logo headerx1
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
cha mono

  1. Home
  2. /
  3. Publications
  4. /
  5. Tirer profit de l’histoire : un…
  6. /
  7. Études supérieures : les fondamentaux

Études supérieures : les fondamentaux

2.  Études supérieures : les fondamentaux

Révisé et augmenté par Carly Ciufo, candidate au doctorat, McMaster University

PDF

Comme tout ce qui est créatif, les études supérieures en histoire représentent, pour la plupart de ceux qui s’y consacrent, un travail que l’on fait parce qu’on l’aime. Les historiens sont motivés par différents intérêts intellectuels et culturels, des passions politiques et des engagements personnels, envers leur famille ou leur communauté. C’est ce qui contribue à soutenir toute personne qui envisage une carrière en histoire.

Les études supérieures en histoire sont difficiles ; elles peuvent parfois s’avérer pénibles et provoquer de l’anxiété. Dans la plupart des programmes de maîtrise (M.A.), on attend de vous que vous lisiez d’énormes masses de documents, que vous rédigiez des dizaines de travaux démontrant votre aptitude et que vous écriviez un mémoire de recherche ou une thèse. Les étudiants au doctorat font tout cela eux aussi. Ils doivent en plus saisir les tenants et les aboutissants de plusieurs champs historiques assez vaguement définis et passer des épreuves exigeantes, mineures ou majeures, orales ou écrites, tout en effectuant des recherches et en rédigeant une thèse portant sur une recherche originale.

Lorsque l’on doit lire une douzaine d’articles par semaine pour trouver quelque chose de vaguement intelligent à dire lors d’un séminaire, se préparer aux examens généraux et survivre financièrement, il est difficile de trouver l’énergie pour terminer la rédaction d’une thèse et faire toutes ces choses nécessaires à l’entretien d’un être humain normal. Il est facile de perdre de vue la raison pour laquelle vous aviez choisi cette voie particulière au départ.

Survivre aux études de second et troisième cycles exige par conséquent que vous trouviez un équilibre entre accomplir certaines tâches obligatoires et conserver votre propre passion pour l’enquête historique. Ce n’est pas facile. Mais ce manuel est conçu pour vous procurer une compréhension en profondeur de ce à quoi vous devez vous attendre lorsque vous envisagez de vous lancer dans des études supérieures en histoire. Certains d’entre vous vont peut-être, après avoir fini de le lire, décider que les études supérieures ne leur conviennent pas, en fin de compte. Et c’est très bien. Nous souhaitons simplement que vous entriez dans ce processus en toute connaissance de cause, que vous soyez mieux préparés à affronter les difficultés que vous y rencontrerez et, bien sûr, que vous soyez prêts à accueillir les opportunités qui se présenteront à vous.

Étapes des études supérieures

Il est important que vous compreniez ce que l’on exigera de vous dans les études supérieures avant que vous vous y engagiez. Les études supérieures semblent fonctionner selon un code de comportement secret, qui n’est jamais clairement explicité et que tout le monde a pourtant l’air de comprendre implicitement. Mais, bien que la définition générale de la discipline se borne à l’étude du passé, les attentes, les méthodes et l’orientation que l’on prend pour atteindre le passé changent assez souvent, au sein des facultés et dans le champ d’étude lui-même. Sachez que vous pouvez toujours poser des questions au personnel, aux étudiants et à vos professeurs pour bien saisir tout cela.

Comparativement à la plupart des cours d’histoire de premier cycle, dans les cycles supérieurs on met moins l’accent sur l’apprentissage des « faits » que sur l’interprétation, l’analyse et l’historiographie du champ d’étude. On demande également aux étudiants de second et troisième cycles d’aborder de façon plus rigoureuse que durant leurs études de premier cycle un certain nombre de théories, de techniques de recherche et d’approches méthodologiques. Il est également important de se souvenir que l’histoire n’est pas une discipline isolée. Elle fait partie d’une communauté d’autres disciplines en sciences humaines et sociales qui partagent certaines approches et ont un fondement commun. Bien que certaines puissent s’avérer plus utiles que d’autres, vous devrez quand même les connaître quelque peu et les interroger.

Bien que chaque programme d’histoire soit différent, il existe entre eux des similitudes fondamentales. Certains départements d’histoire au Canada – et presque tous les programmes d’études de second et troisième cycles aux États-Unis – admettent des étudiants au programme de doctorat alors qu’ils n’ont que leur baccalauréat (BA). Certains programmes de maîtrise autonomes n’exigent qu’une année de cours et un mémoire de recherche ou une thèse. Il existe des programmes d’un an, ou de deux ans, ces derniers exigeant le plus souvent une thèse. Lorsque j’ai commencé mon programme de maîtrise à Queen’s University en 2011, le département insistait fortement pour que je suive un programme d’un an de cours. N’étant pas sûre de vouloir poursuivre mes études au-delà de la maîtrise, j’ai répondu – avec le soutien de mon superviseur potentiel – que je souhaitais tenter d’achever une maîtrise en une année avec l’option de la thèse, pour pouvoir avoir l’expérience d’une soutenance. J’ai été acceptée dans ce programme avec ce projet en tête ; et j’ai fini par prendre deux cours d’un semestre et un cours d’une année entière, tandis que mes collègues suivaient l’équivalent de trois années de cours, en concrétisant mon espérance de soutenir ma thèse à la fin d’une année. Ce parcours est devenu moins fréquent car les diplômes de maîtrise sont de plus en plus considérés comme une épreuve pour vérifier si la poursuite d’études supérieures est appropriée ; les maîtrises basées sur des cours peuvent par conséquent sembler avoir une meilleure rentabilité sur le plan du temps que l’on y consacre et des coûts.

