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L’Enseignement de l’histoire canadienne après la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) I

Publié le le 2 mars 2020

Allyson Stevenson[1]

Lorsque j’ai commencé à rédiger ce blogue le 29 janvier, je venais de retourner à mon bureau à l’Université de Regina après avoir partagé mes recherches dans un panel inspirant de femmes leaders influentes des Premières nations sur le territoire du Traité 4, dont la chef Lynn Acoose, la chef Roberta Soo-Oye Waste, la Dre Priscilla Settee et l’aînée dakota Diane McKay. « The Indigenous Women’s Leadership Forum : Reclamation of Matriarch and Ogijidaakew Sovereignty », s’est articulé autour de la récupération des rôles et des responsabilités des femmes autochtones en tant que matriarches dans leurs familles, leurs communautés et leurs nations par le biais de récits, de visites et d’inspiration mutuelle. Cette conférence faisait suite, mais n’était pas liée, à un autre événement fascinant d’une journée entière à l’Université des Premières Nations du Canada (FNUniv), organisé par l’Association des étudiants de la FNUniv, en réponse au comportement déplorable de George Elliot Clarke et de l’Université de Regina.[2]  Conçu à l’origine par un groupe appelé « Matriarchs on Duty », l’événement a eu lieu le jeudi 26 janvier, soit la même date à laquelle George Elliot Clarke avait planifié donner son discours mal conçu « Truth and Reconciliation » versus « the Murdered and Missing : Examining Indigenous Experiences of (In)Justice in Four Saskatchewan Poets ». Le tout a débuté par une cérémonie du calumet, suivie d’une marche de reconnaissance sur le campus de l’Université de Regina, puis d’une série de dialogues sur la relation entre l’Université de Regina et les peuples autochtones de la communauté.[3]  La controverse a fait la une des journaux nationaux lorsque Clarke a d’abord refusé de modifier le sujet de son discours, ou de répondre aux préoccupations soulevées par le corps enseignant, le personnel et les membres de la communauté autochtone.  Plusieurs membres de la communauté universitaire de Regina ont très tôt identifié la relation problématique entre Clarke et Steven Kummerfield/Stephen Brown, et la décision de Clarke de s’exprimer sur cette question à Regina.[4]

Il peut sembler étrange de commencer un blogue sur l’enseignement de l’histoire canadienne par cette histoire. Il pourrait également sembler étrange que j’écrive un blogue sur l’histoire du Canada, étant donné que je n’enseigne même pas dans un département d’histoire. En fait, j’ai plutôt délibérément choisi que ma chaire de recherche du Canada sur les peuples autochtones et la justice sociale mondiale soit au sein du département de politique et d’études internationales lorsque j’ai commencé à l’Université de Regina en janvier 2018.

Mais je vous prie d’être quelque peu patient. Je crois avoir quelque chose d’utile à offrir.

J’espère que mon article permettra aux lecteurs de considérer les liens qui existent entre les expériences vécues par les étudiants, les professeurs et le personnel indigènes et notre travail au sein des murs des établissements d’enseignement supérieur. Par le biais de ce blogue, je veux partager avec mes amis et collègues de la SHC – et avec les lecteurs de ActiveHistory – un peu de mon point de vue à tire de résidente de longue date de la Saskatchewan, tant en milieu rural qu’urbain, et comme Métis adoptée, qui a renoué contact avec sa communauté d’origine. Et bien sûr, en tant qu’historienne canadienne.

Ce texte s’appuie sur le blogue en trois parties rédigé par Carmen Nielson, qui a guidé les lecteurs dans ses efforts pour décoloniser son cours magistral sur l’histoire du Canada d’avant la Confédération.[5]  Elle s’est d’abord rendu compte que son approche pédagogique était problématique lorsqu’un étudiant métis s’est approché d’elle et lui a dit : « J’ai l’impression d’être colonisée dans ce cours ».[6]  Ce n’est qu’après l’affirmation de cette courageuse étudiante que la Dre Nielson a commencé à réfléchir à son rôle et, par la suite, à modifier sa façon d’enseigner et de comprendre l’histoire du Canada.

Avons-nous tous été colonisés par l’histoire du Canada ?

L’été dernier, en août 2019, le groupe de travail de la Société historique du Canada sur la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a publié « Un plan de cours pour l’histoire après la CVR ».[7]  Créé en 2017, le plan de cours du groupe de travail est l’un des efforts de la société pour aider ses membres à incorporer les travaux importants des histoires autochtones écrites au cours des dernières décennies.[8]

Des organisations professionnelles telles que la SHC et l’Association canadienne de science politique, ainsi que des groupes communautaires tels que Black Lives Matter et Standing with Standing Rock, agrègent ces plans de cours pour aider les individus à gérer les conflits litigieux et à comprendre l’oppression continue des peuples autochtones et marginalisés dans une société issue du colonialisme. Des ouvrages importants de la littérature de résistance, des cadres théoriques critiques et des travaux historiques de voix marginalisées sont mis en évidence dans le noble but d’éduquer les lecteurs. Ces documents très importants aident les individus à intégrer du contenu autochtone dans les cours. Ils vont au-delà de l’inclusion de sujets familiers axée sur des événements historiques.

