Dans le cadre de son mandat, qui est de récompenser et de promouvoir l'excellence de la recherche en histoire, la SHC décerne plusieurs prix.
Le prix du meilleur livre savant en histoire canadienne de la SHC - 2022
Benjamin Hoy
Benjamin Hoy, A Line of Blood and Dirt: Creating the Canada-United States Border Across Indigenous Lands
L'ouvrage de Benjamin Hoy, A Line of Blood and Dirt : Creating the Canada-United States Border across Indigenous Lands, est à la fois d'une grande portée et d'une conception très précise. S'appuyant sur un large éventail d'archives écrites et orales, Benjamin Hoy examine la création physique, politique et culturelle de la frontière canado-américaine entre les années 1770 jusqu’au début du XXe siècle dans une prose magnifique et convaincante. A Line of Blood and Dirt documente une frontière faite de conflits, inséparable de l'histoire du colonialisme et de la résistance autochtone, et conçue pour signifier différentes choses pour différentes personnes. Hoy montre les liens entre l'histoire environnementale et politique et les histoires de la migration et des peuples autochtones, le tout analysé sans compromis. Il s'agit d'une histoire de gouvernements colonisateurs, mais aussi d'environnements et de personnes ordinaires qui leur ont résisté et les ont remodelés.
A Line of Blood and Dirt nous rappelle de façon très convaincante de la capacité de l'histoire à jeter un regard neuf et nécessaire sur le présent, et notamment sur la signification et l'impact des frontières internationales. Les questions soulevées par ce livre sont difficiles et complexes : comment les décisions juridiques, gouvernementales et diplomatiques peuvent déterminer la pratique de la vie quotidienne alors que les expériences vécues sur le terrain peuvent également défier, ignorer et compliquer les décisions prises par les puissants. A Line of Blood and Dirt est un engagement puissant et opportun entre le passé et le présent, qui façonnera la façon dont nous comprenons l'histoire internationale et diplomatique, l'histoire de l'environnement, l'histoire des Autochtones et l'histoire de l'immigration.
Finalistes
Pierre Anctil, Antijudaïsme et influence nazie au Québec: cas du journal L'Action catholique (1931-1939), Les Presses de L'Université de Montréal, 2021
Catherine Larochelle, L'école du racisme: La construction de l’altérité à l’école québécoise (1830-1915 ), Les Presses de L'Université de Montréal, 2021
Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille. Boréal, 2021.
Allyson Stevenson, Intimate Integration: A History of the Sixties Scoop and the colonization of Indigenous Kinship, University of Toronto Press, 2021.
Le prix John-Bullen - 2022
Colin Murray Osmond
Colin Murray Osmond, “Paycheques and Paper Promises: Coast Salish and Mi’kmaw Work and Family Life under Canadian Settler Colonialism,” PhD dissertation, University of Saskatchewan, 2021.
La thèse de Colin Osmond est un exemple exceptionnel de recherche communautaire qui illustre abondamment les forces de cette approche tout en apportant une contribution substantielle à la recherche sur l'histoire du travail des Premières nations et à l'analyse historique du colonialisme de peuplement dans deux contextes très différents. S'appuyant sur une décennie d'engagement auprès des communautés salish du littoral, Osmond développe une étude comparative des expériences vécues par le peuple Tla'amin de Tišosem (aujourd'hui Sliammon) en Colombie-Britannique et le peuple Mi'kmaw de Piktuk (Pictou Landing) en Nouvelle-Écosse aux XIXe et XXe siècles, en se concentrant en particulier sur le rôle du travail salarié et la dynamique de la création de réserves (sans la conclusion de traités) dans les deux emplacements. S'appuyant sur de nombreuses archives et histoires orales, l'analyse tient compte de la façon dont les manifestations localisées du colonialisme de peuplement et les contextes culturels autochtones ont façonné la vie quotidienne et le travail de ces communautés Tla'amin et Mi'kmaq. De plus, elle documente l'agence à multiples facettes et les stratégies complexes des Premières nations qui ont mobilisé leurs traditions pour survivre aux défis - économiques, environnementaux et politiques - posés par les intrusions coloniales sur leurs terres. Osmond trouve un équilibre entre les preuves d'adaptations réussies et de création de communautés et la reconnaissance qu'en fin de compte, c'est la nature amorphe, contradictoire et toujours changeante du colonialisme de peuplement qui a sapé les efforts des Tla'amin et des Mi'kmaq de préserver une part équitable et le contrôle des ressources économiques de leurs territoires traditionnels.
La sensibilité d'Osmond aux dimensions éthiques de la recherche collaborative, sa maîtrise du corpus de preuves asymétrique et son engagement à produire des connaissances qui profitent aux communautés concernées sont des modèles pour des travaux de ce type. Il mérite amplement le prix John-Bullen pour 2022.
MENTION HONORABLE
Melissa N. Shaw, ‘Blackness and British “Fair Play”: Burgeoning Black Social Activism in Ontario and Its Grassroots Responses to the Canadian Colour Line, 1919-1939,’ PhD dissertation, Queen’s University, 2021.
La thèse de Melissa Shaw offre une analyse détaillée de la façon dont les Canadiens noirs ont vécu les critères raciaux après la Première Guerre mondiale en Ontario, en mettant l'accent sur le rôle des organisations communautaires locales dans la lutte contre le racisme anti-Noir. Son analyse approfondie de ces organisations permet de comprendre leur dynamique interne et externe, en soulignant le rôle important des femmes en tant que leaders et activistes. Le comité a souligné en particulier l'exploration nuancée de Shaw des entretiens d'histoire orale, des registres d'église, des registres d'organisations militantes et des journaux comme moyen de découvrir les débats entre les militants, les luttes contre le colorisme et l'impact de la participation à ces groupes communautaires sur les jeunes. Cette thèse fait revivre l'Ontario d'après la Première Guerre mondiale d'un point de vue souvent méconnu : les femmes noires qui, par leur position dans l'église et d'autres organisations communautaires, ont combattu le racisme anti-Noir et ont contribué à inculquer la solidarité intra-raciale et la fierté noire. C'est pour les raisons susmentionnées que le comité souhaite attribuer à la thèse de Melissa Shaw une « mention honorable » pour le prix Bullen 2022.