Si vous souhaitez vous lancer dans un doctorat, un programme de deux ans exigeant un mémoire de maîtrise pourra bien vous préparer au travail doctoral. On présuppose souvent qu’une maîtrise de deux ans avec mémoire est mieux considérée lorsque l’on soumet sa candidature au doctorat. Mais rien ne prouve que ce soit réellement le cas, surtout lorsque l’on met d’autres critères dans la balance, tels que les notes et les recommandations. Vous pouvez toujours utiliser le parcours avec mémoire de recherche qui vous fera entrer dans les archives et vous permettra de produire un travail universitaire original – susceptible d’être publié. Les programmes de maîtrise en histoire publique peuvent proposer une formation basée sur un projet tel qu’une exposition, une visite guidée ou une collection numérique. Quel que soit le chemin que vous prendrez, une maîtrise ouvre souvent sur la possibilité d’un programme de doctorat par la suite.

Les programmes de doctorat au Canada et aux États-Unis comprennent en règle générale une ou deux années de cours, de six à douze mois consacrés à l’étude en vue d’une série complète d’examens, puis une ou deux années de plus exclusivement consacrées à la recherche et à la rédaction d’une thèse. Si votre recherche porte sur des personnes en vie et leur communauté, vous devrez en passer par un processus d’approbation éthique au sein de votre institution et/ou de la communauté que vous étudiez. Ces demandes prennent du temps, mais elles sont d’une importance cruciale et elles sont généralement obligatoires pour que la recherche se fasse de manière éthique, en toute connaissance de cause.

Parfois, c’est la communauté à l’étude qui a elle-même proposé la recherche que vous allez entreprendre. Assurez-vous d’établir à l’avance un projet éthique qui spécifie clairement qui a le droit d’avoir accès à ces informations et sur quelle base. Assurez-vous que toutes les parties prenantes soient bien conscientes de leurs responsabilités, de ce qu’elles attendent les unes des autres ainsi que de cette recherche. La phase de recherche et de rédaction de votre thèse durera, comme nous l’avons déjà mentionné, deux ans ou plus. Lorsque l’on effectue des recherches dans des communautés en suivant des principes éthiques, cette durée est susceptible de s’allonger.

De nombreuses institutions d’études supérieures canadiennes parlent de « doctorat de quatre ans ». Le financement public des études supérieures est de plus en plus lié aux effectifs d’étudiants et au temps que ceux-ci doivent consacrer à leurs études pour l’obtention d’un diplôme. Les institutions d’études supérieures veulent voir leurs étudiants obtenir leur diplôme plus rapidement, et les administrateurs redoutent, souvent à tort, que les étudiants indécis restent traîner de nombreuses années à l’université. D’un autre côté, certains étudiants entament parfois précipitamment un doctorat de peur de ne plus obtenir de bourse d’études au bout de quatre ans.

Mais, soyons réalistes, très peu d’étudiants parviennent à terminer un doctorat en histoire en quatre ans. Il vous faudra jongler avec différentes obligations, outre l’enseignement et la recherche, et il vous sera peut-être nécessaire de travailler en dehors de l’université pour survivre financièrement. Et disons simplement que certaines thèses prennent plus de temps que d’autres. À une époque où de nombreux candidats veulent produire une thèse « publiable » pour pouvoir en tirer un livre et s’insérer dans le monde du travail, les étudiants sont soumis à une forte pression pour rédiger une thèse novatrice, qui fasse aussi la preuve de leur professionnalisme. Il vous faudra être efficace dans le travail et concentré sur vos études, en même temps que vous jonglerez avec les responsabilités de la survie financière et de la vie en général, tout en tirant parti des opportunités qui se présenteront pour diversifier vos compétences.

Travaux de cours

Tous les programmes d’études supérieures comprennent un certain nombre de cours. Suivre des cours, cela constitue une partie importante de votre formation supérieure en histoire et vous ne devriez pas les considérer comme un parcours d’obstacles contraignant qui vous freinerait dans la préparation de vos examens de fin de session ou la rédaction de votre thèse. Les cours vous feront découvrir différents champs du savoir. Vos travaux de séminaire deviendront peut-être les fondations de votre thèse de maîtrise, votre première communication lors d’une conférence, ou votre première publication. Ils pourront vous donner l’opportunité de tester des pistes pour votre thèse et vous aideront à formuler un sujet de dissertation. Les séminaires d’études supérieures donnent également aux professeurs et aux étudiants l’occasion de commencer à se connaître en tant que collègues. Ils constituent souvent le meilleur moyen de construire une communauté de professeurs et d’étudiants. Vos camarades de classe constitueront peut-être le noyau de votre réseau social et intellectuel des années à venir. Soyez aimable avec eux.

