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James Pritchard

Le prix Wallace-K.-Ferguson

2005

James Pritchard. In Search of Empire: The French in the Americas, 1670-1730. (Cambridge University Press, 2004)
Entre 1670 et 1730, la France a établi au moins quatorze colonies en Amérique : la Grenade, la Martinique, Marie-Galante, la Guadeloupe, Saint-Christophe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Sainte-Croix, Saint-Domingue, la Louisiane et l’Illinois, le Canada, l’Acadie, Plaisance et l’île Royale, ainsi que Cayenne (en Guyane). Cet immense empire de milliers de kilomètres, composé de populations hétérogènes et soumis à des climats d’une grande disparité, était d’une ambition stupéfiante et impossible à administrer, à défendre et à développer. C’est ce que démontre James Pritchard dans sa vaste synthèse qui embrasse la période des premières occupations et colonisations de territoire de l’empire français en Amérique. Cet empire naissant, souvent laissé sans défense, parcimonieusement peuplé et gouverné à l’aveuglette, s’est bâti dans l’incohérence. James Pritchard s’intéresse à l’empire, non pas seulement en tant qu’affirmation triomphante de la civilisation, mais surtout en tant que désir inassouvi de vanter l’ambition de la métropole. S’appuyant sur une recherche poussée, l’auteur a écrit une analyse et un texte minutieux portant principalement sur la population, le commerce, les relations interethniques et la défense maritime de l’empire (ou plutôt l’absence de défense). James Pritchard soutient en gros que ce sont les personnes et non les gouvernements qui ont construit les sociétés coloniales; selon lui, l’actuelle école de pensée voulant que les études consacrées aux empires et aux premiers contacts avec les Amériques soient basées sur le concept « des gènes, des germes et de la géographie » n’est qu’une mode. En 1730 encore, l’empire français en Amérique n’était toujours que squelettique, mais les nouvelles identités forgées par les rencontres entre les Européens, les Autochtones et les Africains étaient elles authentiques, distinctes l’une de l’autre et viables. Presque la moitié du livre est consacrée aux quelques rares moments où la France a réussi à fournir un appui militaire efficace pour défendre ses colonies. L’ouvrage de James Pritchard repose sur la collation approfondie de renseignements tirés de sources souvent contradictoires et il ouvre de nombreuses perspectives qui remettent intelligemment en question les idées reçues. L’auteur désillusionne tous ceux qui auraient toujours tendance à glorifier les empires, en leur montrant que le véritable legs de cet empire français presque entièrement dysfonctionnel fut les nouvelles cultures et sociétés humaines qu’il engendra.

Mentions honorables :
Dominique DeslandresCroire et faire croire. Les missions françaises au XVIIe siècle (1600-1650). (Paris, Fayard, 2003)
Comprendre le faire croire et les mécaniques de la foi constitue le redoutable défi que Dominique Deslandres a relevé avec bonheur dans la rigoureuse synthèse qu’elle vient de consacrer aux missions intérieures et coloniales de la France du XVIIe siècle. Menées sur plusieurs fronts car le salut n’a pas de frontière, de l’Amérique à l’Extrême-Orient en œuvrant aussi, bien sûr, auprès des « idolâtres baptisés » de France, les missions de conversion, voulues et mises en place par le roi et l’Église, cherchaient à ouvrir le païen, quel qu’il fût (l’Iroquois comme le Breton), à la foi du Christ, et ce au prix de toutes les stratégies rhétoriques disponibles. Au carrefour complexe et souvent paradoxal de la découverte de l’Autre et de la conversion contrainte, de la parole douce et invitante et du discours terrorisant de la damnation, les missions organisées en France comme en Amérique ont représenté, pour nombre d’ordres religieux, le sacrifice ultime d’une œuvre sainte offerte au Christ.
Dominique Deslandres choisit d’expliquer longuement le contexte français ? théorique de la réforme tridentine, pratique des missions intérieures ? avant d’exposer la dure christianisation des Indiens de la Nouvelle-France, choix méthodologique heureux pour une mise en contexte éclairée du travail de cette armée du Christ en Amérique. Signalant les missions protestantes trop souvent laissées pour compte par l’historiographie traditionnelle; expliquant les réflexions rédigées par les théoriciens comme par les praticiens des missions; posant avec éloquence et rigueur les chocs culturels vécus par les missionnaires comme par leurs ouailles : l’auteur tisse ? dans un croisement de sources souvent contradictoires ? une trame événementielle où les mutations se révèlent, et les succès et les échecs apparaissent et s’interprètent. Accompagné de documents d’archives, de cartes et d’une iconographie multipliant les perspectives d’analyse, Croire et faire croire introduit l’historiographie des missions dans une problématique originale de l’Autre en un livre clair, riche et indispensable aux chercheurs en histoire religieuse comme en histoire coloniale.

Robert VentrescaFrom Fascism to Democracy: Culture and Politics in the Italian Election of 1948 (Toronto: University of Toronto Press, 2004)
L’élection italienne du 18 avril 1948 a clairement marqué le passage de l’Italie d’un État fasciste à une république démocratique. Plus de 90 p. 100 des électeurs s’étaient alors prévalus de leur droit de vote et une majorité d’entre eux avait porté au pouvoir les démocrates chrétiens de centre droit. Ce résultat avait surpris de nombreux observateurs, qui s’étaient attendus plutôt à une victoire du Bloc du peuple, puisque celui-ci était formé des partis socialiste et communiste qui avaient dominé la scène politique depuis la chute de Mussolini. La gauche rejeta la responsabilité de sa défaite sur l’intervention des Américains et de l’Église catholique. Presque la moitié de l’électorat se montra mécontente de l’issue de l’élection. C’est ainsi que s’ancra fermement dans les mœurs électorales italiennes la tradition de former des gouvernements de centre droit instables tout en votant pour les communistes afin de protester contre la nature générale de la politique italienne.
Alors que des études antérieures ont fait ressortir l’aspect politique de cet événement, Robert Ventresca l’aborde plutôt comme un « artefact culturel ». Il a réalisé une synthèse des ouvrages déjà écrits sur le sujet, a mené ses propres recherches et a combiné le tout en recourant aux méthodes de l’histoire politique, religieuse, diplomatique et culturelle afin de produire une « histoire totale » de l’élection de 1948. Il la décortique selon une approche non seulement descendante, mais aussi ascendante, ce qui est encore plus impressionnant. Il tient compte de facteurs sociaux et psychologiques que personne n’avait encore examinés. Dans un des chapitres clés de son livre, Robert Ventresca se penche sur l’appel à la « religion localisée » et à la piété populaire que lancèrent les forces catholiques et il cherche à comprendre la signification des nombreuses apparitions de la Vierge Marie aux croyants durant la campagne préélectorale. Il montre que les Italiens ne devraient pas poser en victimes de l’issue de l’élection et de ses conséquences à long terme, car ce sont les électeurs moyens eux-mêmes qui ont déterminé les résultats du scrutin et défini pour les décennies ultérieures la nature de la culture politique italienne. Les Italiens méprisent sans doute la politique, mais ils la vivent avec passion, une constatation qui permet de comprendre la ténacité et la durabilité du système politique italien.