Récent.e.s lauréat.e.s

Les prix Clio
L’ATLANTIQUE
Renée N. Lafferty, The Guardianship of Best Interests. Institutional Care for the Children of the Poor in Halifax, 1850-1960.
Les institutions publiques et privées qui ont joué un rôle de gardien auprès des enfants pauvres d’Halifax étaient guidées par ce qu’elles croyaient être les « meilleurs intérêts de l’enfant ». Par contre, leur conception de ce qu’étaient ces « meilleurs intérêts » demeurait assez vague. Comme le démontre Renée N. Lafferty dans son excellent ouvrage The Guardianship of Best Interests, ce phénomène est très révélateur de l’évolution des perceptions envers l’enfance, les services sociaux et les professions œuvrant auprès des enfants. L’étude de Lafferty examine la création et la gestion des institutions pour enfants pauvres à partir du milieu du XIXe siècle jusqu’à leur fermeture un siècle plus tard. Ces institutions sont alors abandonnées au profit d’un système de familles d’accueil promu par la Société d’aide à l’enfance.
Grâce à une analyse dynamique et fort intéressante, l’auteure explore l’interaction entre ces institutions et leur milieu durant toute la période étudiée. Elle démontre que les institutions se souciaient peu de « sauver » les enfants des pires conditions de pauvreté. Il fallait d’abord et avant tout former des citoyens
« utiles et responsables » répondant ainsi aux attentes de la société. Pour atteindre les objectifs visés, les enfants étaient séparés en fonction fonction de leur âge, leur genre, leur religion et leur race. Confrontées à un sous-financement chronique, ces institutions ont malgré tout maintenu être à l’affut des meilleures méthodes professionnelles de soins aux enfants.
L’étude de Lafferty apporte une contribution importante à l’historiographie canadienne car elle jette un nouvel éclairage sur l’évolution des services sociaux offerts aux enfants. Des études antérieures soutiennent que l’on est passé d’un réseau d’institutions peu efficaces et souvent néfastes dirigées par des amateurs à un système professionnel de familles d’accueil bien encadrées par des spécialistes du travail social. Lafferty remet cette thèse en question et démontre que les autorités d’Halifax et de la Nouvelle-Écosse avaient développé depuis longtemps une approche qui combinait les familles d’accueil et la garde en institution. De plus, ces autorités appuyaient les services et le financement public et privé.
L’ONTARIO
William Jenkins, Between Raid and Rebellion: the Irish in Buffalo and Toronto, 1867-1916. Montreal and Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2013.
Utilisant une approche méthodologique innovante qui allie la méthodologie historique sociale avec la géographie historique, ce livre examine la vie et les allégeances d’immigrants irlandais à Toronto et à Buffalo durant la période entre l’invasion des Fenians et l’Insurrection de Pâques 1916. Jenkins relève le défi d’expliquer les allégeances impérieuses de ces communautés par son examen des transformations qui ont eu lieu au cours de la période politiquement chargée de la narration. Le livre est divisé en deux sections, toutes deux fondées sur un large éventail de sources. Dans la première, Jenkins étudie la géographie historique de l’expérience des immigrants irlandais à Toronto et à sa voisine américaine Buffalo, deux villes en pleine croissance qui sont les deux principales destinations des immigrants irlandais. Dans la seconde, il offre une analyse approfondie des transformations et des « fils conducteurs » entre immigrés et leurs descendants. C’est un travail d’une complexité remarquable qui est fermement ancré dans la recherche historique des deux diasporas irlandaises et des politiques canadienne et américaine. D’une part, ses interprétations perspicaces et sa structure comparative ajoutent grandement à notre compréhension d’une communauté d’expérience. D’autre part, la subtilité et la rigueur de l’argumentation ainsi que les compétences d’écrivain de l’auteur en font une étude richement nuancée qui tient compte des influences nationales et transnationales et qui confirme la puissance de la géographie comme déterminant historique fondamental.
LE QUÉBEC
Mario Mimeault, L’exode québécois 1852-1925. Correspondance d’une famille dispersée en Amérique.