Les cours d’études supérieures peuvent consister en tout petits séminaires de lecture ne comptant qu’un, deux ou trois étudiants sous la férule d’un seul professeur, ou bien en plus grandes classes de dix à vingt étudiants. Certains cours seront orientés vers la recherche et comprendront la rédaction de dissertations (essais) basés sur une première investigation, tandis que d’autres seront intégralement historiographiques et orientés vers l’analyse critique des travaux universitaires afin de préparer les étudiants à leurs examens dans un champ donné. Les cours qu’enseignent les professeurs se situent généralement dans leur domaine de spécialisation afin que les étudiants puissent tirer le meilleur parti de cours tels que, disons, « l’histoire culturelle », « l’Amérique de la guerre froide », ou « crime et châtiment en France au début de la période moderne », enseignés par des chercheurs à la pointe de leur domaine.

Certains départements exigent de leurs étudiants qu’ils suivent un cours de méthodologie historique et/ou qu’ils fassent la preuve de leurs compétences dans une ou plusieurs autres langues. La plupart des étudiants suivront leurs cours au sein du département d’histoire, mais certains pourront suivre un ou deux cours en dehors de leur « département d’attache » dans un champ connexe tel que les sciences politiques, ou dans un programme interdisciplinaire tels que l’étude des religions ou de l’Asie du Sud-Est. Vérifiez quelles sont les exigences pour l’obtention de votre diplôme pour voir s’il y a une limitation au nombre de cours interdisciplinaires qu’il est possible de suivre dans votre programme. Au cours de ma maîtrise, j’ai suivi un cours de politiques identitaires dans le département de Science politique pour acquérir des connaissances plus solides sur le nationalisme québécois. Ce faisant, les historiens s’exposent aux idées des autres disciplines et ont l’opportunité de nouer des liens avec des professeurs et des étudiants extérieurs à leur département. Ces relations auront leur importance dans votre développement intellectuel et dans votre survie émotionnelle au cours de vos études supérieures.

En outre, les cours représentent la voie principale pour faire entrer les étudiants des deuxième et troisième cycles en contact avec la culture universitaire. Vous serez exposé à une grande diversité de points de vue, tant dans vos lectures que dans vos conversations avec les étudiants et les professeurs. Vous apprendrez à penser de manière analytique afin d’acquérir un point de vue critique sur les travaux d’autres historiens – au lieu de les admettre automatiquement ou de les rejeter dédaigneusement. Vous-même verrez vos recherches, votre écriture, vos analyses… être critiquées. Bien que les critiques excessives soient improductives, la plupart des remarques que l’on vous fera vous aideront à améliorer votre travail. Acceptez-les.

Les cours peuvent également représenter un moyen d’acquérir de l’expérience et une compréhension de la pratique de l’histoire dans la fonction publique, les musées, les sites historiques publics et d’autres espaces professionnels. Il se peut que votre programme vous propose des occasions d’apprentissage par l’expérience ou des travaux de cours qui vous mettront en contact avec les processus d’écriture, de recherches et de communication en dehors des universités. Vous pourrez également vérifier si les cours de lectures dirigées peuvent servir à travailler avec un historien en contexte non universitaire. Si vos intérêts de recherche sont en lien avec des collections, des projets ou des travaux entrepris par des organismes extérieurs au monde universitaire, vous pourrez explorer ces options pour vous aider à acquérir un savoir et une expérience professionnelle auprès de ceux qui travaillent dans ces domaines.

Il est possible que les travaux de cours vous intimident ou vous déroutent. Certains professeurs semblent favoriser certains étudiants ayant un point de vue particulier et vouloir rabaisser les étudiants qui ne semblent pas « à la hauteur… » de certains critères mystérieux. Les étudiants rivalisent parfois entre eux pour se mettre en valeur ou attirer l’attention des professeurs. Les étudiants n’ayant qu’une expérience directe ou familiale limitée avec le monde savant pourront se sentir submergés et/ou marginalisés lors des séminaires hebdomadaires.

Quelques étudiantes seront découragées par des étudiants et des professeurs qui leur paraîtront ouvertement agressifs, tandis que les étudiants PANDC pourront être, sans nécessité, affectés par des remarques dépourvues de tact. Ils auront peut-être à faire le travail supplémentaire qui consiste à éduquer les autres au sujet du racisme ou de l’identité ethnique. Les étudiants privilégiés devraient quant à eux être conscients de ce problème de racisme et des autres formes d’exclusion. De nombreux autres facteurs peuvent faire en sorte qu’un.e étudiant.e se sente exclu.e. Venir d’une minorité ethnique ou linguistique, avoir des convictions politiques ou religieuses « différentes », avoir des enfants, voire simplement étudier un sujet considérablement « différent », tout cela est susceptible d’intensifier ce vécu. La plupart des étudiants et des professeurs se sentent inadaptés par moments. Le « syndrome de l’imposteur » est une réalité. Mais tous les étudiants de deuxième et troisième cycles éprouvent quelques incertitudes quant à ce qu’ils sont censés faire en cours. Posez des questions. Vous êtes tous étudiants et vous êtes tous là pour apprendre.

