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Mystères, micro-histoires et causes perdues

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Paul Rombough | 17 mai 2023

https://blogs.learnquebec.ca/2023/05/mysteries-microhistories-lost-causes/

C’est un mystère pour moi, comment et quand je suis tombé pour la première fois sur le site Les grands mystères de l’histoire canadienne.  Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je repense si souvent à cette grande découverte dans mon travail de planification, d’enseignement et de recherche.

Au premier abord, l’idée semble simple : « résoudre le mystère », faire des recherches et en apprendre davantage sur une personne captivante ou un événement curieux du passé ; se plonger dans une histoire controversée qui est en partie effacée de notre mémoire et pour laquelle il reste tant de choses indécises et incertaines.  Mais c’est bien plus que cela.

Sans avoir exploré beaucoup plus loin que le premier mystère que j’ai visionné sur le site web Les mystères, (La torture et la vérité : Angélique et l’incendie de Montréal), je me suis souvenu d’une citation de Barthes que j’ai appris lorsque j’étais à l’université.

On dit qu’il y a des bouddhistes dont les pratiques ascétiques leur permettent de voir tout un paysage dans un haricot.  -Roland Barthes, E/Z

À l’époque, j’avais toujours été fasciné par la notion de regard à travers ces portails personnels et isolés sur l’ensemble d’une période historique. Considérer une période à partir de leur expérience, c’était d’avoir un regard sur comment les choses s’étaient vraiment déroulées, ou du moins c’est ce que je pensais.

Ce n’est qu’en relisant ce passage de Barthes que j’ai compris qu’il faisait en fait référence aux pratiques typiques des universitaires et qu’il les critiquait.  Barthe s’opposait plutôt à un processus similaire à celui des historien.ne.s (enfin « les premiers analystes de la narration », pour lui) qui cherchaient des « modèles » à l’intérieur de petits exemples (d’œuvres littéraires, par exemple), pour ensuite créer des modèles communs qui sont en fait une généralisation qui s’applique ensuite à presque tout.

Le projet des Mystères canadiens n’a rien à voir avec cela.  Comme vous le verrez, c’est tout le contraire. Commençons par ce que feront les élèves : Le projet s’appuie sur la nouvelle approche pédagogique de l’« « enquête centrée sur le document » et de l’« apprentissage actif ». La beauté de ce format réside dans le fait que les étudiant.e.s doivent mettre en évidence leur stratégie de recherche et leurs capacités de réflexion critique lorsqu’ils défendent leur théorie. »

Si vous avez lu mon texte sur L’histoire active en classe, ou Comment éviter la question du ChatGPT (en anglais), vous savez pourquoi la première partie de cette description me plaît !  Mais regardez les deux derniers mots : « leur théorie ».  C’est ce qui se passe sur le site des Mystères. Les élèves ne regardent pas à l’intérieur et dans une forme du passé pour trouver quelque chose que nous leur demandons de trouver.  Ils ne répondent pas à une question directrice que moi-même ou un.e autre enseignant.e leur avons posée.  (Mea Culpa sur ce point et sur le second).

En fait, les « interprétations » historiques disponibles de ces événements sont cachées au public et ne sont accessibles aux enseignants que sur demande.

Nous avons besoin de votre aide !

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Mind Astray / Gone Past by Alexandre Gosselin. « Découvrir des archives et leur donner un sens par le biais d’enquêtes et de récits visuels ». Projet photo sur le mystère du manoir Redpath.

La première page du site web des Mystères invite les élèves à « aider ».  Ils ont plusieurs « affaires non résolues » à résoudre – « des vieux crimes dans lesquels les coupables n’ont pas été inculpé.e.s, et des crimes encore plus insidieux dans lesquels tout un village a pu être complice ».

En effet, la liste des mystères présentés couvre des thèmes clés que nous retrouvons dans nos propres programmes d’histoire : « L’esclavage, les questions autochtones, les maladies, les groupes d’autodéfense, le terrorisme, la dissidence religieuse, les premières colonies, la prise en charge des handicapés et la violence familiale ne sont que quelques-uns des thèmes abordés ».  En fait, le site Web fait référence à des liens avec les programmes d’études.

Cependant, les histoires parlent de personnes (pour la plupart) et parfois de lieux (comme Vinland !) qui ont été perdus.  Et les événements explorés dans les romans policiers sont propres à une certaine époque, souvent très brève, à un lieu très spécifique, voire à un quartier, et souvent à un événement très isolé qui s’y est produit.

Voici quelques exemples des nombreux mystères mis en lumière sur le siteAurore ! Mystère de l’enfant martyre ; Jérôme : l’inconnu de la Baie Sainte-Marie ; Le mystère de la Maison Redpath ; Portrait d’une tragédie : la mort de Tom Thompson ; Qui a découvert l’or du Klondike ? ; Personne ne le connaît : Lhatŝ’aŝʔin et la guerre de Chilcotin ; Explosion sur la ligne de Kettle Valley et la mort de Peter Verigin.

Ce ne sont pas du tout les modèles dont parlait Barthe, ce sont le plus souvent des exceptions.  C’est le genre d’histoires que l’on découvre en faisant des recherches (nous y reviendrons) et que l’on se permet, et que l’on permet à ses élèves, d’explorer à la lumière de leurs propres découvertes.

Ce type de recherche, qui consiste à utiliser des documents primaires, des lettres, des photos et des articles de l’époque pour résoudre un mystère, nous fournit-il également de petits éléments utiles sur une période donnée ?  Nous aident-elles à tirer des conclusions sur des phénomènes sociaux, ou les brisent-elles ?  En d’autres termes, ces méthodes sont-elles utiles à l’apprentissage de nos étudiant.e.s dans le contexte de nos programmes ?

La 2e partie de ce blogue sera publié la semaine prochaine.