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John R. Hinde

Le prix Wallace-K.-Ferguson

2001

John R. HindeJacob Burckhardt and the Crisis of Modernity. Montréal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2000.
Cet ouvrage d’un historien qu’on peut déjà qualifier de tout premier ordre se démarque nettement de très nombreuses études consacrées au grand historien suisse depuis plus d’un siècle et dont la bibliographie rend parfaitement compte. Le livre de John Hinde est une histoire intellectuelle qui met en relief des aspects de la vie et de la pensée de Burckhardt qui avaient été jusqu’à négligés ou oubliés. Il est en outre le premier ouvrage en langue anglaise entièrement consacré à l’homme et à son oeuvre. Hinde s’est proposé d’étudier la confrontation entre l’histoire et la modernité, telle qu’elle s’est déroulée durant la vie de Burckhardt et le rôle qu’elle a joué dans l’élaboration de sa conception de l’histoire et de l’historiographie. Dans un premier temps, et dans la foulée de remarques formulées par le grand historien allemand Meinecke et dont les historiens n’ont que rarement tenu compte par la suite, Hinde s’efforce de montrer le rôle principal qu’a joué la ville de Bâle au plan politique, religieux, intellectuel et social dans la formation, la manière de sentir et de voir et le jugement de Burckhardt et dont toute son oeuvre porte la marque. Bâlois certes, et dans toutes ses fibres, Burckhardt n’a pas été un intellectuel isolé dans son propre monde, et il s’est montré plus ouvert aux influences extérieures que nombre d’illustres historiens allemands contemporains. C’est qu’il a constamment confronté ses idées profondément conservatrices et sa vision de la modernité avec ses travaux sur l’histoire intellectuelle et celle sur l’art. Hinde montre dans cet ouvrage qu’il domine parfaitement son sujet, et qu’il a une connaissance approfondie de Burckhardt tout aussi bien que de l’immense bibliographie qui lui a été consacrée, dont une grande partie est en langue allemande. Cette vision neuve, stimulante et très originale va certainement orienter dans une direction nouvelle les futurs travaux consacrés au grand historien suisse. L’ouvrage est exemplaire par l’élégance de la langue, recherchée mais jamais pédante, par un souci constant de la rigueur de l’argumentation et par des généralisations qui sont toujours parfaitement étayées. Sans aucun doute, il s’agit là d’un livre majeur dans l’historiographie canadienne.

Mentions honorables :
William J. CallahanThe Catholic Church in Spain, 1875-1998. Washington, DC: Catholic University of America Press, 2000.
The Catholic Church in Spain, 1875-1998 est la suite du livre précédent de William J. Callahan, Church, Politics and Society in Spain 1750-1874 (1984), lauréat alors du prix Ferguson. Ce nouveau livre est une œuvre monumentale saluée par les critiques comme une étude fondamentale de l’Église catholique dans l’Espagne du XXe siècle. Elle relate le processus par lequel l’Église établie a lutté pour maintenir sa position dans cette société qui, durant plus d’un siècle de tourmentes et de changements politiques turbulents, vivra libéralisme, républicanisme, socialisme, anarchisme et pluralisme intellectuel. Tout en cherchant à maintenir sa position centrale dans la vie nationale, l’Église renouvelle sa stratégie en créant des syndicats ainsi qu’un système scolaire et une presse modernes. Sous Franco, l’alliance de l’État et de l’Église, si fréquemment troublée, s’effondre enfin dans les années 1960. L’inévitable besoin de s’adapter à une nouvelle ère après la mort de Franco en 1975 pousse l’Église à faire une transformation étonnante et à accepter la démocratie. Le livre de Callahan, étayé par des recherches d’une profondeur et d’une ampleur remarquables, touche à tous les aspects de la vie institutionnelles de l’Église, tout en passant en revue l’histoire intellectuelle, économique, sociale et politique de l’Espagne, de la restauration des Bourbons jusqu’à nos jours. Véritable monument, le livre se lit pourtant comme un roman et traite de questions hautement controversées avec sensibilité et jugement. Le comité croit que cette œuvre est sans doute l’étude définitive sur le sujet, impossible à probablement égaler dans un proche avenir.

Wayne DowlerClassroom and Empire: The Politics of Schooling Russia’s Eastern Nationalities, 1860-1917. Montréal et Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2000.
Le livre de Wayne Dowler, Classroom and Empire, jette un vaste éclairage sur les efforts de l’État russe vers la fin du XIXe siècle pour éduquer et assimiler les peuples de ses frontières orientales. Alors que l’empire russe entre dans l’ère moderne, les autorités doivent relever le défi d’alphabétiser les peuples de différentes ethnies, langues et religions. L’œuvre de Dowler examine le débat sur la scolarisation des non-Russes et porte notamment sur la méthode pédagogique de Il’Minskii. Il’Minskii préconise l’éducation des étudiants dans leur langue maternelle, mais encourage la russification par un programme centré sur la lecture et l’écriture des textes religieux chrétiens. Dowler parvient à décrire avec une grande clarté la méthode de Il’Minskii, ses avantages et désavantages. Il réussit également à présenter les préoccupations des critiques de Il’Minskii, qui soulignent les rapports entre langue et perpétuation de la conscience nationale, et qui croient que tous les étudiants doivent être éduqués en langue russe. Dowler utilise avec efficacité les documents de ministères de l’éducation ainsi que l’œuvre et la correspondance publiées de Il’Minskii et de celles de ses disciples pour produire une analyse lucide et fascinante des politiques scolaires et linguistiques durant cette période fondamentale de l’histoire russe. Même le lecteur peu familier avec les méthodes pédagogiques russes du XIXe siècle voudra se plonger dans ce livre passionnant et bien écrit. L’œuvre, qui situe le débat scolaire dans le contexte plus vaste de l’empire, propose des perspectives critiques sur les rapports entre langue et identité nationale qui sont tout aussi pertinentes pour notre société de plus en plus mondialisée, qu’elles le sont pour notre compréhension des efforts impériaux russes de la fin du XIXe siècle.