupart des nouveaux étudiants souhaiteraient étudier avec un seul professeur ! Peu importe l’étendue de vos talents, vous ne serez probablement pas accepté dans un programme qui ne peut pas répondre à vos attentes, soit parce que le spécialiste de votre domaine est absent, soit parce que le département ne couvre tout simplement pas le champ que vous demandez.
Avez-vous besoin d’un doctorat ?
Gardez l’esprit ouvert lorsque vous envisagez un programme et une carrière dans le domaine de l’histoire. Vous pouvez être réticent à l’idée d’investir six ou huit années à la poursuite d’un doctorat, et avez-vous besoin d’un doctorat pour faire ce que vous voulez faire ? Comme le montrera notre section sur les carrières, les gens qui détiennent un doctorat peuvent trouver un emploi épanouissant dans de nombreux domaines ; en même temps, avec une maîtrise, les historiens bien formés peuvent également trouver un emploi dans ces domaines.
Si vous souhaitez vous engager dans la voie universitaire, soyez conscient que le marché du travail n’est pas facile. Aux États-Unis, par exemple, la proportion des gens venant d’obtenir un doctorat ayant été embauchés dans des postes universitaires est restée sensiblement la même entre les années 1980 et les années 1990. Mais après la crise financière de 2008, il s’est créé un énorme fossé, qui ne s’est pas encore comblé[4]. Cela ne signifie pas que vous n’y arriverez pas. Mais vous devez vous préparer à un niveau de concurrence pour les emplois que la profession n’a pas connu depuis un certain temps. En gardant cela à l’esprit, faites votre choix entre les programmes d’études supérieures qui vous intéressent le plus et envisagez de soumettre vos candidatures à des universités plus ou moins prestigieuses. Ne vous sous-estimez pas en croyant que les départements les plus connus ne vous accepteront pas ou ne vous aideront pas financièrement. Ils prennent souvent davantage d’étudiants et disposent de plus de fonds à consacrer aux bourses que les institutions plus petites et moins connues. S’ils n’acceptent pas votre candidature du premier coup, vous pouvez toujours essayer l’année suivante. Ce faisant, vous vous trouverez en compétition avec un nouvel ensemble de candidats, et vous pourriez bien avoir une meilleure chance.
[1] https://cha-shc.ca/francais/publications/repertoire-de-theses/&strSort%5B1%5D=title&enumDir%5B1%5D=asc&intPage=66
[2] https://secure.historians.org/members/services/cgi-bin/memberdll.dll/info?wrp=dissertations.htm
[3] Aaron Clauset, Samuel Arbesman et Daniel B. Larremore, « Systematic Inequality and Hierarchy in Faculty Hiring Networks », Science Advances, vol. 1, no 1, 2015 ; cette étude est également mentionnée dans Joel Warner et Aaron Clauset, « The Academy’s Dirty Secret », Slate, 23 février 2015, en ligne (https://slate.com/human-interest/2015/02/university-hiring-if-you-didn-t-get-your-ph-d-at-an-elite-university-good-luck-finding-an-academic-job.html).
[4] Dylan Ruediger, « The 2019 AHA Jobs Report: A Closer Look at Faculty Hiring », Perspectives on History, 28 janvier 2019, en ligne (https://www.historians.org/publications-and-directories/perspectives-on-history/february-2019/the-2019-aha-jobs-report-a-closer-look-at-faculty-hiring).