Les prix d'enseignement de la SHC - 2022
Funké Aladejebi, Benjamin Hoy
Prix de début de carrière ou de carrière alternative, histoire canadienne
Funké Aladejebi
Funké Aladejebi est professeure adjointe au département d'histoire de l'Université de Toronto. Son dossier de candidature a impressionné par la diversité des sources primaires utilisées à tous les niveaux d'enseignement, ainsi que par son incroyable dévouement au mentorat, à la défense des droits et à l'inclusion dans son enseignement. L'approche pédagogique de Mme Aladejebi intègre de manière magistrale le développement des compétences et l'application contemporaine, la justice sociale et l'inclusion, les modèles d'apprentissage accessibles, ainsi que l'histoire publique et l'engagement. L'élaboration de son cours de niveau deux cents intitulé « Black Canadian History » l'a amenée à jouer un rôle fondamental dans la création du certificat en études canadiennes noires, le premier du genre à l'Université de Toronto. Le comité a été particulièrement impressionné par son engagement à étendre l'utilisation des sources primaires au-delà des archives traditionnelles et à créer des occasions d'intégrer l'histoire publique et la collaboration dans son enseignement. Elle cherche continuellement à créer des expériences exceptionnelles pour ses étudiants, par exemple en invitant dans sa classe Clement Virgo, le réalisateur acclamé par la critique de l'adaptation en série de « The Book of Negroes ». Par-dessus tout, la professeure Aladejebi fait preuve d'un incroyable dévouement à l'égard de l'apprentissage des étudiants et de la création d'une communauté.
Prix de début de carrière ou de carrière alternative, histoire autre que canadienne
Le prix n'a pas été remis cette année
Prix de catégorie ouverte, histoire canadienneBenjamin Hoy
Benjamin Hoy est professeur agrégé au département d'histoire de l'Université de la Saskatchewan. Le dossier de candidature de M. Hoy témoigne de son impressionnante capacité à rendre l'histoire vivante de manière complexe et appropriée, ainsi que de son utilisation novatrice d'un large éventail de sources primaires en classe. En incorporant sans effort les sources primaires dans les plans de cours, il permet aux élèves non seulement d'apprendre l'histoire, mais de l'apprendre comme les historiens le font. Ainsi, il offre aux étudiants les outils et la confiance nécessaires pour explorer des questions historiques qui, autrement, sembleraient hors de portée. Le comité a été particulièrement impressionné par son engagement envers la communauté enseignante. M. Hoy a participé à 41 ateliers pédagogiques, formations et programmes de certification offerts par le département d'histoire, des organismes professionnels et le Gwenna Moss Centre for Teaching and Learning de l'USask, et il a obtenu une deuxième certification pour l'enseignement en ligne en 2020. Il a également développé deux jeux à des fins pédagogiques. Par exemple, Escaping the Office of Professor Brutalis apprend aux étudiants à se familiariser avec les énoncés de thèse, la grammaire, le plagiat et le système de citation de style Chicago en résolvant des énigmes. Plus particulièrement, le professeur Hoy fait preuve d'un engagement impressionnant pour favoriser l’esprit communautaire dans la salle de classe et l'apprentissage des étudiants.
Prix de catégorie ouverte, histoire autre que canadienne
Le prix n'a pas été remis cette année.
Le prix Jean-Marie-Fecteau - 2022
Roxanne L. Korpan
Roxanne L. Korpan, "Scriptural Relations: Colonial Formations of Anishinaabemowin Bibles in Nineteenth-Century Canada," Material Religion 17, no. 2 (2021): 147-176.
L'article de Roxanne L. Korpan est une analyse interdisciplinaire captivante de l'histoire religieuse et coloniale de l'Amérique du Nord, jumelée à une analyse de la culture matérielle habilement développée. Korpan propose un examen approfondi des traductions de la bible chrétienne réalisées par le chef Anishinaabe et ministre méthodiste, Kahkeaquonaby, ou Peter Jones. L'article démontre de façon rigoureuse comment les traductions de la bible en langue autochtone ont non seulement facilité les relations entre les peuples autochtones, les missionnaires et les agents coloniaux, mais ont également représenté une forme de souveraineté et d'autodétermination autochtones. L'article se distingue par le fait que Korpan donne la priorité à l'histoire des objets et à la matérialité des bibles en langue autochtone, et qu'il soutient efficacement que les textes religieux révèlent une forme distincte d'activisme autochtone. Le croisement de l'histoire culturelle et religieuse, associé à l'argument convaincant de Korpan sur la souveraineté indigène, met en évidence la créativité de son approche analytique et l'importance de son travail.
MENTIONS HONORABLES
Emilie Jabouin, "Black Women Dancers, Jazz Culture and 'Show Biz': Recentering Afro-Culture and Reclaiming Dancing Black Bodies in Montréal, 1920s–1950s" Canadian Journal of History 56, no. 3 (2021): 229-265.
Dans cet article interdisciplinaire réussi, Emilie Jabouin propose une histoire réparatrice du jazz montréalais et de ses origines. En dépit des mécanismes d’invisibilisation puissants de l’historiographie du jazz et des archives historiques – qu’elle dévoile de façon convaincante -, Jabouin démontre le rôle fondamental de la dance, et en particulier des performances des danseuses noires, dans le développement de la culture jazz, puis sa commercialisation. L’autrice manie avec force et cohérence historiographie, archives visuelles et expériences personnelles pour nous proposer une histoire culturelle féministe et transnationale du jazz montréalais de la première moitié du 20e siècle. L’article d’Emilie Jabouin est également une véritable leçon de méthodologie interdisciplinaire puisqu’elle s’abreuve à la pensée féministe noire, à l’analyse iconographique, à l’historiographie et aux savoirs expérientiels pour déployer son argumentaire.
Michel Dahan, «“Tout le monde voyage” : l’agence Hone & Rivet et les débuts de l’industrie touristique au Canada (1894-1939) ». Canadian Historical Review 102, 3 (2021) : 365-389.
L’histoire du tourisme canadien est habilement renouvelée par l’article de Michel Dahan, lequel offre une analyse multidimensionnelle des premières décennies d'existence de l’agence Hone & Rivet, une entreprise pionnière dans l’industrie canadienne du voyage organisé. L’article de Dahan se démarque par une approche originale à la jonction de l’histoire de l’entrepreneuriat, de l’histoire de l’industrie touristique et de l’histoire du catholicisme québécois, le tout constituant, par ailleurs, une contribution importante à l’historiographie québécoise. Maniant une variété de sources – journaux, pamphlets, archives familiales, photographies, correspondances, archives religieuses – dans une prose élégante, Dahan montre comment cette entreprise catholique a prospéré grâce aux liens qu’elle a su tisser avec la hiérarchie ecclésiastique et divers intermédiaires internationaux. Les acteurs importants de l'industrie du voyage organisé que l'auteur nous présente ont participé aux transformations de la société québécoise dans ce début du 20e siècle. Dahan dévoile avec finesse notamment les aspects genrés et transnationaux de cette histoire.
