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Les jeux dans les cours d’histoire

par Benjamin Hoy
Professeur adjoint
Département d’histoire
Université de la Saskatchewan

Je suis devenu historien d’une drôle de façon. Je n’ai jamais aimé lire, au grand dam de mes parents. Bien que j’aie eu le privilège de suivre des cours avec d’excellents professeurs, j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire une décennie avant de rencontrer les chercheurs qui allaient façonner mon développement. Au début du moins, les jeux de société, les jeux de cartes et les jeux informatiques ont motivé mon intérêt pour l’histoire et non pas les historiens de carrière.

La façon inhabituelle dont j’ai appris à aimer l’étude du passé a façonné la façon dont j’ai abordé l’enseignement. J’adore l’histoire et les jeux. Dans la mesure du possible, j’essaie de concilier ces deux intérêts.

Comme je l’ai vite découvert, je n’étais pas seul dans cette entreprise. Le métier d’historien regorge d’enseignants qui intègrent des jeux et des simulations dans leurs salles de classe. En examinant la myriade d’approches qui existent, je pense que les historiens utilisent couramment les jeux en classe de trois façons principales : comme source primaire, comme activité interactive et comme expérience personnalisée.

Comme source primaire
L’une des façons les plus courantes dont les historiens intègrent les jeux dans leur classe est de les traiter comme tout autre type de source primaire. Des photos en ligne de jeux de société historiques et de leurs composants sont disponibles dans des archives comme le Strong Museum of Play ainsi que sur des sites Web populaires comme Boardgamegeek.

Les historiens ont une vaste expérience de l’utilisation de sources visuelles comme les caricatures politiques, les lithographies et les photographies dans leur enseignement. Les jeux offrent un type d’expérience similaire, mais l’enrichissent en permettant aux étudiants d’analyser comment les illustrations, les éléments et les règles du jeu donnent les mêmes messages de base de différentes façons.

Sur le plan logistique, l’inclusion d’un jeu dans un cours comme celui-ci ne nécessite aucun ajustement majeur de la part de l’enseignant. Le jeu fait simplement partie des sources visuelles et textuelles choisies qui démontrent comment la vie quotidienne à l’ère coloniale était basée sur des hypothèses concernant les hiérarchies raciales et sexuelles. Les particularités du jeu de société offrent l’occasion de montrer à quel point les opinions contemporaines sur la race, la classe sociale et le sexe peuvent être différentes de celles du passé. Dans mes cours, j’ai utilisé ce genre d’approche pour parler des attentes culturelles, de la commercialisation des stéréotypes autochtones et de la façon dont elles évoluent avec le temps.

Comme activité interactive
Alors que l’approche du « jeu comme source primaire » est facile à utiliser, elle abroge l’interactivité du jeu, qui est, à prime abord, l’une des raisons principales de l’utilisation des jeux historiques.  Les jeux fonctionnent comme des systèmes. Bon nombre des hypothèses et des arguments d’un jeu font surface lorsque les joueurs jouent. La façon de comprendre le monde du concepteur n’est apprarente que lorsque les joueurs tentent de gagner en utilisant la façon restreinte qui est favorisée pour y parvenir.

Jouer à des jeux historiques et contemporains en classe peut être une expérience transformatrice. Cela engendre également d’importants défis. L’utilisation de jeux informatiques comme Civilization pour parler de contingence, de modèles de développement et d’histoires contrefactuelles peut rendre le matériel accessible d’une façon que les cours ne le font pas. L’approche peut également prendre beaucoup de temps et occasionne de nombreuses possibilités d’échec de la technologie.

Même les jeux de société et de cartes rapides créent des défis logistiques. Le premier jeu que j’ai utilisé en classe était Pit, un jeu boursier que j’ai intégré dans un cours sur la façon dont les Américains ont conceptualisé l’échec économique et social au fil du temps.

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L’image de la boîte de la version 1964 de Pit ainsi que les cartes du jeu Taureau et Blé. (Strong Museum of Play, 112.3865)

Pit avait beaucoup d’avantages comme outil d’enseignement. Huit joueurs pouvaient jouer simultanément avec un seul jeu de cartes. Les étudiants pouvaient faire l’activité en 15 minutes, ce qui leur laissait beaucoup de temps pour une discussion. Cependant, même dans une petite classe, certains étudiant devaient simplement regarder ou bien plusieurs parties devraient se dérouler simultanément.

L’expérience dans une classe plus grande était encore plus problématique. J’aurais eu besoin d’une douzaine de jeux pour jouer dans un cours normal de première ou de deuxième année. Pire encore, le bruit créé par tant de jeux simultanés aura rendu l’expérience désagréable pour tout le monde.

Comme expérience adaptable
Ces expériences m’ont amené à commencer à expérimenter moi-même la construction de jeux conçus pour le type d’environnement d’enseignement dans lequel j’enseignais souvent. J’avais besoin de jeux qui pouvaient avoir plus de 50 joueurs en 15-20 minutes et qui pouvaient être expliqués en 5-8 minutes. Du montage au démontage, j’avais besoin d’un jeu que nous pouvions jouer et discuter en 50 minutes ou moins.

Les deux premiers jeux que j’ai décidé de créer portaient sur des sujets que j’avais déjà du mal à enseigner (le besoin de citer des archives, les énoncés de thèse et les citations de style Chicago) dans des formats traditionnels. Je me suis dit que même si le jeu échouait lamentablement, qu’au pire, je serais exactement là où j’aurais été si j’avais essayé de donner un cours sur le sujet.

Voir ma discussion sur les résultats de mes efforts dans : Benjamin Hoy, « Teaching History with Custom-Built Board Games », Simulation & Gaming 49, no 2 (2018) : 115-33.

Alors qu’une approche d’apprentissage basée sur le jeu me permettait de combler certaines de mes propres lacunes en tant qu’enseignant, les jeux créés de toutes pièces demande beaucoup de temps. Fabriquer les éléments du jeu, la mise à l’essai avant de l’utiliser en classe et la résolution de problèmes en cours, tout cela représente un investissement en temps qui va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour une conférence ou un cours normal.

Quelle que soit l’approche adoptée, l’intégration de jeux en classe peut fournir aux étudiants une façon unique d’interagir avec le passé et de le comprendre.

On peut communiquer avec M. Hoy à l’adresse benjamin.hoy@usask.ca.