Les plans de cours, les sources primaires, l’apprentissage – autant de thèmes récurrents dans les appels téléphoniques hebdomadaires du comité de l’enseignement et de la didactique de la SHC. Il n’est donc pas surprenant que nous ayons lu le texte « More Voices, New Sources : Using Historical Documents to Diversify a Survey Syllabus » de Bathsheba Demuth’s avec beaucoup d’intérêt lorsqu’il a été publié sur ActiveHistory plus tôt cet été.
Dans ce texte, Demuth réfléchit honnêtement à l’introduction de contenu nouveau dans ses cours. Son approche, dont il est question ici, a amené ses étudiants à rechercher des documents dans d’autres langues afin d’élargir encore davantage la base de connaissances de chacun. L’expérience de Demuth nous a permis de tirer des leçons de collaboration et des points forts qui nous portent à réfléchir à bien des égards sur la session d’automne qui approche à grands pas.
Nous espérons que la relecture du texte nous incitera à continuer les conversations importantes qui font partie intégrante de nos méthodes d’enseignement.
Plus de voix, de nouvelles sources : l’utilisation de documents historiques pour diversifier un plan de cours
27 juin 2019
Dre Bathsheba Demuth
J’en suis venue à enseigner l’histoire de l’environnement de façon plutôt indirecte : historienne de la Russie et des États-Unis de formation, ce champ d’étude ne faisait pas partie de mes examens de synthèse. Je n’ai jamais été aide-enseignante dans un cours d’histoire de l’environnement – le plus près que je suis venue d’en être une a été de préparer un cours d’été sur l’histoire de l’énergie. J’ai plutôt beaucoup lu et écrit sur les méthodes et les questions de ce domaine d’étude pendant que je terminais ma thèse.
Par conséquent, l’enseignement d’un cours sur l’histoire de l’environnement durant ma première année d’études supérieures a été à la fois passionnant et affligeant. Ce fut non seulement le premier cours magistral que j’enseignais, mais il portait sur plus de cinq cents ans d’histoire mondiale. Je n’avais pas de notes de cours de mes mentors à utiliser comme guide, comme j’en aurais eu pour un cours standard sur l’histoire soviétique ou américaine. J’avais beaucoup à apprendre : sur les pasteurs KoiKoi en Afrique australe, la période Edo au Japon, le besoin d’argent de la Chine Ming et la fonte de l’étain qui a lié l’Amérique du Sud, le Canada et le Groenland pendant la Deuxième Guerre mondiale, les mouvements de justice environnementale en Inde et le petit âge glaciaire, somme toute, partout. La préparation de mes notes de cours m’a donné l’impression de me préparer pour l’examen de synthèse pour ce champ d’étude que je n’ai jamais eu. Mon bureau a rapidement disparu sous des piles de livres et d’articles soulignés à la hâte dans la revue Environmental History.
Dans ces ramassis de mots, j’ai trouvé de nombreux guides qui m’ont guidé à travers des lieux et des époques qui m’étaient inconnus. Certains d’entre eux étaient des classiques que je connaissais déjà, comme The Columbian Exchange d’Alfred Crosby ; d’autres jetaient un regard nouveau sur des concepts clés comme la domestication, dans « The Chicken and the Iegue » de Marcy Norton par exemple. Les chapitres et les articles que j’ai accumulés ici et là sont devenus l’épine dorsale non seulement de mes cours, mais aussi des lectures indiquées dans mes plans de cours qui n’avaient pas de manuel comme tel. Les étudiants révèrent maintenant la recherche de Gabrielle Hecht sur le travail du secteur nucléaire à Madagascar et les récits de mules, de souris et de mineurs dans Killing for Coal de Thomas Andrew. Plusieurs personnes m’ont avoué que leur façon de voir le passé et le présent a changé après avoir lu Black Rice de Judith Carney, de « The Trouble with Wilderness » de William Cronon ou de « Alterlife and Decolonial Chemical Exposures » de Michelle Murphy. Le véritable défi consiste davantage à choisir les chercheurs à inclure, surtout dans le cas des nouveaux travaux publiés chaque année. Je suis déjà en train de trouver un moyen d’intégrer The River is in Us d’Elizabeth Hoover, Our History is the Future de Nick Estes et A Billion Black Anthropocenes or None de Kathryn Yusoff sur la liste de lecture la prochaine fois que je donnerai ce cours.
Ce que j’ai trouvé plus difficile, cependant, a été de trouver des sources primaires pour plus de cinq cents ans d’histoire environnementale mondiale. J’ai l’impression que cette carence de documents du passé rendait le programme incomplet sur le plan pédagogique – il est beaucoup plus difficile d’expliquer comment les historiens utilisent les sources si les étudiants n’en ont pas à lire – et parce que l’extranéité, la difficulté, le caractère poignant et la diversité des expériences humaines que les documents historiques transmettent étaient absents. Mais comme il n’y a pas de manuel pour couvrir ces 500 années mondiales d’un point de vue environnemental, il n’y avait pas non plus un manuel apparent qui couvrait à la fois les exigences temporelles et géographiques du cours. J’ai utilisé l’ouvrage de Carolyn Merchant intitulé Major Problems in American Environmental History pour son excellente sélection de sources, mais la majeure partie du monde n’y est pas discutée. Il y avait aussi des extraits utiles cachés dans des manuels pour d’autres domaines : discours de Gandhi, récits des bombardements d’Hiroshima, passages du Manifeste communiste. Mais j’avais toujours l’impression que mon plan de cours était piteux, en particulier pour les périodes et les endroits où je n’avais pas les connaissances nécessaires pour trouver des sources et traduire des documents sur le thème de l’environnement. Je voulais à l’origine offrir des documents en mandarin, en hindi, en portugais, en japonais – et découvrir des documents nouveaux, explicitement environnementaux, de l’Empire britannique et des Nations Unies, sans parler des histoires orales.