Le prix Wallace-K.-Ferguson - 2022
Royden Loewen
Royden Loewen, Mennonite Farmers. A Global History of Place and Sustainability (Johns Hopkins UP/ U. of Manitoba Press, 2021)
L'ouvrage de Royden Loewen, Mennonite Farmers, est une réalisation d'histoire comparée savante qui s'appuie sur les efforts de l'équipe de recherche « Seven Points on Earth » pour étudier des communautés agricoles dispersées sur cinq continents, dont quatre dans le Nord et trois dans le Sud du monde. En examinant comment « les croyances influencent l'activité agricole », le livre se concentre sur des communautés qui partagent des identités mennonites mais qui sont par ailleurs façonnées par divers environnements naturels et cultures locales. Le livre fait un usage efficace de son vaste matériel primaire, y compris son traitement des histoires orales et des entretiens, et offre une étude approfondie de plusieurs sources d'histoire environnementale mondiale. Il réunit le passé et le présent, demandant à ses sujets et à ses lecteurs ce que cela signifie d'être de bons gardiens de la Terre.
Mennonite Farmers est une œuvre colossale qui demeure malgré tout très cohérente. Mais le jury a surtout été frappé par sa profondeur. Verticalement, Mennonite Farmers se démarque en examinant les différentes réponses de ses sujets à des sols et des climats différents ; leurs relations avec la modernisation de l'agriculture mondiale et des connaissances agricoles ; leur compréhension de leur foi et de leur but sur Terre ; le travail des femmes mennonites ; leurs relations avec le biopouvoir de l'État ; leur expérience du changement climatique. Tout au long de l'ouvrage, Loewen présente les points de vue de ses sujets avec empathie, tout en rappelant au lecteur les forces régionales et mondiales à l'œuvre.
Parmi un ensemble de livres remarquables par leur lecture et leur interprétation des faits, Mennonite Farmers s'est distingué par son ambition et sa réussite scientifique innovante.
Finalistes
Catherine L. Evans, Unsound Empire: Civilization and Madness in Late-Victorian Law (Yale UP, 2021).
Yunxiang Gao, Arise Africa, Roar China: Black and Chinese Citizens of the World in the Twentieth Century (U of North Carolina Press, 2021).
Jocelyn Hendrickson, Leaving Iberia: Islamic Law and Christian Conquest in North West Africa (Harvard UP, 2021).
Paul Kellogg, Truth Behind Bars: Reflections on the Fate of the Russian Revolution (Athabasca UP, 2021).
Les prix Clio - 2022
Ruth Compton Bower, Catherine Larochelle, Helen Olsen Agger, Allyson Stevenson, Robert A.J. Macdonald
L'Atlantique
Ruth Compton Brouwer, All Things in Common: A Canadian Family and Its Island Utopia. University of Toronto Press, 2021.
En 1909, une famille élargie de Compton, dont les centres résidentiels se trouvaient à Belle River et à Bangor, à l'Île-du-Prince-Édouard, a mis ses ressources en commun et a commencé à exploiter un groupe d'entreprises appartenant à la collectivité, qui ont ensuite été constituées en société sous le nom de « B. Compton Limited ». Les membres dispersés de la famille, motivés autant par la sécurité d'emploi que par l'idéologie, sont revenus dans cette commune insulaire des Prairies et de la Nouvelle-Angleterre pour travailler dans des entreprises, allant d'une scierie à des homardiers, en passant par des fermes. Dans All Things in Common : A Canadian Family and Its Island Utopia, Ruth Compton Brouwer, elle-même descendante des Compton, explique avec éloquence et une gracieuse compréhension des fragilités humaines que, bien que les Compton n'aient jamais qualifié leurs communautés de l'Île-du-Prince-Édouard d' « utopie », leurs entreprises insulaires présentaient de nombreuses similitudes avec des entreprises utopiques telles que Sointula sur l'île de Vancouver ou Oneida dans le nord de l'État de New York.
Dans le récit solide de Brouwer, cette « utopie de l'île » devient une vaste histoire des aspirations de générations de Compton, en commençant par les réfugiés loyalistes William et Sarah Compton, qui ont voyagé entre le Cap-Breton et les Prairies, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Angleterre, avant qu'un groupe ne s'installe à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit également d'une histoire du protestantisme dissident, avec un accent sur la secte McDonaldite, peu connue mais robuste, fondée par le missionnaire renégat de l'Église d'Écosse, Donald McDonald, sur l'Île-du-Prince-Édouard au début du XIXe siècle. Brouwer a trouvé ses adeptes dans des régions dispersées de l'Amérique du Nord, offrant à leurs collègues sectaires un filet de sécurité dans leurs pérégrinations. All Things in Common n'est pas une histoire aseptisée ou romancée. Au contraire, Brouwer raconte sans détours ce qui est louable et ce qui est discutable, relatant les détails de relations sexuelles et conjugales non conventionnelles, de mauvaises décisions d'affaires et d'aspirations ratées. Dans un mélange exemplaire de détails locaux et de grandes tendances transatlantiques et transcontinentales, All Things in Common : A Canadian Family and Its Island Utopia est une histoire qui trouvera un écho auprès des Canadiens de tout le pays, mais qui demeure fermement ancrée dans la région atlantique.