Les difficultés pédagogiques et interpersonnelles auxquelles beaucoup d’étudiants sont confrontés, et auxquelles s’ajoutent des soucis financiers et des responsabilités à l’extérieur, sont réelles. La phase la plus intensive des travaux de cours se déroule durant les premières années des études supérieures, alors que de nombreux étudiants viennent de s’installer dans une nouvelle ville, doivent surmonter la séparation d’avec leur famille et leurs amis et peut-être s’adapter à une relation amoureuse à distance, voire aux réalités d’une famille qui s’agrandit. Les étudiants des deuxième et troisième cycles sont aussi divers que les gens de tout autre milieu professionnel.

Il est tout à fait normal de se sentir seul et/ou désorienté, aussi tirez parti des opportunités intellectuelles et sociales que représentent les travaux de cours. Souvenez-vous que vos cours ne représentent pas la somme totale de votre vie intellectuelle ; apprenez tout ce que vous pouvez du professeur, de la liste de lectures et de vos travaux obligatoires pendant que vous êtes là. Vous n’avez pas besoin de tout savoir, et vous devriez vous appliquer à ne pas perdre le sommeil à essayer d’anticiper ce que vos professeurs vous demanderont ou voudront entendre. La plupart des professeurs veulent simplement vérifier que vous avez abordé les lectures prescrites et que vous avez quelque chose d’intéressant à en dire ; ils ne souhaitent pas vous voir sacrifier vos relations amicales avec vos collègues ou votre développement intellectuel pour un « A ». Traitez les autres étudiants avec respect. Essayez de formuler des critiques constructives sans être dur, et d’en recevoir sans être sur la défensive. Les cours sont des lieux d’apprentissage collectif et de débats nourris.

Si vous éprouvez de la difficulté à vous exprimer dans un séminaire, que vous n’en comprenez pas le contenu, ou si vous rencontrez d’autres problèmes qui affectent vos résultats en classe, parlez-en à votre professeur et à d’autres étudiants en qui vous avez confiance. J’ai prononcé très peu de mots dans les séminaires de ma dernière année de premier cycle, mais j’avais fini par surmonter cela au moment où j’ai eu ma maîtrise.

Les professeurs sont souvent de bon conseil parce qu’ils sont passés par là et/ou qu’ils ont aussi guidé d’autres étudiants ayant eu des problèmes similaires. Les étudiants ayant le même état d’esprit verront que créer un groupe d’étude est utile pour passer à travers les lectures du cours ou venir à bout de certaines inquiétudes. L’amplification des idées d’étudiants partageant le même état d’esprit peut également représenter une stratégie importante pour se défendre contre des situations difficiles en classe. Mais si vous rencontrez de sérieux problèmes avec le contenu du cours, ses exigences ou l’atmosphère de la classe, parlez-en à votre professeur, à l’association des étudiants diplômés en histoire, à votre directeur d’études ou aux instances appropriées.

Et, pendant tout ce temps, gardez à l’esprit que les cours ne durent pas éternellement. Prenez-les du bon côté : ils représentent une magnifique opportunité d’acquérir des connaissances sur de nouveaux sujets, de mettre à l’épreuve de nouvelles compétences et de mettre en pratique le travail exigeant, mais passionnant, de l’historien.

Les « champs » du doctorat

Dès le début de votre programme de doctorat, on vous demandera de choisir vos « champs ». Cela est courant dans d’autres disciplines des sciences humaines et sociales. Les « champs » sont vos domaines de spécialisation universitaire. Ils se définissent souvent en termes d’histoires nationales ou de frontières géopolitiques (comme l’histoire canadienne, américaine, africaine ou de l’Amérique latine), ou de périodes (comme l’Europe médiévale, la Chine à l’époque moderne ou l’histoire de l’Antiquité), ou les deux. De nombreux départements proposent également des champs thématiques ; ces derniers peuvent être très larges, comme l’histoire culturelle ou l’histoire comparative des femmes, des genres et des sexualités, ou bien au contraire être très spécifiques, comme l’histoire de la médecine, du colonialisme ou de la migration. Certains champs thématiques tels que l’histoire du travail (labour history) en Amérique du Nord sont restreints à deux historiographies nationales.

Consultez les lignes directrices de votre département, et demandez à votre conseiller, votre directeur d’études et vos camarades étudiants comment choisir vos champs. Essayez de les choisir en fonction de vos intérêts et faites-en sorte qu’ils soient complémentaires. Basez-vous sur ce qu’il y a de plus fort dans votre parcours universitaire et sur les ressources disponibles dans votre département. Il est préférable de choisir vos champs de bonne heure dans votre carrière pour éviter de disperser vos efforts. Demeurez réceptif aux nouvelles possibilités, car vos intérêts sont susceptibles de se modifier durant les premières années, au fur et à mesure que vous découvrirez de nouveaux sujets, de nouveaux professeurs et de nouveaux livres.

