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Enseigner l’histoire des femmes au Canada à un groupe d’étudiant.e.s pluridisciplinaires à l’aide d’un roman historique

Cela fait quelques années que je n’ai pas donné de cours sur l’histoire des femmes au Canada au XIXe siècle. La dernière fois était en 2016. Lorsque j’ai envisagé la façon dont j’aimerais enseigner le cours cette fois-ci, j’ai décidé de me pencher fortement sur une exploration comparative de travaux d’historien.ne.s universitaires et d’œuvres de fiction historique bien documentées. C’est une approche que j’ai occasionnellement utilisée dans le passé, et j’ai remarqué qu’elle fonctionne bien dans un cours où les étudiant.e.s proviennent d’une grande variété de disciplines et d’expériences personnelles. Cette année, moins de 20 % des étudiant.e.s de mon cours sont inscrit.e.s à la majeure ou la mineure en histoire. La plupart des étudiant.e.s n’ont jamais suivi des cours d’histoire. Au moins un quart de ceux/celles-ci sont nouvellement arrivé.e.s au Canada et ont une connaissance limitée de l’histoire du Canada. Dans ce contexte, trouver des moyens de piquer la curiosité et l’esprit critique de ces étudiant.e.s  au sujet des représentations de la vie des femmes dans le passé est un défi particulier.

 

Mon approche consiste à enseigner aux étudiant.e.s ce que font les historien.ne.s universitaires des femmes : quels types de questions posons-nous, quels types de sources consultons-nous, et comment utilisons-nous ces sources pour en tirer des informations et des idées ? Nous parlons des limites et des défis liés à l’écriture de l’histoire. Nous examinons les sujets pour lesquels les sources primaires sont exceptionnellement difficiles à trouver, parce qu’ils étaient tabous ou parce qu’ils n’intéressaient pas ceux qui tenaient les registres. Nous examinerons ensuite comment les auteur.e.s de roman historique ont tenté de donner vie au passé, en allant là où les historien.ne.s guidés seulement par les documents historiques sont plus réticent.e.s à explorer.

Je vais vous donner un exemple de la façon dont je démontre comment le travail des historien.ne.s et les œuvres de fiction historique se rejoignent dans ce cours. Les œuvres de fiction que j’utilise comprennent des films, et je trouve qu’ils fonctionnent exceptionnellement bien pour attirer les étudiant.e.s au début du semestre. Je combine des sections de Ties de Sylvia Van Kirk : Women in Fur Trade Society 1670-1870 de Many Tender avec Ikwe, puis les 20 premières minutes de Mistress Madeleine, le premier et le deuxième des trois films de la série Daughters of the Country de l’Office national du film. L’étude de Van Kirk (1983) a été publiée trois ans avant Ikwe et Mistress Madeleine (tous deux en 1986), et les films témoignent clairement de l’influence de Van Kirk. Les films sont des productions intéressantes et bien documentées qui s’efforcent d’aborder une variété de thèmes associés aux mariages entre autochtones et européens à la manière du pays. Les relations de pouvoir, la dynamique sociale interculturelle, la place de l’agence dans l’histoire sociale et la question difficile des émotions sont toutes illustrées avec soin dans ces films. Ils nous permettent d’avoir des conversations sur les hommes en tant que personnages à multiples facettes dans ces scénarios ainsi que sur les femmes, qui ont tendance à être des sujets d’empathie beaucoup plus faciles pour les étudiant.e.s en histoire des femmes. Les films fournissent du matériel pour une discussion sur l’utilisation des mots et du langage, alors que nous déconstruisons le racisme dont font preuve les personnages blancs lorsqu’ils parlent des autochtones et des métis, et que nous contemplons la signification du fait que la majeure partie d’Ikwe est en Anishinaabe, avec des sous-titres en anglais. Le fait de parler de ces œuvres conjointement nous offre également un point de départ pour examiner la façon dont l’écriture de l’histoire des femmes a évolué au cours des quatre dernières décennies. L’une des conclusions que les étudiant.e.s ont tendance à tirer à ce sujet est que le livre et les films indiquent que des personnes réfléchissaient avec sensibilité et perspicacité à la place des femmes dans l’histoire il y a quarante ans, ce qui peut être une leçon utile en soi !

Le dernier travail du cours consiste en une œuvre de création littéraire fortement étayée par des recherches universitaires, accompagnée d’un document substantiel dans lequel l’étudiant.e explique ses objectifs, les méthodes utilisées et les recherches effectuées lors de la création de son œuvre de fiction. Ma notation du devoir porte davantage sur le document de « production » que sur le produit créatif, car le cours ne prévoit pas beaucoup de temps pour aider les étudiant.e.s à acquérir des compétences en matière de création littéraire, et parce que je ne suis pas la meilleure personne pour enseigner ces compétences de toute façon. Mais le travail a tendance à être amusant et, en général, les étudiant.e.s sortent de cette expérience satisfait.e.s de leurs résultats et doté.e.s d’une compréhension et d’une appréciation bien plus grandes de la manière dont les œuvres d’histoire sont produites.

Note : Les étudiant.e.s, enseignant.e.s et professeur.e.s qui souhaitent mieux comprendre comment utiliser le film comme source primaire (ou secondaire) peuvent trouver ce site utile : http://historymatters.gmu.edu/mse/film/.

Lisa Chilton
Département d’histoire
Programme appliqué de communication, de leadership et de culture
Université de l’Île-du-Prince-Édouard