Québec
Catherine Larochelle, L’école du racisme. La construction de l’altérité à l’école québécoise (1830-1915)
Pour son ouvrage L’école du racisme, Catherine Larochelle mérite amplement le prix Clio Québec 2021. Fruit d’une recherche remarquable par son ampleur et sa profondeur, ce livre nous fait percevoir l’Autre – l’Indien, le Musulman, le Chinois – tel qu’il était présenté aux jeunes francophones et anglophones du Québec sur une période de presque un siècle. Cette analyse de la fabrication du racisme nous fait comprendre comment, dans ce regard sur autrui, les clivages linguistiques traditionnels font plutôt place à des mises en opposition civilisationnelles dans le cadre d’une vision impériale et de montée des nationalismes. Contrairement à une perception centrée sur le Québec, on voit bien à travers le livre comment les élèves sont appelés à s’inscrire dans le monde, mais dans une perspective raciste. Après avoir présenté son cadre théorique solide, l’autrice nous situe dans le monde, puis examine cette école du racisme sous l’angle de l’observation (le corps), de la figure (l’Indien), du medium (l’image) et du thème (les missions). Pour terminer, écrit dans un style dense et agréable, l’ouvrage démontre qu’il est possible de mener une recherche engagée tout en respectant les critères scientifiques les plus élevés. Bref, cet ouvrage est remarquable par son approche novatrice et son apport à la recherche sur l’histoire au Québec.
Ontario
Helen Olsen Agger, Dadibaajim: Returning Home Through Narrative. University of Manitoba Press.
Dadibaajim : Returning Home Through Narrative, d’Helen Olsen Agger, est une contribution originale et significative à notre compréhension des histoires enracinées dans le Namegosibii Anishnaabe, qui sont liées à des récits plus fréquemment et rarement racontés sur les lieux que nous avons appris à appeler l’Ontario et le Canada. Le livre comporte des interventions historiographiques et épistémologiques critiques en histoire régionale, et qui dépasse l’histoire régionale, en même temps.
Dadibaajim émerge des relations intergénérationnelles d'enseignement et d'apprentissage entre Agger et sa mère, l'aînée et gardienne de la langue Dedibaayaanimanook Sarah Keesick Olsen, et un cercle plus large de sept aînés Namegosibii Anishnaabe. Grâce à ces relations, nous apprenons que les récits des dadibaajim sont essentiels pour comprendre les expériences vécues du colonialisme de peuplement dans le territoire du Traité 3, ajoutant une dimension humaine cruciale à l'approche « à tout prix » du développement régional et de l'exploitation des ressources pendant la période allant des années 1930 aux années 1950 dans le nord de l'Ontario. D'un point de vue critique, Agger montre que le partage de son savoir et de celui de ses aînés ne consiste pas simplement à retrouver l'histoire des Anishinaabe de Namegosibii ou à reconstituer la grande histoire de la persistance des Anishinaabe. Il s'agit de prendre en compte les fragments culturels qui ont survécu à la destruction volontaire, dans laquelle l'histoire canadienne en tant que discipline est profondément impliquée, et de réfléchir soigneusement à la façon dont nous documentons et partageons les histoires du passé. À d’importants égards, Dadibaajim est un centre d'intérêt pour les façons anishnaabe d'être, de penser, de poser des questions et d'apprendre du passé et du présent qui sont enracinées dans l'Anishinaabemowin, dans les terres et les cours d'eau, et dans les vies et les relations uniques et dynamiques des Anishnaabe Namegosibii. L'utilisation fréquente de l'Anishinaabemowin par Agger est une méthode particulièrement puissante pour perturber les modes de pensée des locuteurs non Anishnaabemowin et obliger les lecteurs à habiter le texte et le monde différemment. Somme toute, ce livre est une offre profondément généreuse de Namegosibii Anishinaabe dadibaajim, pour laquelle les lecteurs ont une grande dette de gratitude.
Les Prairies
Allyson D.Stevenson, Intimate Integration: A History of the Sixties Scoop and the Colonization of Indigenous Kinship. Toronto: University of Toronto Press, 2021.
Intimate Integration d'Allyson D. Stevenson est un ouvrage qui tombe à point pour jeter de la lumière sur le sujet souvent négligé de l'adoption transraciale autochtone dans le Canada de l'après-guerre, avec un accent particulier sur la Saskatchewan. L'ouvrage de Stevenson, méticuleusement documenté, bien ancré dans la théorie et accessible, offre une analyse perspicace de l'adoption transraciale en tant que projet colonial visant à démanteler les systèmes de parenté autochtones dans le but d’« éliminer les Autochtones ».
L'auteure décrit la résistance des autochtones aux politiques d'assimilation et de génocide ainsi que les efforts déployés pour rétablir les liens de parenté dans le sillage de ces politiques. Le livre de Stevenson est un ouvrage émouvant, imprégné d'un sentiment de compassion qui ne fait que renforcer sa solide érudition. L'auteure parvient à tisser des liens personnels dans une histoire institutionnelle plus vaste sans jamais perdre de vue les courants historiques plus larges du genre, de la race et du colonialisme de peuplement en Saskatchewan et dans le Canada de l'après-guerre.
Dans le contexte d’une année où les soumissions ont été nombreuses et excellentes, nous sommes heureux de recommander Intimate Integration d'Allyson D. Stevenson : A History of the Sixties Scoop and the Colonization Of Indigenous Kinship pour le prix Clio pour l’histoire des Prairies.
La Colombie-Britannique
Bob McDonald, A Long Way to Paradise: A New History of British Columbia Politics.
A Long Way to Paradise est une analyse complète et nuancée de la façon dont une culture politique distincte a pris forme dans la province de la Colombie-Britannique entre 1871 et 1972. McDonald s'appuie sur de nombreuses sources primaires et s'inspire habilement de la littérature secondaire sur l'histoire de la Colombie-Britannique pour offrir une perspective originale sur des questions de longue date concernant l'apparente polarisation de la culture politique de la province. Plutôt que de se baser sur les études antérieures qui mettent l'accent sur les classes sociales, l’approche novatrice de McDonald soutient de façon convaincante que l'idéologie était au cœur de la plupart des divisions politiques dans la province. Ces divisions reflétaient des points de vue différents sur la façon dont la Colombie-Britannique devait faire face aux conditions changeantes de la modernité, et étaient fondées sur des courants concurrents du libéralisme que McDonald identifie comme le « fondement de bon sens de la culture politique dominante de la province ».
Le livre offre de nouvelles perspectives sur les nombreux dirigeants et événements intrigants qui composent l'histoire politique de la Colombie-Britannique. L'approche adoptée est toutefois loin de celle du sommet vers le bas traditionnelle. McDonald présente plutôt une analyse novatrice et texturée de la culture politique de la Colombie-Britannique - une culture qui était largement fondée mais contestée, qui variait de façon critique selon les régions, et qui était fondée et soutenue par le patriarcat, la blancheur et le reniement continu des droits de citoyenneté des peuples autochtones et asiatiques. Richement détaillé, accessible et engageant, A Long Way to Paradise plaira à tous ceux qui souhaitent approfondir leur compréhension de la Colombie-Britannique et deviendra certainement l'ouvrage de référence pour l'histoire politique de la province pendant des années.