Vos champs font partie de votre développement intellectuel. La plupart des programmes d’études supérieures répondront favorablement aux demandes de changement. Lorsque vous choisirez vos champs, ne prêtez pas trop attention aux sujets que vous-même ou vos professeurs croyez propices à vous mener à un emploi dans l’enseignement. Ne vous inquiétez pas si vous ne parvenez pas à la parfaite combinaison des champs susceptible de vous mettre sur la voie d’une titularisation à l’avenir. Vous ne pouvez absolument pas prévoir quelle constellation particulière de spécialités sera recherchée par un futur comité de recrutement.

Il est important de se spécialiser, mais sans que cette spécialisation devienne trop étroite. Pensez sérieusement à donner de l’ampleur à votre savoir et à être capable de polyvalence, à la fois pour enseigner plus tard et aux fins de votre recherche. Par exemple, si votre champ principal est l’histoire africaine, vous pourriez prendre pour deuxième champ l’empire britannique et la colonisation, et pour troisième le monde atlantique. Si vous vous intéressez principalement à l’Europe médiévale mais envisagez de rédiger votre thèse sur la famille et la communauté, vous pourriez choisir l’histoire des femmes ou l’histoire des genres en second lieu ; pour plus d’ampleur, un troisième champ en histoire religieuse, histoire ancienne ou histoire de l’Europe dans l’Antiquité pourrait s’avérer utile. Pour ma thèse de doctorat qui portait sur les musées des droits humains au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, mon champ principal était l’histoire canadienne, et mes champs secondaires, l’Empire britannique et les études mémorielles. J’avais choisi ces champs parce que ma recherche exigeait une profonde compréhension de l’historiographie canadienne en même temps que des bases solides sur la traite transatlantique des esclaves et la muséologie, et ces cours étaient ceux qui s’en rapprochaient le plus parmi ceux que l’Université McMaster avait à proposer cette année-là.

Examens de fin de session

Dans la plupart des programmes en Amérique du Nord, les étudiants au doctorat achèvent leurs examens de qualification au cours de leurs premières années d’études. Ce sont les examens de fin de session. Les étudiants sont interrogés sur un, deux ou trois champs, mais ces examens sont extrêmement variables suivant les départements. Chacun exige de bien connaître les livres ou les articles de la liste établie par le département ou élaborée par l’étudiant en consultation avec les examinateurs. Certains programmes demandent uniquement des examens écrits, d’autres une soutenance orale, mais beaucoup exigent que les étudiants fassent la preuve qu’ils ont acquis des connaissances à la fois par des examens écrits et par une soutenance orale devant un jury de professeurs. Hors du Canada, les programmes n’exigent pas toujours d’examens de fin de session ; dans ce cas, il vous faudra trouver un équilibre entre la formation dispensée et le coût à l’international d’un programme donné, avec le diplôme et l’expérience que vous recherchez.

Lorsque j’ai commencé mon programme de doctorat, j’étais la seule canadianiste de ma cohorte. Je rencontrais en alternance, une fois tous les quinze jours, quatre professeurs pour discuter des travaux essentiels de ce champ d’étude. Cela devait me permettre de comprendre l’historiographie canadienne, si jamais j’avais l’opportunité de l’enseigner. On ne m’a pas donné l’opportunité de contribuer à développer la liste de lecture, ce que j’aurais aimé pourtant ! Néanmoins, ces sessions solidement supervisées par mes professeurs m’ont permis d’acquérir, par de nombreuses lectures sur les personnages, les évènements et les différents sujets, une grande amplitude de savoir. À la fin, j’ai subi un examen écrit de fin de session de trois heures. Pour mes deux champs mineurs, j’ai suivi deux cours d’un semestre chacun, qui exigeaient que je lise encore davantage, que je rédige des travaux de recherche approfondis et que je subisse un examen final pour chacun – alors que mes collègues de maîtrise n’avaient pas à le faire. Mes travaux de cours et mes examens étaient terminés au bout de ma première année de doctorat. D’autres départements, dans d’autres universités, procèdent différemment. Cela se faisait de cette façon à McMaster, sachant que la composante orale des examens serait simplement une répétition des évaluations subies toutes les deux semaines lors de mes cours de spécialisation.

À l’heure actuelle, les examens de fin de session et le « folklore » qui leur est associé sont devenus fortement anxiogènes pour les étudiants, et causes de chagrin. Cependant, les examens de fin de session sont un rite de passage qui marque la transition entre l’étudiant prometteur et l’adulte futur universitaire, qui a fait la preuve de ses capacités en matière de lectures approfondies et de pensée analytique et qui possède désormais le savoir fondamental nécessaire pour enseigner. La plupart des départements ont tendance à diviser les étudiants au doctorat en pré- et post-examens, établissant une différence entre les étudiants au doctorat et les candidats au doctorat[1]. Certains professeurs se montrent plus inflexibles que d’autres lorsqu’il s’agit de noter la qualité de la performance qu’ils attendent lors d’un examen, mais personne n’a envie de voir les examens finaux servir d’instruments de torture ou d’humiliation intellectuelle.

