cha-mono

  1. Home
  2. /
  3. Les premiers balbutiements & trouver son…

Les premiers balbutiements & trouver son équilibre

L’hiver dernier, j’ai donné un cours de deuxième année sur l’histoire du Canada atlantique depuis la Confédération. Autre que d’être conférencière invitée dans une salle de classe d’un superviseur ou d’un professeur sympathique, c’était la première fois que j’avais l’occasion d’enseigner. Avant le premier jour de classe, j’ai puisé dans mon expérience d’étudiante pour me faire une idée du genre d’enseignante que je voulais être. En pensant à tous mes professeurs d’histoire préférés qui m’ont inspiré, mis au défi et vraiment éduqué quand j’étais étudiante de premier cycle, il était évident qu’ils avaient tous une qualité en commun : ils racontaient des histoires sur le passé qui tenaient compte de l’acte de narration comme interprétation. Les histoires qu’ils ont racontées étaient compliquées, elles tenaient compte de plusieurs perspectives et elles étaient délibérément ouvertes.

L’un des cours de mon diplôme de premier cycle a été particulièrement formateur dans ma compréhension de l’histoire en tant que discipline, bien que je ne m’en suis rendue compte que des années plus tard. Il ne s’agissait pas d’un cours d’histoire, mais d’un cours d’anglais sur le théâtre moderniste. Pour l’un des travaux, les étudiants devaient réimaginer la mise en scène d’une des pièces dans le plan de cours ; nous avons dû penser à la conception des costumes et de la scène et le blocage. Outre ma propre incursion discutable dans la dramaturgie, le travail nous a fait réfléchir sur la façon dont les histoires peuvent prendre des significations complètement différentes selon la texture et les détails de l’arrière-plan où se déroule le drame.

En théorie et en classe, le travail de l’historien est, je pense, un peu comme celui d’un metteur en scène ; une grande partie de notre interprétation du passé est liée aux contextes dans lesquels nous la fixons. L’histoire régionale, en particulier, exige une prise de conscience aiguë de ce fait. Bien que l’histoire de l’édification de la nation au Canada puisse être racontée d’une certaine façon dans le centre du pays, les implications de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique semblent très différentes lorsqu’on l’enseigne à « l’est de Montréal ». Plus important encore, le Canada atlantique en tant qu’entité régionale coexiste difficilement avec, et est souvent érigée au-dessus, d’autres géographies et souverainetés, comme celles de l’Acadie et des Mi’kma’ki. [1]

Dans les semaines qui ont précédé le premier jour de cours, alors que je préparais mon plan de cours et mes classes, j’ai essayé de canaliser la pensée de mes professeurs que j’ai appréciés. J’ai décidé de ne pas faire la leçon sur les « vérités définitives » de l’histoire du Canada atlantique (quelles qu’elles soient !) à mes étudiants ; j’espérais plutôt les aider à cultiver leurs compétences en recherche critique et les encourager à résister aux récits historiques simples ou téléologiques.

Toute cette planification et cette projection imaginative ont été merveilleuses en décembre. Mais lorsque j’ai eu de difficultés, hésitais et étais agitée durant mes premiers cours au début de la nouvelle année, j’ai découvert un vide béant entre ma théorie pédagogique et ma pratique. Je ne veux pas m’attarder sur ma métaphore dramaturgique, mais, avant d’enseigner, je n’avais pas vraiment tenu compte de la théâtralité de l’enseignement de premier cycle – les questions de blocage, d’intonation et de costume – debout devant ma classe pour la première fois, j’ai vécu une importante aggravation du syndrome de l’imposteur.

En grande partie parce que j’avais l’impression qu’en tant qu’enseignante relativement jeune, ma présence physique en classe ne répondait pas aux attentes des étudiants quant à l’apparence et au comportement d’un enseignant universitaire (c’est-à-dire : un homme blanc plus âgé). En conséquence, j’ai ressenti une forte tentation de projeter toute la confiance, l’autorité et l’éclat qui me manquaient en enfilant ma veste la plus anglaise, avec les plus grandes épaulettes et coudières que j’ai pu trouver pour faire une meilleure imitation d’un professeur d’Oxford du début du 20ème siècle. Je craignais que mon projet d’aborder l’histoire du Canada atlantique d’un point de vue déconstructiviste – qui offrirait autant de questions que de réponses et qui télégraphierait les voix des groupes marginalisés qui compliquent notre compréhension de toute question historique – ne soit interprété par les élèves comme étant trop « insipide ». Ce serait le signe d’un manque d’autorité et de connaissances de ma part.

À mesure que le semestre avançait, cependant, j’ai tenté de mettre de côté mes insécurités et de suivre ce que j’avais conçue comme leçon. J’ai tenté de parler des nombreux aspects de l’expérience humaine qui sont tressés ensemble pour former l’histoire d’une région, mais qui ne peuvent pas être résumés en un seul récit de vérité historique. J’ai eu plus de succès dans certains cours que dans d’autres, mais j’espère avoir l’occasion d’enseigner à nouveau sous peu Je veux continuer à travailler sur cette tension qui existe entre ma pédagogie préférée et mes préoccupations quant à mon autorité dans la salle de classe.

Ces réflexions s’inspirent de l’article d’Andrew Nurse sur ActiveHistory du mois dernier, dans lequel il explore une myriade de facteurs qui affectent l’enseignement et l’apprentissage. Quand j’étais à la fin du semestre d’avril, j’ai été beaucoup rassurée par la franchise avec laquelle il reconnaissait que même les éducateurs expérimentés éprouvent des difficultés lorsqu’il s’agit d’enseigner. Ma classe n’a pas « mal tournée », mais elle ne s’est pas déroulée comme je m’y attendais. Ainsi, dans un esprit de solidarité, et dans l’espoir que je puisse, moi aussi, offrir un peu de consolation à d’autres chargés de cours en poste ou aux tous nouveaux, j’offre ces réflexions honnêtes sur ma première expérience d’enseignement.

[1] L’une des premières lectures que j’ai inscrites dans mon plan de cours, par exemple, a été le magnifique texte de Martha Walls sur l’importance de la Confédération et de la Loi sur les Indiens qui a suivi en 1876, pour les Premières nations vivant sur le territoire que nous appelons maintenant le Canada maritime. Martha Walls, “Confederation and Maritime First Nations,” Acadiensis 46:2 (2017): 155-176.

Katherine Crooks est candidate au doctorat en histoire du genre au Canada à l’Université Dalhousie. Ses recherches portent sur la présence et l’exploration des colons dans le Nord canadien. Sa thèse portera sur l’expérience des femmes de colons qui se considéraient comme des exploratrices de l’Arctique dans la première moitié du XXe siècle.