Durant mon premier semestre d’enseignement du cours, déprimée par l’état lamentable de mon plan de cours, ma merveilleuse collègue et mentor Nancy Jacobs m’a suggéré ce qui allait devenir une solution à mon problème de sources primaires. Comme elle me l’a expliqué, elle avait déjà été préalablement confrontée à un problème similaire dans ses cours d’histoire africaine. Ainsi, au lieu d’enseigner sans sources primaires ou de se contenter des options limitées qui s’offraient à elle, elle s’est donnée comme mission de trouver des sources plus nombreuses et plus riches. Dans le cadre d’un projet de classe, elle a enseigné des compétences clés en recherche tout en donnant aux étudiants la liberté de poursuivre des sujets d’intérêt précis. Elle a démontré, non pas d’une manière théorique mais pratique, comment la dynamique de la colonisation et du pouvoir politique rend certaines sources plus faciles d’accès que d’autres. Et petit à petit, a expliqué Nancy, elle a accumulé une réserve de sources qu’elle a pu incorporer dans d’autres cours. En fait, certaines de ces sources ont été incluses dans son livre, African History Through Sources.
Au cours des deux dernières années, j’ai adapté la méthode de Nancy à mon cours d’histoire environnementale. Je demande aux étudiants de trouver un document ou un autre type de source datant des cinq cents dernières années, de n’importe quel endroit de la planète, qui se rapporte clairement à l’histoire environnementale. Nous passons certaines sections du cours à discuter où et comment trouver les sources, et comment choisir les extraits, car le devoir demande un document court et lisible d’environ 1500 mots. Nous parlons aussi de traduction, car les étudiants reçoivent des crédits supplémentaires si la source n’est pas en anglais.
Une fois que les étudiants ont trouvé leur document, ils rédigent une introduction contextuelle de 500 à 800 mots appuyée par des sources savantes, suivie d’une brève réflexion sur le processus de recherche et la façon dont ils ont choisi leur texte, si nécessaire. Ensuite, ils remettent l’extrait de la source primaire (avec une traduction si elle n’est pas en anglais), un PDF ou une copie numérique de la source originale intégrale ainsi que leur introduction et réflexion. Avec la permission des étudiants, j’utilise les meilleures de ces sources pour les classes suivantes.
Les résultats sont inspirants à lire – ce sont des travaux dont je n’appréhende pas de faire la notation – et les étudiants mentionnent souvent qu’ils apprécient ce genre de travail, particulièrement dans les évaluations de cours. Et cet exercice a énormément diversifié mon plan de cours. Ce semestre, un de mes étudiants a trouvé un récit sur la façon dont les esclaves évadés ont compris et utilisé leur connaissance de la rivière Ohio pour fuir vers le nord. Je l’ajouterai au plan de cours de l’année prochaine. J’ajouterai aussi des poèmes de Ho Chi Minh, qui combinent les idéaux révolutionnaires communistes avec des médiations sur la nature – quelque chose que je n’aurais jamais pu obtenir avec mes compétences linguistiques. Un autre étudiant, qui parle le néerlandais, a trouvé une excellente source sur les débuts de la colonisation sud-africaine. Cette année, j’ai enseigné une partie d’un mémoire sur le Grand Bond en avant de Mao, traduit du mandarin, et des documents sur la famine en Inde dans les années 1880 que je n’aurais jamais trouvé. Il y a une toute nouvelle série de voix dont nous allons discuter dans les sections du cours pour des années à venir.
Mais les avantages vont au-delà de ce que nous lisons. Les devoirs que je demande aux étudiants de faire – et encore une fois, grâce à Nancy Jacob – fait de l’enseignement de ce cours une collaboration continue avec ceux-ci. Dans une classe de 80 à 90 étudiants, j’apprécie l’esprit d’équipe que procure ce projet chaque semestre, alors que nous essayons d’élargir notre vision du passé non seulement pour une année d’études, mais pour d’autres futurs étudiants.
Bathsheba Demuth est professeure adjointe d’histoire, de l’environnement et de la société à l’Université Brown, où elle donne des cours d’histoire environnementale, d’histoire de l’énergie et d’histoire animale. Ses recherches portent sur les terres et les mers de l’Arctique russe et nord-américain, un intérêt qui a commencé lorsqu’elle avait 18 ans et qu’elle a déménagé dans le village d’Old Crow, au Yukon. Pendant plus de deux ans, elle a mené des attelages d’huskies, chassé le caribou, pêché le saumon, suivi des ours et appris à survivre dans la taïga et la toundra. Son premier livre, intitulé Floating Coast : An Environmental History of the Bering Strait, sera publié par W.W. Norton en août 2019.