Vous allez réaliser que la préparation aux examens est exigeante, voire parfois très stressante. Mais souvenez-vous qu’il s’agit pour vous d’une opportunité exceptionnelle et unique de lire et de réfléchir. La préparation aux examens de fin de session vous confère en réalité le privilège de passer une longue période de temps à lire et à songer à l’univers du savoir. Vous n’aurez plus beaucoup de temps pour cela dans les années à venir.

Lors de vos examens, on vous demandera de commenter et d’évaluer des sources secondaires, mais vous ne serez pas obligée de donner la « bonne » réponse. Les professeurs attendent de vous des réflexions intelligentes sur ce que vous aurez lu. On vous demandera de lire et de commenter des faits historiques ou des travaux universitaires qui ne correspondent pas nécessairement à vos intérêts personnels. Si vous avez l’intention de vous spécialiser dans un certain domaine de l’histoire, cela vous aidera à maîtriser les paramètres d’ensemble du champ qui se situent au-delà de votre propre spécialisation. Et si vous avez un contrat d’enseignement, on vous demandera de couvrir également les évènements et les travaux savants situés en dehors des limites étroites de votre thèse de recherche. Le principal objectif des examens est de vous faire connaître votre discipline dans toute son ampleur et de vous préparer à enseigner. Essayez d’apprécier ce que vous lisez, concentrez-vous sur ce que vous faites et évitez de paniquer au sujet de ce qui vous reste à apprendre.

Presque tout le monde passe ses examens du premier coup. En général, les professeurs ne souhaitent pas voir les étudiants rater leurs examens ; ils veulent les voir s’en tirer aussi bien que possible. Mais si quelque chose allait de travers et que vous ratiez un examen, ce ne serait pas la fin du monde. La plupart des départements vous laisseront recommencer. Essayez de savoir pourquoi les membres de votre comité n’ont pas été convaincus par votre performance et demandez-leur comment vous améliorer. Si vous pensez avoir été traité injustement, renseignez-vous sur vos droits et mettez au point une stratégie pour régler ce problème. Prenez conseil auprès de professeurs et d’administrateurs sensibles à votre situation. Parlez au directeur du programme d’études supérieures, à l’école des études supérieures, et peut-être à votre syndicat. Ils pourraient vous suggérer des orientations.

Au pire, les examens de fin de session représentent une lutte à mener. Mais, au mieux, ils constituent un moyen utile de maîtriser plusieurs ensembles de travaux historiques. Et il se pourrait bien aussi que ce soient les derniers examens que vous ayez à passer.

La thèse doctorale

Les cours et les examens de fin de session prennent beaucoup de temps et d’énergie, mais le mémoire de recherche, le mémoire de maîtrise ou la thèse doctorale constituent la partie la plus importante des études supérieures en histoire. Parvenir à achever un mémoire de recherche, un mémoire de maîtrise ou une thèse de doctorat qui soient intéressants et bien menés représente un accomplissement significatif. Votre thèse de doctorat sera susceptible de définir votre carrière et de déterminer la façon dont les autres, dans la profession historique, vous considéreront, mais elle pourra également n’être qu’un jalon sur votre itinéraire professionnel. C’est là que vous imposez votre marque individuelle, en tant qu’universitaire. Peu importe que vous ayez eu d’excellents résultats à vos examens de séminaires, et peu importe que vous ayez jugé ces examens difficiles ou pas, votre thèse de doctorat est ce déterminera le plus directement votre réussite sur le marché de l’emploi universitaire. Bien que cette section se concentre sur la recherche et sur la rédaction de la thèse de doctorat, certains des avis donnés ici peuvent aussi s’appliquer aux mémoires de recherche ou de maîtrise.

1- Choisir un sujet de thèse

Au moment de choisir votre sujet de thèse, essayez de choisir un sujet qui corresponde aux tendances universitaires actuelles mais qui puisse en même temps prendre de nouvelles directions. Les meilleurs sujets sont ceux qui défrichent de nouveaux terrains au moyen de découvertes empiriques, qui posent différemment les questions, ou qui proposent des interprétations novatrices. C’est une bonne idée de choisir votre sujet en pensant à son potentiel de publication, pour un livre par exemple, mais efforcez-vous plutôt de choisir quelque chose qui vous intéresse – car cela occupera vos pensées pendant longtemps.

Il est important également de vous assurer que votre sujet soit « faisable ». Pourrez-vous découvrir suffisamment de sources primaires et y avoir accès ? Pourrez-vous terminer cette recherche en deux ans ? Votre directeur de thèse et d’autres professeurs peuvent vous aider à identifier les ressources et à formuler votre idée ou votre inspiration de telle manière que votre sujet devienne faisable. Cependant, ne laissez pas les préoccupations de vos professeurs prendre le pas sur les vôtres. Faites votre propre choix, mais écoutez attentivement les inquiétudes de vos professeurs s’ils n’approuvent pas votre projet d’emblée. Prenez contact avec des historiens de ce domaine pour les interroger au sujet des sources, faites des repérages en archives et suivez les pistes que vous donneront les revues périodiques pour vous assurer que votre projet de thèse soit réellement réalisable – et qu’il n’a pas déjà été traité.