Mario Mimeault pose un regard nouveau sur l’exode québécois, appuyé sur une démarche originale et susceptible d’alimenter nos réflexions sur le fait migratoire. Sa principale source d’information, constituée de plus de mille lettres échangées entre 1852 et 1925, documente l’expérience migratoire d’une famille canadienne-française de statut social élevé dispersée en Amérique. Soigneusement structurée, l’étude examine plusieurs dimensions de ces échanges et de ce qu’ils nous révèlent : les usages de la lettre, les rêves individuels et les réalités auxquelles s’ajustent les migrants, la famille ainsi que la recomposition de l’identité et de l’appartenance familiale au gré des déplacements. En particulier, l’auteur met en lumière le développement, au fil des générations, d’une culture familiale de la migration.
LES PRAIRIES
James W. Daschuk, Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life.
Le livre Clearing the Plains de James Daschuk offre une vue d’ensemble sur la santé des sociétés autochtones des Plaines de l’Amérique du Nord et propose une nouvelle compréhension de la préhistoire, de l’époque du commerce de la fourrure et de l’histoire territoriale des peuples autochtones des Plaines, de leur effondrement démographique aux premiers contacts avec les Européens ainsi que de la colonisation. Bien que le livre soit sciemment une œuvre d’histoire médicale, il sait convaincre le lecteur que les problèmes de santé et la maladie ne peuvent être scindés des décisions politiques, des lacunes en matière de gouvernance et de l’idéologie raciste. Daschuk relate en détail comment cette idéologie en particulier a engendré la malnutrition et les épidémies dès les tous débuts de la création des réserves. Cette réinterprétation importante et propice du récit familier de l’Ouest canadien est abondamment captivante et accessible à un large public.
LE NORD
Le prix n’a pas été attribué cette année
LA COLUMBIE-BRITANNIQUE
Sean Kheraj, Inventing Stanley Park: An Environmental History.
Inventing Stanley Park n’est pas seulement une histoire de l’environnement de l’un des grands parcs urbains du Canada. C’est aussi une histoire sur la relation complexe des Canadiens avec la « Nature ». D’une part, nous aimons notre nature « vierge » et « sauvage », tout en désirant qu’elle soit également « rangée » et « pratique ». Kheraj raconte l’histoire d’une langue de terre qui obstrue presque complètement l’entrée de Burrard Inlet et qui contrôle l’accès à ce qui est devenu le port de Vancouver et son extension, Indian Arm : un emplacement stratégique d’une telle importance que les Salish du littoral en ont fait leur domicile pour des millénaires. Cet emplacement a ensuite été rapidement déclaré une réserve militaire avec l’arrivée d’immigrants. Les ressources que les Premières nations y puisaient, le bois que les bûcherons y coupaient ainsi que sa valeur militaire stratégique l’ont préservé de l’urbanisation jusqu’à ce que les menaces d’invasion passèrent et que ce paysage très fréquenté soit déclaré un refuge naturel.
Kheraj documente l’interaction des individus avec l’environnement dans la zone du parc entre ses tout premiers débuts et la réponse des Vancouvérois suite à la tempête de vent dramatique de 2006 en mettant l’accent sur ??la façon dont les conceptions de ce que constitue un parc ont évolué avec le temps. Son travail s’appuie sur une riche et récente littérature sur les parcs en général et sur le parc Stanley en particulier tout en outrepassant l’idée reçue que la nature est une construction humaine et soutient que les écosystèmes sont, dans leur imprévisibilité et dans leur force, un élément clé dans la chronique historique. Il voit l’environnement physique comme un acteur qui mérite une attention particulière sans toutefois le dissocier des activités humaines à l’intérieur du parc. Dans Stanley Park, Kheraj offre un microcosme des questions litigieuses associées à la création de grands parcs nationaux, y compris l’expulsion des populations autochtones, la répression de moyens de subsistance ainsi que la question de l’influence bourgeoise et de ses composantes de classe sociale et esthétiques sur les parcs urbains. S’appuyant sur une littérature sophistiquée, cet ouvrage accessible et bien illustré va à l’encontre de quelques croyances populaires sur le parc et nous invite à le percevoir comme un site sur lequel plusieurs nouvelles histoires pourront s’écrire. Il capture la saveur d’un paysage par excellence de la Colombie-Britannique et du débat en cours sur la façon de le définir et de le défendre.
PRIX HONORIFIQUE
Jean Wilson
Jean Wilson a sans aucun doute eu une influence plus grande que toute autre personne sur la publication de l’histoire de la Colombie-Britannique, une affirmation qui est certainement vraie en ce qui concerne les décennies 1988-2008.
