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Pourquoi l’enseignement sur les Vikings est pertinent – et même crucial

Par Natalie Van Deusen
Professeure agrégée et Professeure scandinave Henry Cabot et Linnea Lodge
Département des langues vivantes et des études culturelles
Université de l’Alberta

Je me sens un peu comme un imposteur, j’écris pour le blogue de la Société historique du Canada mais je ne suis pas une historienne. Mon doctorat (2012, Université du Wisconsin-Madison) est en études scandinaves, avec une mineure en études médiévales. Je suis une philologue et une spécialiste de la littérature de l’Islande médiévale et du début de l’ère moderne, en particulier l’hagiographie et la littérature religieuse. J’ai publié deux livres et un certain nombre d’articles sur la composition, la réception et la transmission du vieux norrois et des débuts de la vie moderne islandaise des saints en prose et en poésie. Ainsi, bien que je ne sois pas historienne en soi, je suis régulièrement immergée dans la langue, la littérature et la culture du passé, tant dans mes recherches que dans mon enseignement.

Je suis professeure d’études scandinaves à l’Université de l’Alberta depuis plus de sept ans maintenant. Comme beaucoup d’autres dans mon domaine en Amérique du Nord, j’enseigne une grande variété de cours sur la langue, la littérature et la culture scandinaves du Moyen Âge à nos jours. J’enseigne aussi le vieux norrois. Cependant, aucun des cours que j’offre n’est plus populaire que mes cours sur la mythologie nordique, l’ère Viking et les sagas islandaises (tous enseignés en traduction anglaise). Ces cours sont toujours presqu’à pleine capacité et attirent des étudiants de tous les campus et d’une grande variété de disciplines universitaires. Je suis ravie que tant d’étudiants choisissent de suivre mes cours dans des contextes historiques qui sont loin dans le passé, et j’en suis venue à apprécier l’importance, les défis et les promesses d’enseigner un tel contenu dans un contexte contemporain.

L’une des raisons les plus pressantes d’enseigner le passé viking et scandinave médiéval (et plus généralement le Moyen Âge européen en général) est la sinistre réalité que les groupes néo-païens suprémacistes blancs et racistes/tribalistes – comme les nazis un siècle avant eux – utilisent fréquemment des images médiévales et sont motivés par leur foi dans un passé médiéval « blanc » et une race ancestrale « pure » qui, à leur avis, est menacée par l’immigration et la diversité religieuse et raciale. L’époque viking et la mythologie nordique sont particulièrement intéressantes pour ces groupes, qui ont commis des actes de violence contre ceux qui sont perçus comme des « étrangers » (juifs, musulmans, personnes de couleur).

C’est pourquoi il est absolument essentiel que les chercheurs et les enseignants du passé viking et scandinave médiéval et du Moyen Âge européen s’emploient plus amplement à combattre les idées fausses dangereuses sur l’homogénéité raciale et ethnique. Je m’efforce d’enseigner la religion et la culture de l’époque viking et du Moyen Âge nordique d’une façon qui ne se concentre pas uniquement sur les peuples de langue nordique, qui n’étaient pas les seuls à occuper la région nordique pendant cette période et qui n’étaient pas à l’abri de l’influence des cultures environnantes. Des recherches récentes sur la religion à l’ère viking ont démontré les nombreuses façons dont les systèmes de croyances des peuples nordiques et samis (les peuples autochtones du nord de la Scandinavie), finno-baltes et groenlandais s’influençaient mutuellement et s’engageaient dans ce que Thomas A. DuBois appelle « un processus dynamique d’échange religieux » (Nordic Religions in the Viking Age [Philadelphia : University of Pennsylvania Press], p. 137). J’enseigne la littérature de la saga islandaise avec une conscience accrue de la représentation des religions et des cultures à l’extérieur des pays scandinaves.  J’incorpore également des récits de l’âge viking provenant de diverses sources, de l’Angleterre au nord de la péninsule ibérique, dans un survol historique en m’appuyant sur les résultats de récentes recherches archéologiques et analyses d’ADN, qui démystifient le mythe d’un âge viking « pur » sur le plan ethnique (voir http://theconversation.com/vikings-were-never-the-pure-bred-master-race-white-supremacists-like-to-portray-84455). Enfin, j’initie les étudiants aux groupes païens inclusifs qui vénèrent le panthéon nordique et qui s’engagent à combattre les idéologies exclusives dans leurs pratiques religieuses universalistes.

Les défis posés par l’enseignement du passé viking et du passé scandinave médiéval créent donc des occasions fascinantes d’aider les étudiants à approfondir leur compréhension du passé et la façon dont il est présentement réinterprété – à la fois dans les études à ce sujet et parmi les praticiens païens inclusifs et universalistes. Cela souligne les promesses de faire ce genre de travail et met en lumière les façons dont l’étude du passé peut nous aider à comprendre notre présent. En effet, l’enseignement du Moyen Âge viking et du Moyen Âge nordique permet d’explorer un certain nombre d’autres sujets pertinents pour la vie quotidienne des étudiants, notamment le sexe, les classes sociales, la sexualité, les aptitudes et la race. En étudiant ces concepts dans un cadre historique, nous sommes en mesure de réfléchir d’une manière unique sur nos sociétés et expériences contemporaines, ainsi que sur nos conceptions et nos préjugés individuels et culturels. Nous sommes en mesure d’examiner et de réfléchir de façon critique à la façon dont les idées ont changé ou évolué, et de créer un lien significatif entre le présent et le passé qui l’informe inévitablement.

Vous pouvez communiquer avec la professeure Van Deusen à l’adresse courriel vandeuse@ualberta.ca.