Il est important de savoir que tous les sujets ne sont pas proposés par nous-mêmes. Certains étudiants effectuent des recherches à la demande d’une communauté. Assurez-vous dans ce cas de travailler conjointement avec votre institution, votre département et la communauté étudiée afin que chacun ait une idée bien claire de ses responsabilités dans cette recherche ainsi que dans sa diffusion.

Lorsque vous avez choisi un sujet, votre programme des études supérieures devra le soumettre à la Société historique du Canada et à l’American Historical Association pour l’inclure dans leurs bases de données sur les thèses en histoire. Vous pouvez également vous-même utiliser ces bases de données pour découvrir les sujets des travaux en cours.

2- Choisir votre comité

Pendant que vous pensez à votre sujet de thèse, vous aurez déjà quelque peu envisagé avec quelle personne vous aimeriez travailler dans votre département. De nombreux programmes exigent que vous ayez déjà trouvé un directeur de thèse avant de leur soumettre votre candidature ; d’autres vous mettront en contact avec un professeur qu’ils jugent convenir le mieux à votre projet d’étude. J’ai consulté mon ancien directeur de maîtrise avant de soumettre ma candidature au doctorat dans l’université dans laquelle il travaillait dorénavant. Il m’a fait rencontrer un historien des droits humains au Canada, qui a accepté de codiriger mon projet avec lui. J’ai choisi le dernier membre de mon comité en fonction de mon champ mineur en études mémorielles, pensant qu’il serait, parmi les membres de la faculté, celui qui serait le mieux à même de me guider dans les parties de ma thèse portant sur la muséologie. Ensemble, ces trois membres expérimentés du comité pourront me conseiller sur les travaux scientifiques, les sources primaires et la méthodologie de la thèse. Nous tenons des réunions annuelles pour faire le point et nous assurer que je suis sur le bon chemin. De pair avec un président de comité et un examinateur externe, telles sont les personnes qui vont se prononcer sur la qualité de votre soutenance.

3- Rédiger une proposition

La plupart des universités exigeront que vous leur soumettiez une proposition de thèse, un plan ou une problématique. Ces étapes servent à empêcher les étudiants de se lancer dans des projets irréalisables, non éthiques ou mal avisés. Les exigences pour la proposition de thèse ou la problématique sont très variables. Dans toutes les provinces, de nouveaux protocoles de recherche ont élargi et compliqué ce processus. Consultez votre bureau des études supérieures pour connaître les exigences particulières à votre programme. À l’Université McMaster, j’ai dû exposer un projet de 30 pages devant les membres de mon comité pour leur donner un aperçu de mon approche, de mes méthodes et de mes sources pour prouver que je comprenais ce projet et que j’étais capable de le mener à bien. Il s’agit là une opportunité irremplaçable de concevoir la recherche avant de s’y attaquer réellement.

Le processus de préparation de la proposition doctorale vous aidera à clarifier votre plan de thèse. Votre proposition devrait dessiner clairement les contours du sujet que vous avez l’intention de réaliser ainsi que formuler quelques questions générales orientant l’investigation. Elle devrait inclure une brève présentation des travaux secondaires pertinents, ainsi que de quelques-unes des sources primaires et des sources d’archives que vous avez l’intention d’explorer. Ne vous inquiétez pas si quelques-uns de ces détails restent encore incertains ; la proposition consiste en une série de questions et d’hypothèses de travail, et il ne s’agit pas d’une feuille de route définitive. Vous devez démontrer que vous avez un programme de recherche concret. Vous pouvez peut-être également commenter la qualité de certaines de vos sources primaires.

Il s’agit également d’une occasion de penser à l’organisation de votre recherche. Vous vous rapprochez de ce qui sera probablement, jusqu’ici, le plus grand projet d’écriture de votre vie et vous en serez l’unique auteur. Comment allez-vous procéder pour collationner, trier et utiliser vos sources de manière efficiente et éthique ? Combien de temps vous faudra-t-il pour discuter avec les archivistes, rechercher des sources et contacter vos futurs collaborateurs ? Devez-vous soumettre votre projet à un comité d’éthique dans votre université ou dans une communauté ? Combien de temps allez-vous consacrer au travail de « postproduction » tel que la transcription d’histoires orales, l’organisation de sources numérisées ou l’interprétation de citations ? Aurez-vous la possibilité de recourir à des outils numériques ou à une aide extérieure pour vous aider à faire tout cela rapidement tout en respectant l’éthique ? Ma thèse n’aurait jamais pu être un projet de quatre ans à cause de l’histoire orale et des composantes d’analyses muséales que j’y ai intégrées. L’approbation de mon approche éthique a pris plus longtemps que prévu (près de neuf mois), tandis que je visitais trois villes, avec un séjour de trois mois dans chacune d’elles. Mon projet d’histoire orale a suscité plus d’intérêt que je ne l’aurais cru, et mon nombre d’entrevues a doublé, multipliant par deux également le temps à consacrer aux transcriptions. Faites votre possible pour vous organiser au mieux dès le début afin de pouvoir vous adapter aux imprévus qui ne manqueront pas d’advenir.

