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Réflexion sur les manuels d’histoire (un blogue en deux parties) – 2e partie

Penny Bryden

Dans mon dernier blogue, j’ai parlé de mon ambivalence à propos de l’utilisation de manuels dans mes cours et de la façon dont ils peuvent devenir comme du papier peint dispendieux pour un cours.

Malgré ces préoccupations, j’ai eu une expérience un peu plus heureuse en les rédigeant. C’est en partie parce que la réflexion sur la façon de présenter une vue d’ensemble m’a offert une occasion stimulante sur le plan intellectuel, mais c’est aussi parce que l’idée de ce qui constitue un manuel scolaire a changé au cours des trente années et plus depuis que j’ai fait mes études de premier cycle. Google et Wikipedia y sont pour beaucoup. Auparavant, un manuel scolaire offrait un récit global d’un espace – généralement une nation, mais pas toujours – qui présentait la façon (ou une façon) d’assembler les pièces du casse-tête. C’était un outil qui donnait aux étudiants un moyen de retracer l’évolution de la politique, de la justice sociale et de la culture. Mais il y a tellement d’autres façons de le faire maintenant : Google vous permet de savoir facilement si c’est George III ou George IV qui était roi au 18e siècle, ou quand les peuples autochtones ont obtenu le droit de vote au Canada, ou quand la guerre du Kippour Yom a eu lieu. Ainsi, au moins une partie du travail traditionnel d’un manuel scolaire se fait plus facilement et certainement à moindre frais avec d’autres outils maintenant.

Cela signifie que le manuel peut devenir quelque chose d’un peu différent – un peu plus original, un peu plus spécialisé, un peu plus réfléchi.  Si nous partons de l’hypothèse qu’il est possible d’obtenir une vue d’ensemble ailleurs, par exemple en classe ou en ligne, alors le manuel que les élèves doivent lire peut servir à leur rappeler qu’il existe d’autres façons d’assembler les pièces du puzzle d’un récit national (ou régional, ou thématique, ou un point d’actualité).

C’était au moins une partie du principe sous-jacent de deux projets de manuels auxquels j’ai participé.  Le premier, Visions, a été conçu pour : offrir une introduction à diverses périodes ou thèmes de l’histoire du Canada ; donner un aperçu du débat historiographique sur ces périodes ou thèmes ; ainsi que pour offrir quelques exemples de documents primaires pertinents se rapportant à ces périodes ou thèmes. Il n’était pas question ici d’offrir une interprétation globale de l’histoire du Canada, comme les manuels d’histoire d’antan ; il a été conçu pour compléter cet aperçu par des sections interchangeables (parce que la véritable innovation de Visions est que les enseignants des cours peuvent mélanger ou apparier les « modules » qu’ils incluent dans leur version du texte, ce qui en fait une sorte de mélange entre un manuel scolaire et une trousse de cours). Visions a donc adopté une structure différente de celle d’un manuel scolaire traditionnel et a été conçu pour être utilisé un peu différemment en classe. Il a encouragé le débat, tant sur le plan historiographique que documentaire, tout en donnant un bref aperçu du mouvement pour les droits des homosexuels, de la Confédération ou de l’industrialisation au Canada.

Le deuxième projet de manuel a suivi une structure plus commune. En rédigeant Canada: A Political Biography,  j’ai été mise au défi de produire un aperçu de l’histoire politique du Canada, depuis ses tous débuts jusqu’à tout récemment. Mais là aussi, mon malaise de longue date au sujet des manuels scolaires m’a poussé à essayer d’offrir quelque chose d’un peu différent.  Dans ce cas-ci, j’ai essayé d’utiliser des personnages individuels pour ancrer mon analyse, plutôt que d’utiliser la chronologie à cette fin.  Le résultat est une série de mini-biographies (plus d’une centaine, si je me souviens bien), qui, collectivement, offrent une vue d’ensemble de l’histoire politique, mais en aucun cas une vue d’ensemble exhaustive.

Au final, même si je sais qu’il y a des faiblesses et des lacunes dans ces deux projets, je pense que les rédacteurs de manuels scolaires reconnaissent de plus en plus l’impossibilité d’être exhaustifs.  Abandonner cette aspiration permet à la forme du manuel de se transformer en projets comme ceux auxquels j’ai participé, ou d’autres comme Death in the Peaceable Kingdom de Dimitry Anastakis qui suivent une voie différente vers le passé.  J’ai toujours une relation un peu paradoxale d’amour-haine avec le manuel scolaire, mais j’aime les possibilités qu’il offre.