Le prix Clio-Nord n'a pas été attribué cette année.
Le prix en histoire appliquée - 2021
A Seat at the Table, Awakenings, Landscapes of Injustice
1. A Seat at the Table: Chinese Immigration and British Columbia
Photo : Rebecca Blissett
Catégorie : Produits and Projets
A Seat at the Table est deux expositions reliées entre elles qui explorent l'immigration chinoise en Colombie-Britannique. Situé dans la communauté et dans un espace d'exposition traditionnel, le projet explore la migration chinoise à partir de multiples points de vue en utilisant les voix et les artefacts du public. Basé sur des recherches approfondies et sur une consultation et une collaboration exhaustives avec la communauté, « A Seat at the Table » est accessible et engageant. La nourriture est un élément clé de l'histoire et est un fil conducteur aux deux projets, qui invitent les visiteurs à « s'asseoir » et de visionner des bandes vidéos, des histoires personnelles, des artefacts et des projets d'art public. Le projet établit un équilibre efficace entre les histoires de racisme et de discrimination et les récits de résilience et de vie communautaire dynamique. Les visiteurs sont également invités à enregistrer leurs histoires personnelles en tant que Canadiens d’origine chinoise ou avec des d’origine chinoise, ce qui permet d'établir un lien avec les expériences contemporaines et de créer des archives d'histoire orale pour les futurs chercheurs. La combinaison de la narration multimodale, des partenariats communautaires et de l'expérience fascinante en 3D fait de « A Seat at the Table » une expérience d'exposition exceptionnelle.
Un coproduction : Museum of Vancouver (MOV), University of British Columbia, Chinese Canadian Museum Society of BC
Conservateurs : Denise Fong, Viviane Gosselin, Henry Yu
2. Awakenings
A Portrait in Red, 2020. Un film d'Alexandra Lazarowich. Prise de vue aérienne par Andrew Williamson.
Catégorie : Sensibilisation
Umbereen Inayet et Cheryl Blackman, Awakenings, Toronto History Museums.
Awakenings est une série multimédia des musées de la ville de Toronto qui utilise la musique, l'art et la performance pour explorer des histoires sous-représentées. Présenté en ligne, ce projet ambitieux met en scène des artistes, des interprètes et des historiens qui ressassent les histoires interconnectées des Torontois de différentes origines ethnoculturelles et classes sociales. Il montre comment des lieux et des récits apparemment liés à l'histoire coloniale des Blancs ont effacé la présence de personnes racialisées. « Lanes », un film de Karimah Zakia Issa, établit un lien entre les éditeurs du 19e siècle William Lyon Mackenzie et Mary Ann Shadd Cary. Dans le film, une activiste contemporaine se déplace dans la maison Mackenzie King au centre-ville de Toronto, réintroduisant Shadd Cary dans le récit de rébellion et de protestation sur le site historique. Les vidéos explorent également l'histoire de la race et du racisme par le biais de l'alimentation, l'identité, l'indigénéité, le lieu et la culture. Awakenings réussit en tant que projet de sensibilisation du public parce qu'il fait le lien entre des histoires dissimulées et les débats contemporains sur la race et le colonialisme, engageant de manière créative le public dans un dialogue sur le passé, le présent et l'avenir.
3. Landscapes of Injustice
Photo : Michael Abe
Catégorie : Pratique
Jordan Stanger-Ross, Chercheur principal & Michael Abe, Gestionnaire du projet
Landscapes of Injustice est un projet à multiples facettes sur l'histoire du déplacement et de la dépossession des Canadiens d’origine japonaise. Fruit d'un partenariat impressionnant entre des organisations et des praticiens universitaires et non universitaires, Landscapes of Injustice applique les meilleures pratiques de recherche et de diffusion de l'histoire publique universitaire au sujet d’un problème, en identifiant l'ampleur de la dépossession dans l'espoir d'aider les Canadiens d’origine japonaise à surmonter ces pertes. Le projet présente une série de blogues et de contenus en ligne qui relient des documents d'archives à des Canadiens vivants, montrant comment les gens continuent d'être touchés par la dépossession. Les autres résultats du projet comprennent une exposition dans un musée, des ressources pour les éducateurs et un livre savant. Il s'agit là d'un excellent exemple d'historiens qui déploient l'empreinte de leurs recherches au-delà des publications traditionnelles, dans le cadre de projets destinés au public.
Prix du livre de l'histoire des affaires - 2021
Andrea Benoit
Andrea Benoit, Viva M.A.C: AIDS, Fashion, and the Philanthropic Practices of M.A.C Cosmetics (University of Toronto Press, 2019).
VIVA MAC: AIDS, Fashion, and the Philanthropic Practices of MAC Cosmetics d'Andrea Benoit est un récit inédit sur la création et l'impact d'une entreprise canadienne pionnière. MˑAˑC Cosmetics a débuté à Toronto sous le nom de Make-up Arts Centre et a été fondée par Frank Toskan et Frank Angelo. Le livre de Benoit révèle comment les « Frank » ont créé un modèle commercial entièrement nouveau dans l'industrie mondiale des cosmétiques, y compris des méthodes inédites de vente au détail de leurs produits. Plus important encore, elle montre comment MˑAˑC Cosmetics a intégré de manière transparente une véritable responsabilité sociale d'entreprise dans son modèle commercial, en soutenant sans relâche les organisations caritatives et les activités de lutte contre le sida. L'analyse de Benoit s’appuie sur une abondance de sources d'archives et de ressources documentaires secondaires pertinentes. Son livre est un formidable ouvrage d'histoire commerciale, sociale et culturelle qui alimentera les recherches des historiens canadiens contemporains et futurs.
Mention honorable
Matthew Bellamy, Brewed in the North: A History of Labatt’s, Kingston and Montréal: McGill-Queen’s University Press, 2019.
