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« Le passé dans le présent : les réflexions d’un enseignant débutant »

« Le passé dans le présent : les réflexions d’un enseignant débutant »
Shawn W. Brackett

Le monde d’aujourd’hui me pèse. Je suis sûr que ça pèse sur beaucoup d’entre vous. En Amérique du Nord, nous faisons partie de sociétés qui luttent de plus en plus contre le flot d’information et de désinformation provenant de toutes parts. Et malgré cela, ces mêmes sociétés, par l’intermédiaire de leurs élus, sous-estiment les sciences humaines, disciplines dont l’approche de la vérité implique non seulement la découverte, mais aussi la critique, l’analyse, la comparaison et le questionnement. Nous avons désespérément besoin de plus de compétences humanistes pour faire face à un monde incertain et instable.

C’est dans ce contexte que je me suis préparé à donner mon premier cours – L’histoire du Canada après la Confédération – comme enseignant. J’avais déjà œuvré comme aide-enseignant dans de nombreux cours et je connaissais bien le corps étudiant et les programmes universitaires de mon établissement. J’étais nerveux, mais j’avais déjà fait le gros du travail. Je me sentais comme Ellie Arroway dans le film Contact alors qu’elle se prépare à entreprendre sa mission dans un vaisseau spatial qui n’avait pas encore fait ses preuves : « Je peux le faire. Je peux le faire. »

Mon but en tant qu’enseignant débutant à mon tout premier cours était de guider les étudiants dans leur apprentissage et leur pratique de la pensée historique. Je suis reconnaissant envers le Projet de la pensée historique de m’avoir offert une structure de cours précieuse. En préparant mon cours, je me suis retrouvé à consacrer plus de temps que prévu aux discussions et à l’exploration de la méthode. Les cours d’histoire typiques de premier cycle – surtout les cours d’introduction – mettent l’accent sur le contenu plutôt que sur la méthode, tandis que les cours d’historiographie de premier cycle mettent plutôt l’accent sur la méthode. J’en suis arrivé là parce que je suis de plus en plus convaincu que le contenu de l’histoire ne peut se suffire à lui-même. Cela ne veut pas dire que les étudiants ne doivent pas apprendre les moments clés, les chiffres et les mouvements de l’histoire. La rébellion du Nord-Ouest (Résistance) de 1885, par exemple, est essentielle pour comprendre les relations entre les colons et les Autochtones qui ont suivi et qui se perpétuent encore aujourd’hui. Je crois qu’enseigner aux étudiants du contenu alors qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances sur la méthode (pour développer leurs propres recherches et conclusions), limite le potentiel de la pensée historique.

Je suis également d’avis que les historiens ont la responsabilité particulière d’aider les étudiants de premier cycle à comprendre les choses en les encourageant et, parfois, en les forçant à réfléchir sur la façon dont ils obtiennent leurs sources d’information. Dans la préparation de cours et de publications, nous commençons par des questions de recherche, nous trouvons des sources d’information fiables qui peuvent répondre à ces questions, nous analysons de façon critique les sources (parfois contradictoires) et nous évaluons les preuves pour arriver à des conclusions sur le passé. Ce que je voulais faire dans ma classe, c’était de faire le lien entre ce que les historiens font tous les jours et le besoin urgent que je vois dans nos sociétés d’accroître la capacité de la pensée historique… et ce, dans le cadre d’un cours d’introduction. Mon objectif était ambitieux et je ne suis pas tout à fait sûr d’y être parvenu, mais je peux affirmer avec confiance que mes étudiants ont fait preuve d’une capacité de réflexion historique qui m’a agréablement surpris.

Les objectifs d’apprentissage du cours (cliquez sur ce lien pour accéder au plan de cours que j’ai téléchargé dans la banque de plans de cours de la SHC) comprenaient un cours consacré à la pensée historique : « analyser les sources historiques et contemporaines, les idées et les arguments d’une façon critique. » J’ai préparé un « Guide d’évaluation des sources » où on y trouve des définitions des sources primaires, secondaires et tertiaires, des dépôts communs de sources fiables, risquées et peu fiables, ainsi qu’une discussion approfondie sur les raisons pour lesquelles j’ai classé ces sources de cette façon. Au cours de la création du guide, j’ai élaboré une série de questions que les étudiants peuvent utiliser pour analyser de nouvelles sources : le test de crédibilité, d’exactitude et de vraisemblance (CAV). Pour bonifier le guide, j’ai intégré des discussions sur les sources primaires et secondaires à chaque classe, je me suis inspiré des questions du guide et j’ai inclus un quiz source sur D2L (le système de gestion de l’apprentissage de l’université). Nous avons discuté Les Traités et les relations qui en découlent, des blogues de ActiveHistory.ca, des annuaires historiques, des baladodiffusions et des travaux du Graphic History Collective.

Tout au long du cours, je me suis demandé si ma combinaison de contenu et de compétences était appropriée. Les cours d’introduction à l’histoire s’adressent souvent à des étudiants qui ne se spécialisent pas en histoire et qui ne suivront jamais un autre cours d’histoire. Est-ce que j’attendais trop de la part d’étudiants dans un cours d’introduction, dont la plupart ne suivront pas un autre cours dans mon département ? D’après mes observations sur les discussions des étudiants et leurs propres commentaires, je ne le crois pas. Après chaque discussion, j’ai encouragé les groupes à partager leurs conclusions entre eux et les questions qu’ils ont posées contenaient des nuances et un désir de compréhension qui m’encourage. Leurs réponses m’ont également démontré la capacité des étudiants de première et de deuxième année dans des domaines autres que l’histoire et les sciences humaines à apprendre et à perfectionner les outils qui les aideront à naviguer dans un monde tumultueux. Ce qui m’importe le plus, ce n’est pas que les étudiants de cours d’histoire conservent la séquence exacte des événements pour un moment historique donné, mais plutôt qu’ils sachent quelles questions poser et comment réfléchir aux sources de preuves – historiques et contemporaines. J’espère que la mise en valeur de la pensée historique contribuera à une compréhension plus nuancée du passé par les sociétés et de la façon dont ce passé informe le présent.

Vous pouvez communiquer avec Shawn Brackett à shawn.brackett@ucalgary.ca.