Quelle est votre définition préférée de l’histoire et pourquoi ?
L’histoire exige une évaluation générale de l’évolution humaine et non humaine sur cette planète. Dans le meilleur des cas, elle contribue à expliquer la vie matérielle et émotionnelle de ceux et celles qui se trouvent au bas, comme au haut, de toutes les hiérarchies. Elle est toujours fragmentaire, frustrante et inspirante.
Quel/quelle est votre historien.ne préféré.e, vivant.e ou décédé.e, et pourquoi ?
Un choix difficile. Au cours de plus d’un demi-siècle de vie professionnelle, j’ai trouvé l’inspiration dans un large éventail d’études interdisciplinaires, dont la plus importante a été féministe. Sans l’impulsion des études féminines (qui, au Canada, ont souvent été étroitement associées aux historien.ne.s), ma vie aurait été bien plus pauvre. Sans ordre particulier, et en oubliant inévitablement de nombreuses personnes qui méritent d’être reconnues dans plus que mes milliers de notes de bas de page, je citerais des historiennes comme Joy Parr, Alice Kessler-Harris, Joan Sangster, Sheila Rowbotham, et Anne McClintock, et des théoriciennes sociales comme Carole Pateman, Iris Marion Young, bel hooks, Margit Eichler, Dorothy Smith, Audre Lorde, Gayatri Chakravorty Spivak, Catharine MacKinnon, Carol Gilligan et Barbara Ehrenreich.
Bien que la fierté outrancière ne soit pas attrayante, de tous vos écrits, quels sont ceux dont vous êtes le plus fier et pourquoi ?
La plupart de mes travaux portent sur les femmes, mais comme notre destin est régulièrement lié aux enfants, leurs histoires, elles aussi souvent oubliées par l’« histoire officielle », ont été mises en scène à leur tour. Deux volumes, Fostering Nation? Canada Confronts the History of Childhood Disadvantage (2011), et Finding Families, Finding Ourselves: English Canada Confronts Adoption from the 19th Century to the 1990s (2006), ont montré comment le destin des jeunes est inextricablement lié à la construction du genre, de la classe, de la race, de la sexualité et du handicap. Il n’existe nulle part de règles du jeu équitables. Fostering Nation? a été le plus applaudi, mais Finding Families, Finding Ourselves était plus original, plus difficile à écrire, et c’est lui qui m’a le plus appris.
Au sujet de votre mandat de président de la SHC, quel a été votre plus grand défi ?
Les défis étaient nombreux (tout comme les récompenses de la camaraderie avec des âmes sœurs diverses), mais ce qui est ressorti était la difficulté de la SHC de « pivoter » vers l’inclusion des femmes et des minorités racialisées, des Juifs aux Noirs, en passant par les Asiatiques et les peuples autochtones. Les minorités sexuelles restaient loin à la périphérie d’une vision plus large. Face à une résistance déterminée, trop souvent oubliée, les gains en termes de perspective et de représentation ont été durement acquis et bien moins nombreux que souhaités. Notre incapacité à établir des partenariats plus efficaces avec les chercheurs et chercheuses du Canada français, en particulier avec ceux et celles associé.e.s à la Revue d’histoire de l’Amérique française, m’a aussi continuellement frustrée.
Si vous pouviez donner un conseil à un.e membre (une personne qui adhère ?) à la SHC, quel serait-il ?
Nos luttes individuelles pour donner un sens à la vie quotidienne dans nos familles et lieux de travail nuisent souvent au bien-être de la société civile et de la planète. À son meilleur, la SHC incite à élargir la perspective et le champ d’action.
2022 marque le 100e anniversaire de la SHC. Ce jalon nous donne l’occasion de réfléchir à sa pérennité et à ce que pourrait être son avenir. Ainsi, que réserve, selon vous, l’avenir à la SHC et à la recherche historique au Canada, au moment où la société entame son deuxième centenaire ?
Dans le contexte de la tragédie environnementale, de la pandémie de COVID, de l’intensification des conflits mondiaux et de la montée en puissance de la politique du « ne rien apprendre » de la droite au XXIe siècle, l’histoire offre des leçons qui auraient dû être tirées depuis longtemps dans des domaines allant de l’avortement aux relations raciales et aux dangers de l’Anthropocène. La SHC doit être courageuse.
S’il y avait une autre question que vous aimeriez poser aux autres président.e.s, quelle serait-elle ? Pourriez-vous également y répondre vous-même ?
Pourquoi se donner la peine ? Si vous ne le faites pas, qui le fera ? Être spectateur/trice, c’est pour les lâches.