L'ouvrage de Matthew Bellamy, Brewed in the North : A History of Labatt's est une étude captivante et révélatrice de la formation et du développement d'une entreprise typiquement canadienne. John Labatt Limited a été fondée à London, en Ontario, en tant qu'entreprise familiale. Elle a été façonnée par des tendances sociales et économiques plus larges, comme la prohibition aux États-Unis, et est finalement devenue l'une des deux entreprises dominantes de l'industrie brassicole nationale. Bellamy s'appuie sur d'importants documents d'archives pour montrer comment la société a réussi à passer du statut d'entreprise privée et familiale à celui d'entreprise cotée en bourse. Il décrit également comment la mondialisation et la consolidation du marché mondial de la bière ont finalement eu un impact sur Labatt's. Bellamy raconte les succès et les échecs de l'entreprise en matière de produits et de marketing, les forces et les faiblesses de la direction, et ce que cela signifiait de travailler chez Labatt's. Son livre est un ajout bienvenu à la littérature existante sur l'histoire des entreprises canadiennes et il guidera les historiens qui espèrent entreprendre de vastes études sur d'autres entreprises canadiennes.
Les prix Clio - 2021
Andrea Procter, Daniel Horner, Brittany Luby, L.K. Bertram, Doug Cass, Lara Campbell
L'Atlantique
Andrea Procter. A Long Journey: Residential Schools in Labrador and Newfoundland. St John’s, NL: ISER Books, 2020.
Le livre remarquable d'Andrea Procter, A Long Journey : Residential Schools in Labrador and Newfoundland, qui s'inscrit dans le cadre du projet de guérison et de commémoration de la province, est un modèle de recherche collaborative engagée avec les nations inuites, nunatukavut et innues du Labrador. S'appuyant sur une relation de coopération de longue date avec les habitants du Labrador, Mme Procter a intégré des centaines d'heures d'histoire orale, dont une grande partie a été recueillie durant le projet et d'autres provenant de récits publiés. Elle les a habilement combinées à des recherches archivistiques approfondies, notamment dans les archives de l'International Grenfell Association, qui a administré trois pensionnats à St. Anthony, Cartwright et North West River pour les NunatuKavut, et dans les archives de la Moravian Church of Labrador, qui a administré des pensionnats à Makkovik et Nain pour les Inuits. Ses efforts ont abouti à un livre qui présente divers points de vue et expériences individuelles des anciens élèves. Chaque pensionnat a sa propre histoire, en particulier chez les Moraviens, qui ont été les premiers à construire des écoles dans le nord du Labrador au XVIIIe siècle.
L'engagement de Proctor à écouter les anciens élèves donne vie à ce livre grâce à leurs voix individuelles qui nous renseignent sur la cruauté et la gentillesse, le travail et la camaraderie. Des dizaines de photographies, dont beaucoup proviennent des archives de Them Days à Happy Valley-Goose Bay, illustrent le rôle énorme de ces établissements d'enseignement au Labrador. Les efforts d'inclusion de Procter permettent une représentation respectueuse de ses informateurs en tant qu'enfants dans les écoles, et en tant qu'adultes donnant un sens aux expériences déterminantes de leur vie. Les recherches approfondies menées dans les archives du Labrador, de Terre-Neuve, du Canada et d'autres pays font ressortir les différences entre les Moraviens et la Grenfell Association dans leur approche de l'éducation. Les Innus, dont beaucoup étaient catholiques ou connaissaient bien le catholicisme, choisissaient d'envoyer leurs enfants à l'orphelinat Mount Cashel de St. John's ou à l'école dirigée par Grenfell à North West Arm. Sensible aux traditions autochtones d'éducation des enfants, ce livre permettra aux lecteurs d'apprécier les défis et la résilience de ces Inuits, Innus et NunatuKavut soumis à une philosophie d'éducation plus punitive. Bien qu'il porte spécifiquement sur les pensionnats du Labrador et de Terre-Neuve, ce livre est aussi une description évocatrice des peuples autochtones de la province, en particulier sur leurs propres territoires au Labrador, et mérite un lectorat plus large des histoires qu'il raconte et les nuances qu'il exprime. Il peut également servir d'exemple à d'autres personnes qui s'engagent à collaborer de manière respectueuse afin de permettre aux peuples autochtones, dans ce cas avec des perspectives culturelles diverses, de transmettre leur compréhension de leur propre vie d'une manière qui constitue un modèle de recherche collaborative rigoureuse.
Québec
Daniel Horner, Taking it to the Streets. Crowds, Politics and the Urban experience in Mid-Nineteenth Century Montreal. McGill-Queen's University Press, 2020.
L’ouvrage de Dan Horner est méritoire à maints égards. D’abord, par son approche renouvelée de sources d’archives connues et moins connues, il nous présente comment ces documents témoignent des sensibilités politiques de l’époque. Ensuite, en plaçant la rue comme espace politique et culturel, il insère dans la trame même de la ville l’expression et la négociation des perceptions diversifiées de l’époque. La rue devient alors le lieu d’ancrage dans l’espace montréalais des manifestations des enjeux de société que reflètent ces interactions. Finalement, sa réflexion contribue également, par son approche renouvelée, à mieux cerner le rôle de la violence dans cette décennie cruciale pour le passage à l’État libéral moderne que sont les années 1840. En somme, il nous permet de saisir l’esprit d’un mouvement, l’esprit d’un temps.
Ontario
Brittany Luby. Dammed: The Politics of Loss and Survival in Anishinaabe Territory. Winnipeg: University of Manitoba Press, 2020.
Dans cet ouvrage important et convaincant, l'historienne Brittany Luby invite le lecteur à porter son regard sur le territoire anishinaabe de Niisaachewan, situé au confluent de la rivière Winnipeg et du lac des Bois. Elle insiste pour que nous réexaminions les récits du développement et de la prospérité du Canada d'après-guerre, pour que nous considérions les colons qui voyaient la région comme une ressource à exploiter commes des acteurs périphériques, et les Anishinabeg, qui estimaient le monde naturel et qui tentaient de considérer les nouveaux arrivants comme des partenaires dans le maintien de leur patrie dans le présent et pour les générations futures, comme les acteurs principaux. Dans une série de chapitres qui s'appuient sur des archives orales et écrites dont l’auteure se sert habilement, le livre explore les impacts en « cascade » du développement hydroélectrique sur une communauté qui vivait à la fois en amont et en aval des barrages, lesquels, en un siècle, ont réduit les possibilités de maintenir les moyens de subsistance et d’existence sur ces lieux. Tout au long de l'ouvrage, Luby décrit les perturbations qui deviennent évidentes lorsque nous contemplons cette histoire, comme Luby insiste que nous le fassions, bien ancrés dans le territoire des Anishinaabe de Niisaachewan et en relation avec celui-ci. Autre point tout aussi important, Luby garde le lecteur centré sur les multiples réponses des hommes et des femmes anishinaabe à ces perturbations - leurs stratégies adaptatives de survie familiale, leurs efforts pour œuvrer avec les nouveaux arrivants non autochtones et leurs institutions, et diverses formes de résistance. Dammed raconte l'histoire importante d'un siècle de réponses créatives - certaines contrecarrées et minées par une société coloniale indifférente et exploiteuse - et, ce faisant, commémore la force de la nation anishinaabe de Niisachewan.
