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Marilou Tanguay

Le prix Hilda Neatby Article de langue française

2020

Marilou Tanguay. « La page féminine du Devoir, un « espace public alternatif » ? Une étude de cas des mécanismes d’exclusion et de contrôle du « féminin » et du « féminisme » dans le quotidien (1965-1975) », Revue d’histoire de l’Amérique française, volume 72, numéro 3, hiver 2019, p. 29-59.

Chapitre particulier de l’histoire de la presse, les pages féminines des grands quotidiens ont souvent été associées à une sorte de ghetto journalistique où dominent les thèmes de la mode, de la cuisine et du soin aux enfants. Pour cette raison, on les a conçues comme une instance discursive favorisant la reproduction des rôles sociaux des hommes et des femmes. En étudiant la page féminine du journal Le Devoir du milieu des années 1960 au début des années 1970, Marilou Tanguay dévoile une réalité plus complexe. Elle observe comment, en ces années de réémergence du mouvement féministe, cette tribune a permis d’informer les lectrices sur différents enjeux comme l’avortement, la place des femmes en politique, l’inégalité d’accès aux études supérieures et la discrimination dans le marché de l’emploi. Ainsi, au sein de cet « espace discursif alternatif », des revendications centrales du mouvement des femmes ont pu être relayées. La disparition de la page féminine en 1971, au nom même de la désuétude d’une telle ségrégation, entraîne une diminution paradoxale de l’espace accordé aux questions féministes dans le journal. Le phénomène atteste, selon Tanguay, de la forte persistance d’une culture masculine et sexiste au sein de la sphère médiatique. De cette riche contribution, le jury a apprécié particulièrement la solidité de la démonstration, la vigueur de l’argumentation ainsi que l’attention accordée aux enjeux de l’intersectionnalité.

Mention spéciale

Daniel Poitras. « Mettre en scène l’exclusion de l’histoire. Les femmes à l’université et le concours Miss Quartier Latin (1950-1963) », Revue d’histoire de l’Amérique française, volume 72, numéro 3, hiver 2019, p. 41-71.

Le jury attribue une « mention spéciale » à Daniel Poitras pour cette étude d’histoire culturelle qui se distingue par son originalité et sa sophistication. En relisant les sources du mouvement étudiant produites par ses leaders masculins sous un nouvel angle, cet article met en vedette les participantes du concours annuel « Miss Quartier Latin ». L’auteur s’appuie sur cet événement carnavalesque inauguré à l’Université Montréal à partir de 1950, pour observer les tensions introduites au sein de la culture étudiante par l’intégration importante des femmes dans les rangs universitaires. De façon métonymique, le concours révèle tout un ordre symbolique en transformation. Les efforts répétés des organisateurs pour rétablir les rôles de hommes et des femmes au sein de ce haut lieu du savoir signalent assurément l’angoisse associée à une perte de privilèges. Si l’analyse s’attarde à la violence symbolique implicite dans ce rituel annuel, elle détecte aussi les efforts de résistance et de subversion de participantes cherchant à se dégager, à un degré plus ou moins important, des discours normatifs tenus à leur endroit. L’une des qualités de l’article est certes de mobiliser la grille d’analyse des régimes d’historicité au profit de l’histoire du genre ; l’emprunt permet d’éclairer avec plus d’acuité la façon dont les étudiantes — rhétoriquement assimilée à l’éternel féminin — ont été tenues à l’écart de l’histoire en marche.