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Michael Bliss

Le prix Wallace-K.-Ferguson

2000

Michael BlissWilliam Osler. A Life in Medicine. Toronto: University of Toronto Press, 1999.
Ce livre constitue tout simplement un tour de force. Avec un style admirable et une empathie soutenue, Michael Bliss démontre comment Osler s’est imposé dans trois pays comme «praticien, comme observateur, chercheur et pédagogue de l’histoire naturelle de la maladie».
L’auteur met surtout en relief les compétences de médecin et de professeur de Osler, plus que ses prétentions à l’originalité scientifique. En tant que fervent partisan de la méthode clinique (autopsie, utilisation du stéthoscope, examen au chevet du malade, rondes ouvertes et ateliers cliniques), Osler fit des découvertes capitales qu’il mit en pratique et publicisa; ces techniques innovatrices font tellement partie de la routine aujourd’hui qu’on ne les considère même plus comme des techniques. Son manuel, The Principles and Practice of Medicine (1892), devint la bible internationale de la formation en médecine; il fut réimprimé, réédité et révisé de nombreuses fois pendant presque cinquante ans, longtemps après le décès d’Osler. Ses aspirations à la gloire, alliées à une personnalité séduisante et charismatique, gagnèrent à Osler une réputation internationale ainsi que l’attachement de ses étudiants et de ses patients.
En plus d’expliquer la contribution particulière et innovatrice d’Osler à la médecine moderne, Michael Bliss décrit la brillante carrière d’un professionnel remarquablement doué pour le succès, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. C’est ainsi que l’auteur nous entraîne à la Blockley Dead House à Philadelphie, où Osler fit de nombreuses autopsies, dans les salles de professeurs des universités Princeton et John Hopkins, et dans les salons de Baltimore et de North Oxford, où nous y rencontrons des gens illustres et branchés qui font état de leurs préoccupations. Osler nous est présenté dans son milieu social et son contexte culturel.
Enfin, cette imposante et fort savante biographie est par ailleurs présentée simplement et d’une manière accessible. Les membres du jury ont grandement admiré l’adresse avec laquelle l’auteur est arrivé à narrer l’histoire d’une vie, avec toutes ses complications, ses ambiguïtés et sa myriade de détails personnels, sans perdre l’intérêt du lecteur et sans sacrifier le côté érudit de la recherche. William Osler est sans contredit un livre à succès de la plus haute qualité.

Mentions honorables :
Serge Lusignan« Vérité garde le roy » : la construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999.
La construction d’une identité universitaire en France, XIIIe-XVe siècle: «Vérité garde le roy» est une contribution originale et parfaitement réussie qui analyse universités et universitaires en France au Moyen Âge dans leurs dimensions politique et juridique. Cet ouvrage cerne les différents processus de construction de l’identité et de la représentation des universitaires et de leur institution, ainsi que leur intégration dans la société médiévale, à travers leurs privilèges et leurs rapports avec les pouvoirs (papauté, royauté, villes et Parlement de Paris). L’enquête commence à la fin du XIIe siècle et se poursuit jusqu’au milieu du XVe siècle. Elle prend en compte les universités d’Orléans, d’Angers, de Poitiers et porte une attention particulière à l’université de Paris qui occupe dans le royaume de France une place déterminante. L’ouvrage montre que les universitaires ne s’insèrent pas seulement dans une histoire urbaine de la France médiévale, mais également dans une histoire royale. L’étude de leur statut montre, ce que personne n’avait encore vu, qu’ils font partie d’une stratégie de construction de l’État auquel ils sont intimement liés. Les abus de ce statut sont la cause de leur déclin, bien avant la seconde moitié du XVe siècle comme on l’a souvent dit. Ce n’est pas la prise de position de l’université pendant la période anglaise qui est à l’origine de ce déclin, mais bien une attitude excessive, allant à l’encontre du bien commun, qui a provoqué la sévérité des pouvoirs royaux envers les universitaires. L’ouvrage étudie également les relations complexes de l’université et du Parlement de Paris dans l’ordre du royaume, à travers les thèmes de la translatio studii et de la «fille aînée du roi».
Cette étude repose en grande partie sur l’exploitation systématique des registres civils du Parlement de Paris, masse documentaire considérable qui est très bien maîtrisée et traitée avec compétence et prudence. L’auteur fait un usage novateur de ces sources documentaires en y suivant la dynamique des rapports entre l’université et les pouvoirs. L’étendue de la recherche, la problématique originale, la rigueur de l’argumentation, la cohérence du plan, font de cet ouvrage une contribution incontournable pour l’histoire des universités et celle de l’État à la fin du Moyen Âge.

Patricia MarchakGod’s Assassins: State Terrorism in Argentina in the 1970s. Montréal et Kingston: McGill-Queen’s University Press, 1999.
God’s Assassins: State Terrorism in Argentina in the 1970s
est une recherche solide et innovatrice sur l’impact humain de la «sale guerre» d’Argentine, que Patricia Marchak date de 1973 à 1983. Basée sur des entrevues que l’auteure fit avec de nombreux citoyens argentins, tant partisans que victimes du régime, cette étude est une autopsie du cauchemar au cours duquel quelque 30 000 personnes disparurent et de nombreux autres milliers furent emprisonnées illégalement ou forcées de s’exiler. Il s’agit en premier lieu d’une étude de cas démontrant ce qu’il arrive lorsque l’État s’attaque à son propre peuple, lorsque l’objectif du pouvoir étatique est de tuer et de terroriser au nom de la civilisation occidentale et du christianisme. L’étude a également une autre portée : elle est un poignant témoignage du courage psychologique et de la ténacité des survivants.
Par l’histoire orale, Marchak arrive à présenter toutes les facettes du problème; elle met l’accent non pas sur les partisans ou les opposants du régime, mais plutôt sur tous ceux qui n’étaient que des spectateurs, montrant que la vraie terreur résidait dans l’arbitraire du choix des victimes et dans l’impact de cette tactique sur le reste de la population. C’était dans la nature du terrorisme d’État d’utiliser délibérément une telle arme psychologique. Dans un tel contexte de pouvoir absolu, les défenses de la société civile se sont désintégrées. Marchak situe la «sale guerre» dans le contexte d’une société profondément divisée et elle explique, avec un grand tact, que pour qu’un tel régime de terreur arrivât à s’imposer, c’est qu’il dut forcément jouir du consentement tacite d’une bonne partie de la population. Elle ne désigne aucun responsable, mais incite son lecteur à mieux comprendre la complexité des causes et des conséquences de la stratégie qu’utiliserait un État national de sécurité.
L’ouvrage de Marchak décrit donc un des phénomènes caractéristiques de la dernière moitié du XXe siècle, que connurent de nombreux pays : l’intériorisation d’une idéologie selon laquelle l’ennemi se trouve à l’intérieur de ses propres frontières et que la seule solution est une extirpation radicale du problème. Cette étude interdisciplinaire, dans laquelle l’auteure a judicieusement mêlé histoire, anthropologie et sociologie, revêt conséquemment un attrait irrésistible.