Récent.e.s lauréat.e.s
Le prix François-Xavier-Garneau
Gérard Bouchard, Quelques arpents d’Amérique : population, économie, famille au Saguenay, 1838-1971. Montréal, Les Éditions du Boréal, 1996.
Ce livre constitue une contribution unique et exceptionnelle à l’histoire du Québec, du Canada et de l’Amérique du Nord. Il représente la somme de plus de vingt ans de recherche sur la région du Saguenay et est l’une des plus importantes études démographiques à jamais avoir été entreprises au pays. Appuyant son analyse sur une base théorique complexe et savante, Gérard Bouchard réexamine et démolit un des clichés stéréotypés voulant que la société rurale québécoise soit homogène et distincte de ses voisins nord-américains par sa culture et sa nationalité. En analysant sur plusieurs générations les multiples stratégies utilisées par les grandes familles du Saguenay pour se léguer leurs biens, l’auteur trouve des ressemblances entre cette région et les autres contrées de l’Amérique du Nord. Une des conclusions d’importance qu’en tire Gérard Bouchard est que la société saguenayenne était plus égalitaire qu’on le croyait et que ce vernis d’égalitarisme n’a pas été égratigné par les tensions et les valeurs du XXe siècle. En reconstruisant méticuleusement la famille, en la considérant comme un important modèle paradigmatique et en replaçant la paysannerie saguenayenne dans le contexte nord-américain, Gérard Bouchard se retrouve au centre de débats d’interprétation et son livre suscitera l’intérêt des historiens non seulement du Québec et du Canada, mais aussi de ceux de l’Amérique du Nord. Rédigé avec élégance, Quelques arpents d’Amérique mérite hautement la Médaille François-Xavier Garneau.
Mentions honorables :
Jonathan Vance, Death So Noble: Memory, Meaning, and the First World War. Vancouver: UBC Press, 1997.
Cet excellent ouvrage d’érudition représente une importante contribution à la compréhension de la psyché canadienne au lendemain d’une horrible guerre. C’est le premier livre sur l’étude de la mémoire de la guerre à sortir de l’ornière des discours antibelligérants; il se fonde plutôt sur l’analyse des photographies, des journaux de guerre, des messages patriotiques, des romans populaires publiés à la tonne, des magazines à grand tirage, des monuments aux morts et de l’art populaire.
À partir de cette impressionnante liste de sujets d’étude, Jonathan Vance regarde comment s’est perpétuée l’expérience de la guerre et comment elle s’est construite dans la mémoire collective. Il conclut que la mémoire de la guerre s’est nourrie du «mythe» de la bravoure au combat, du sens du devoir et de l’honneur. Cette rationalisation a été nécessaire en temps de guerre pour entretenir le moral et l’engagement, et après la guerre, pour prouver que les sacrifices n’avaient pas été vains. Vance remarque toutefois que cet effort de créer un authentique passé «national» n’a pas été entièrement couronné de succès ni pendant ni après la guerre, puisque les tensions perdurèrent entre Canadiens français et Canadiens anglais. Clair, intéressant, agréable à lire et fermement ancré dans les études internationales sur le mythe et la mémoire, ce livre est une magnifique contribution à l’historiographie canadienne.
Bettina Bradbury, Working Families: Age, Gender, and Daily Survival in Industrializing Montreal. Toronto: McClelland & Stewart, 1993.
Bettina Bradbury nous présente ici une analyse originale et marquante des méthodes de survie des familles ouvrières au début de l’industrialisation de Montréal. Après avoir dressé le tableau des contextes économiques, sociaux et juridiques, l’auteure se penche sur l’économie familiale, s’intéressant au travail et au rôle de chaque membre de la famille dont la survie dépendait autant des salaires gagnés que du labeur officieux des femmes et des enfants. Bettina Bradbury nous trace un tableau convaincant de la vie quotidienne à Montréal vers la fin du XIXe siècle. Elle raconte de façon vivante comment les femmes, les hommes et les enfants surmontèrent ingénieusement leurs problèmes et comment ils contribuèrent à leur façon à l’industrialisation de Montréal. Cet ouvrage fondamentalement important est très fouillé et rédigé dans un style clair et convaincant.