L’influence de Jean sur l’histoire de la C.-B. ne vient pas d’un livre qu’elle aurait écrit, ni de comptes rendus de livres ou de revues qu’elle aurait éditées. Jean Wilson a plutôt facilité la publication de centaines de livres sur l’histoire de la Colombie-Britannique durant une carrière exceptionnelle à titre de directrice associée, Commercialisation chez UBC Press. Il est difficile de s’imaginer où en serait la publication de l’histoire de la C.-B. sans son mentorat, encouragement et soutien de jeunes chercheurs ou encore sans son approche calme, ses cajoleries et la pression qu’elle exerçait sur les écrivains chevronnés. Un nombre étonnant de livres dont elle a obtenu le droit de publier ont remporté des prix majeurs en Colombie-Britannique (y compris de nombreux gagnants du prix Clio), à l’échelle nationale et à l’étranger.
Lorsque Jean est arrivée à UBC Press, celle-ci était alors une maison d’édition en difficulté, l’université envisageait même de fermer ses portes. Jean a joué un rôle clé pour rétablir sa réputation et sa structure opérationnelle, la transformant en une des presses universitaires les plus respectées en Amérique du Nord, deux fois à titre de directrice par intérim. Jean est maintenant reconnue avant tout comme éditrice de l’histoire de l’Ouest canadien et est, de l’avis de nombreux spécialistes, une autorité en la matière. Il en est de même pour son travail d’éditrice d’études autochtones. Wilson a en outre fondé la très estimée série Sexuality Studies de UBC Press. Jean assume maintenant de nouvelles fonctions à l’University of Manitoba Press, de nouvelles responsabilités à la revue BC Studies et encourage toujours le talent historique depuis sa retraite de UBC Press en 2008.
Jean est l’une des plus éminentes éditrices au Canada, universellement admirée par les membres de la communauté canadienne de l’édition et a collaboré avec presque tous les érudits de l’histoire de la Colombie-Britannique, peu importe le domaine.
Certains des livres primés auxquels Jean a contribué sont :
· Julie Cruikshank, Do Glaciers Listen?
· Peter L. Stork, Journey to the Ice Age
· Cole Harris, Making Native Space
· John Lutz, Makúk
· B. K. Issenman, Sinews of Survival
· Bob McLennan and Karen Duffek, The Transforming Image
· Allan Ryan, Trickster Shift
· Mary Ellen Kelm, Colonizing Bodies
D’autres œuvres, qui sont des titres particulièrement pertinents pour la recherche / l’histoire de la Colombie-Britannique (par ordre alphabétique de titre) :
Freeman M. Tovell, At the Far Reaches of Empire: The Life of Juan Francisco de la Bodega y Quadra
John Belshaw, Becoming British Columbia
Ruth Sandwell, ed., Beyond the City Limits: Rural History in British Columbia
Melanie Buddle, The Business of Women
Wing Chung Ng, Chinese in Vancouver: The Pursuit of Identity and Power
Richard A. Rajala, Clearcutting the Pacific Rain Forest: Production, Science, and Regulation
Dan Clayton, Islands of Truth: The Imperial Fashioning of Vancouver Island
James Gibson, Lifeline of Oregon Country: The Fraser-Columbia Brigade System, 1811-47
Brett Christopher, Positioning the Missionary: John Booth Good and the Confluence of Cultures in Nineteenth-Century British Columbia
Margaret Seguin Anderson and Marjorie M. Halpin, Potlatch at Gitsegukla: William Beynon’s 1945 Field Notebooks
Cole Harris, The Resettlement of British Columbia
Andrea Laforet and Annie York, Spuzzum: Fraser Canyon Histories 1808-1939
Christopher Mckee, Treaty Talks in British Columbia
Judith Hudson Beattie & Helen M. Buss, Undelivered Letters to Hudson’s Bay Company Men on the Northwest Coast of America, 1830-57
John Hinde, When Coal Was King: Ladysmith and the Coal-Mining Industry on Vancouver Island
Robert Galois, A Voyage to the Northwest Side of America
Patricia A. Roy, A White Man’s Province; The Oriental Question; The Triumph of Citizenship
Chad Reimer, Writing British Columbia History, 1784-1958
Lindsey McMaster, Working Girls in the West
Sans oublier sont les livres de la Série Pioneers of British Columbia énumérés ici:
http://www.ubcpress.ca/books/series_pioneers.html