Les Prairies
L. K. Bertram, The Viking Immigrants: Icelandic North Americans. Toronto: University of Toronto Press, 2020.
Viking Immigrants explore l'histoire culturelle « tridimensionnelle » des immigrants islandais en Amérique du Nord, dont la plupart se sont installés dans les prairies canadiennes au cours du dernier quart du XIXe siècle et ont établi des liens avec d'autres communautés d'immigrants islandais à travers le Canada et les États-Unis. Les immigrants se sont forgé une nouvelle identité dans le but de s'intégrer à leurs nouvelles communautés nordaméricaines, en utilisant l'imagerie héroïque des Vikings et la compatibilité raciale scandinave pour faire oublier leur statut d’immigrant. La culture quotidienne qui en a résulté, faite de gâteaux, de café, d'histoires de fantômes et de statues vikings, était, pour citer un macaron de Gimli, « fabriqué au Canada avec des pièces islandaises ». Le livre explore en particulier la nature sexuée de la migration et apporte des contributions substantielles à l'histoire du vêtement et de l'alimentation, laissant aux lecteurs des images du merveilleux gâteau rayé connu sous le nom de vinarterta et de la recherche frustrante et amusante dans toute l'Islande du fameux gâteau introuvable.
L'auteure, L. K. Bertram, a effectué des recherches approfondies sur les sources documentaires en islandais et en anglais, ainsi que sur la culture matérielle, en utilisant les méthodes de l'histoire sociale et de l'ethnographie pour explorer le monde multisensoriel des immigrants islandais et de leurs descendants. Rédigé de manière captivante, ce livre trace de nouvelles voies dans les domaines de l’histoire culturelle, de l'immigration et transfrontalière, pour pouvoir entamer des conversations avec les communautés d'origine. Viking Immigrants nous aide à comprendre la construction des communautés des Prairies qui ont travaillé aux côtés des Premières nations voisines, d’autres communautés d'immigrants et des élites anglophones, tout en se distinguant d'eux. Il transcende les catégories des prairies, du genre, de l'ethnicité et de la classe sociale pour offrir une analyse très convaincante et à multiples facettes de l'expérience islandaise au Canada.
Prix honorifique
Doug Cass, les archives Glenbow
De nombreux historiens conviennent que les archives qu’il préfèrent sont celles du Glenbow. Doug Cass a beaucoup contribué à y créer un environnement chaleureux et accueillant. Il s'intéressait sincèrement aux travaux des chercheurs et nous aidait toujours à trouver des sources qui enrichissaient et élargissaient notre travail. Sa connaissance des collections était inégalée. Une heure avec Doug valait une journée entière de travail dans d'autres archives. Pendant plusieurs décennies, il a conseillé des chercheurs travaillant dans des domaines très variés, notamment l'histoire du pétrole, du travail et de la classe ouvrière, des peuples autochtones, de la Police montée du Nord-Ouest, de l'agriculture, de l'élevage, de la politique, des chemins de fer, des femmes et du genre, et bien d'autres encore. Nous le remercions pour son acquisition énergique de manuscrits, de photographies et d'autres documents d'archives qui ont fait du Glenbow un lieu extraordinaire pour la recherche sur l'Ouest canadien. Alors que les heures d'ouverture de la bibliothèque étaient réduites et que les budgets du personnel étaient menacés, Doug a continué à défendre avec professionnalisme la bibliothèque et les archives, ainsi que les liens inhérents entre toutes les collections. Il nous manquera, ainsi qu'au Glenbow, mais nous lui souhaitons la meilleure des chances dans sa retraite bien méritée et espérons que son héritage se perpétuera dans le nouveau cadre de l'Université de Calgary.
Lara Campbell, A Great Revolutionary Wave: Women and the Vote in British Columbia. (Vancouver: UBC Press, 2020)
A Great Revolutionary Wave est une analyse captivante et richement texturée des luttes des femmes pour l'égalité politique en Colombie-Britannique qui redéfini notre compréhension des mouvements pour le suffrage des femmes dans cette province tout en approfondissant son historiographie politique, sociale et de genre. Campbell réfute de façon convaincante l'idée que les campagnes pour le suffrage des femmes en Colombie-Britannique étaient exclusivement menées par des réformateurs blancs de la classe moyenne, en soulignant les contributions des individus et des groupes de la classe ouvrière, des indidivus racialisés en marge de la société, des socialistes et des conservateurs. Et en « élargissant le suffrage » au-delà de 1917 (date à laquelle un grand nombre de femmes de la Colombie-Britannique, mais pas toutes, ont obtenu le droit de vote pour la première fois), elle démontre astucieusement que les droits des femmes ont varié de façon critique en raison des politiques gouvernementales d'exclusion fondées sur la race et l'ethnicité. Tout au long de son ouvrage, Campbell demeure remarquablement sensible aux nuances de la région et du lieu, démontrant comment l'activisme politique des femmes pour le vote et d'autres droits a été influencé par des mouvements similaires ailleurs dans le monde, sans être simplement une reproduction de ceux-ci, un activisme qui a pris une forme différente dans les communautés de la Colombie-Britannique.
Le prix Clio-Nord n'a pas été attribué cette année.
Le prix John-Bullen - 2021
Bocar Niang
Bocar Niang
L’étude sur la radiodiffusion de masse de Bocar Niang est une importante réflexion sur la rôle dominante de ce média dans la construction de l’autorité de l’État et de l’idéologie officielle de la négritude dans l’histoire du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest. De l’introduction de la radio en 1939 par la France, en passant par la période d’indépendance et jusqu’aux années 1970 où se développe un socialisme africain, la radio a été un outil stratégique et incontournable dans le développement de la vie politique du pays et dans affirmation de l’autorité du pouvoir en place. Toutefois, comme le démontre Niang, au Sénégal, la propagande a une trajectoire particulière et a subi d’importantes transformations. Dans le contexte postcolonial, où l’idéologie officielle favorise l’oralité et l’utilisation des langues nationales, le rôle de la radio va au-delà des préoccupations propagandistes et Niang démontre de façon convaincante que la radio a eu plusieurs fonctions dans la formation de l’opinion publique.