Cependant, je tiens à souligner que c’est la voix de l’étudiant métis qui a provoqué le changement de perspective et la prise de conscience de la Dre Nielson. C’est au niveau du cœur, et non de la tête, que la nature coloniale de notre discipline a fait surface.

Comment savons-nous ce que nous savons ?

Je pense qu’il est important à ce stade de souligner que, dans les cinq années qui ont suivi l’achèvement de la CVR et des 94 appels à l’action, des preuves continues et implacables ont clairement démontré que ceci constituait plus qu’un « sombre chapitre ». La violence et la tendance génocidaire du système des pensionnats se poursuivent au Canada. Ceci n’est pas nulle part ailleurs plus évident qu’ici, dans ma propre cour de la Saskatchewan. Je dis cela non pas pour encourager une attitude pédante de la part de ceux qui habitent à l’extérieur de cette province, mais pour illustrer que le projet qui a débuté bien avant la Confédération a été conçu à l’extérieur de nos territoires. Il continue de nous hanter de sorte que nous ne pouvons pas nous en détourner. Comment les historiens canadiens vont-ils tenir compte de la disparition et de l’assassinat de femmes et de filles autochtones et des bispirituels, tout en tenant compte des conséquences dévastatrices de la rafle des années soixante ?  Il existe des recours collectifs intentés par les peuples des Premières nations qui ont été lésés par le système médical, que ce soit dans les hôpitaux « indiens » ou les sanatoriums pour tuberculeux. Les enfants autochtones sont surreprésentés dans les systèmes de protection de l’enfance au Canada. Les organismes de services à l’enfance et à la famille dans les réserves sont systématiquement sous-financés, ce qui a été considéré comme une violation des droits de l’enfant des Premières nations. Aujourd’hui, nous sommes également confrontés à une crise nationale de recours abusif à l’incarcération de détenus autochtones. Tout comme le recours collectif contre les pensionnats qui a mené à la Convention de règlement, les litiges fondés sur l’expérience de préjudices collectifs reposent sur la formulation de politiques gouvernementales historiques par des survivants autochtones contemporains comme des blessures à une catégorie, mais ne fournissent pas de cadre analytique pour comprendre les liens historiques qui lient ces politiques entre elles, ou les contextes historiques spécifiques dont elles sont issues.  L’histoire du Canada ne dispose pas d’une analyse adéquate pour rendre compte de la place historique et actuelle des peuples autochtones en tant que peuples distincts détenteurs de droits, avec des garanties dans la Loi constitutionnelle de 1982. Mais au-delà de nos droits, est-ce que la loi tient compte des expériences vécues par les Premières nations et les Métis, pour qui ces deux questions sont, et ne sont pas, des questions théoriques ?

[1] Je tiens à remercier le comité d’enseignement de la SHC, Jo McCutcheon, Danielle Kinsey et Carly Ciufo, pour leurs encouragements et leurs commentaires utiles dans la préparation de cet article.
[2] https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/pamela-george-elliott-clarke-lecture-1.5411701
[3] https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/matriatchs-on-duty-hosting-regina-event-1.5437425
[4] https://www.theglobeandmail.com/canada/article-george-elliott-clarke-cancels-talk-at-university-of-regina-amid/
[5] https://cha-shc.ca/fr/enseigner/blogue/la-narrative-perturbante-des-colonisateurs-dans-le-cours-dintroduction-a-lhistoire-du-canada-davant-la-confederation-ce-que-jai-appris-1e-partie-2019-09-30.htm
[6] https://cha-shc.ca/fr/enseigner/blogue/la-narrative-perturbante-des-colonisateurs-dans-le-cours-dintroduction-a-lhistoire-du-canada-davant-la-confederation-ce-que-jai-appris-1e-partie-2019-09-30.htm
[7] https://cha-shc.ca/fr/cvr/un-plan-de-cours-pour-lhistoire-apres-la-cvr
[8] Adele Perry, Les dix dernières années : ActiveHistory et l’enseignement de l’histoire du Canada depuis 2008. https://cha-shc.ca/fr/enseigner/blogue/les-dix-dernieres-annees-activehistory-et-lenseignement-de-lhistoire-du-canada-depuis-2008-2020-01-09.htm

Dans la deuxième partie de mon blogue, j’aborderai la nature de la structure de la relation entre les Autochtones et la société issue du colonialisme de peuplement et la façon dont nous pouvons envisager un avenir différent.