Par une étude détaillée des archives sonores de la Radiodiffusion-Télévision du Sénégal (RTS), des archives de l’Association colonies-sciences conservées à la Bibliothèque nationale de France, de plusieurs journaux et à l’aide de nombreuses entrevues orales menées auprès d’anciens animateurs de la première radio française africaine, Niang offre une nouvelle perspective sur le rôle joué par les médias dans la politique postcoloniale. Son intervention dans l’histoire de la négritude offre un point de vue novateur sur le développement de l’idéologie postcoloniale et sur la révolution culturelle de l’Afrique noire. Sa thèse est stimulante et provocante à plusieurs égards. D’actualité à l’ère du mouvement Black Lives Matter, cette thèse démontre l’importante intersectionnalité de la critique politique, culturelle et intellectuelle dans le rejet et le combat contre l’assimilation culturelle.
Écrite de façon claire, cette thèse contribue de manière importante à l’historiographie du Sénégal et de l’Afrique française ainsi qu’aux études postcoloniales. C’est un modèle exceptionnel d’une thèse et le comité a considéré cette thèse comme la plus méritante pour la Prix John-Bullen en 2020.
Le prix du meilleur livre savant en histoire canadienne de la SHC - 2021
Brittany Luby
Dans Dammed : The Politics of Loss and Survival in Anishinaabe Territory, Brittany Luby offre une illustration vivante et opportune de l'héritage concret du colonialisme de peuplement sur les corps, les terrritoires et les vies des peuples autochtones. Son analyse de la région du Traité 3, dans le nord-ouest de l'Ontario, est centrée sur une zone généralement considérée comme périphérique, tant dans les décisions officielles que dans les études historiques. Le portrait du développement hydroélectrique d'après-guerre qui en résulte remet fortement en question le récit dominant de la prospérité universelle du Canada après la Seconde Guerre mondiale. Le livre est captivant et accessible, il s'appuie sur des recherches approfondies et abondantes de sources orales et écrites, et apporte des contributions importantes à l'histoire de l'environnement et l’histoire des femmes et aux études autochtones. En cours de route, Luby révèle les nombreuses façons dont les Anishinabeg de la réserve indienne Dalles 38C (qui ont appuyé cette recherche) ont vu leur propre capacité à prospérer économiquement constamment minée par des efforts visant à accroître la prospérité des non-Autochtones ailleurs dans la région. Comme l'écrit Lorraine Cobiness, chef de la nation anishinaabe de Niisaachewan, dans l'introduction : « Lorsque nous enseignons l'histoire, nous construisons un terrain commun pour le processus de réconciliation. » Pour cette raison, Dammed ne représente pas seulement une érudition exemplaire, mais mérite d'être lu et médité par des publics allant bien au-delà de la communauté historique.
Brittany Luby, Un engagement envers la Société historique du Canada et la nation niisaachewan anishinaabe (en anglais).
Finalistes
Heidi Bohaker, Doodem and Council Fire, Anishinaabe Governance through Alliance (University of Toronto Press for The Osgoode Society, 2020)
Paul-André Dubois, Lire et écrire chez les Amérindiens de la Nouvelle-France (Les Presses de l’Université Laval, 2020)
Patrizia Gentile, Queen of the Maple Leaf: Beauty Contests and Settler Femininity (UBC Press, 2020)
Eric W. Sager, Inequality in Canada: The History and Politics of an Idea (McGill-Queen's University Press, 2020)
Le prix du livre en histoire autochtone - 2021
Brittany Luby
Brittany Luby, Dammed: The Politics of Loss and Survival in Anishinaabe Territory. University of Manitoba Press, 2020.
Depuis le territoire Anishinaabe, Dammed : The Politics of Loss and Survival in Anishinaabe Territory est un examen perspicace et éclairant du boom hydroélectrique canadien du XXe siècle. Se déroulant sur le territoire du Traité n° 3, Brittany Luby nous montre que la prospérité d'après-guerre des Canadiens non autochtones reposait sur l'exploitation des ressources autochtones, telles que l'eau et l'hydroélectricité. En se concentrant sur la Nation anishinaabe de Niisaachewan (également connue sous le nom de Première nation Dalles 38C), située entre le barrage de Norman et la centrale de Whitedog Falls, elle démontre que le développement et la croissance économique d'après-guerre tant célébrés par de nombreux Canadiens non autochtones ont entraîné un déclin précipité du niveau de vie dans la réserve. Destinés à servir les priorités et l’éonomie non autochones, les gouvernements et les promoteurs n'ont pas consulté les peuples Anishinaabe, les gardiens des eaux et des terres environnantes. Les centrales hydroélectriques ont détruit les économies, la santé et les relations des Autochtones avec le territoire. Les projets hydroélectriques ont modifié les niveaux d'eau et l'écologie, diminué le nombre de poissons et de manomin (à la fois ressources et parents pour les Anishinaabeg), et permis le déversement de méthylmercure dans la rivière.
Luby s'appuie largement sur des histoires orales, des documents d'archives et des observations environnementales. Comme le recommandent les aînés de la Nation anishinaabe de Niisaachewan, elle utilise la méthodologie autochtone de la « présence » - être sur place et développer des relations avec tous les êtres, y compris la flore, la faune et les gens. Elle montre que les Anishinaabeg n'ont pas eu une réponse unique à la colonisation de leurs foyers et retrace comment ils se sont adaptés, ont coopéré et résisté passivement à l'occupation non autochtone par des stratégies individuelles, familiales et communautaires. Son portrait nuancé de la résistance autochtone au développement hydroélectrique est un puissant appel à tous les peuples non autochtones vivant dans la zone géographique que l'on appelle aujourd'hui le Canada à réfléchir sur les avantages continus tirés de la dépossession passée et présente, et sert de leçon aux générations futures sur la valeur de leurs domiciles et sur la façon de naviguer dans un avenir changeant.
#cdnhist #twitterstorians #HistoryMatters #historiens Félicitations aux https://t.co/fUCPwsW1a9. des prix 2022 !… https://t.co/v4sMDIiqHK
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