Vous ne connaissez pas d’avance les réponses à vos questions. Votre thèse prendra forme au fur et à mesure de la recherche et de la rédaction. Jusqu’à ce que vous ayez produit quelques chapitres, il se pourrait que votre proposition reste le seul travail écrit – à part vos travaux de cours – dont les membres de votre comité et de votre département disposeront pour évaluer votre performance. Elle pourra servir de base importante pour toutes les lettres de référence qu’ils rédigeront pour vous. Elle pourra également vous servir de base pour vos déclarations personnelles lorsque vous rédigerez des demandes de bourse ou des candidatures à un emploi. Certaines universités, avant de vous attribuer un financement, exigeront que votre proposition ait été formellement acceptée avant que vous leur soumettiez votre candidature. Prenez cet exercice au sérieux, mais efforcez-vous de le terminer et de le soumettre dans un délai raisonnable, car vous pourrez toujours l’actualiser et le réviser lorsque les circonstances l’exigeront.

4 – La recherche doctorale

Quels que soient les soutiens que peuvent vous apporter votre département et vos conseillers, vous effectuez des recherches en vue de rédiger votre thèse. Certains départements encouragent les étudiants à travailler en priorité avec un unique conseiller, tandis que d’autres favorisent le système des comités. Ainsi que je l’ai dit plus haut, j’ai deux codirecteurs et un troisième membre de comité. Adaptez votre façon de faire au système qui prévaut dans votre département, aux préférences de votre directeur de thèse et à vos propres besoins. Discutez avec votre directeur ou avec votre comité de thèse pour mieux connaître leurs attentes quant à votre façon de procéder. Entretenez une bonne relation de travail avec les membres de votre comité. Discutez avec eux pour savoir à quelle fréquence ils s’attendent à communiquer avec vous, et pour leur faire savoir en quoi vous aimeriez qu’ils vous apportent leur appui. Étant donné la situation des structures de pouvoir dans les départements et les universités, il se peut que cela ne soit pas facile. Adoptez un mode de communication clair dans vos relations avec eux, posez-leur des questions sur la forme et sur les processus, et n’oubliez pas que vos professeurs, quels que soient leurs défauts, ont un savoir et des compétences que vous n’avez pas, même si vous devenez un expert dans le domaine de votre thèse.

Dans le travail universitaire, la recherche est l’activité de prédilection de nombreux historiens. À ce stade, vous avez le droit de vous immerger totalement dans votre propre recherche. Ne remettez pas à plus tard votre visite aux archives et le labeur fastidieux et quotidien de la lecture de vieux journaux dans la salle des microfilms. Allez-y ! La recherche pour une thèse, surtout lorsqu’elle implique des déplacements ou du travail en archives, prend du temps. Parfois cela implique de passer de nombreuses journées apparemment improductives à passer au crible du matériel qui ne donnera absolument aucun résultat. À ce stade, la persévérance peut s’avérer plus importante que le brio. Il est utile de commencer par les sources secondaires avant de passer à l’analyse des sources primaires, mais vous revisiterez et reconsidérerez votre matériau secondaire.

Par moments vont se présenter de nouvelles voies de recherche et des histoires de vie individuelles qui vont vous faire sortir du chemin prévu. En ce qui me concerne, les possibilités de financement, l’approbation éthique de ma recherche et mon mariage ont modifié, à des degrés divers, mon calendrier de déplacements et mes avenues de recherche possibles. Faire de l’histoire orale avec compétence et respect exige de la patience, parce qu’il est impossible de prévoir dans quelle mesure les personnes que vous envisagez d’interroger seront désireuses de participer, ou si vos horaires pourront concorder. Les méthodes telles que celles de l’histoire orale vont dicter votre calendrier, ce qui ne sera pas le cas des recherches dans des archives en ligne, par exemple. Il sera difficile de prévoir combien de temps vous prendra votre recherche doctorale, mais plus tôt vous commencerez, mieux vous vous organiserez.

5- Rédiger la thèse

De nombreux étudiants de troisième cycle trouvent difficile de s’arrêter de chercher. Même après quelques années de recherche, ils sont toujours curieux de savoir ce qui se trouve dans les boîtes d’archives qu’ils n’ont pas encore ouvertes, ou ils souhaitent parler de ce qu’ils ont découvert à une personne de plus. Mais peu importe que le travail d’archives soit si plaisant, il faut commencer à écrire.

De nombreux historiens trouvent utile d’écrire en même temps qu’ils effectuent leurs recherches, afin d’éviter de se trouver devant une montagne de documentation au bout d’un an ou deux. Certains étudiants préparent leurs chapitres en même temps qu’ils cherchent, tandis que d’autres se servent des communications à des conférences pour coucher leurs premières idées sur le papier. D’autres encore préfèrent rassembler toutes leurs données avant de se lancer dans l’analyse et la présentation.

Quelle que soit votre préférence, commencez par rédiger la section dans laquelle vous vous sentez le plus à l’aise pour démarrer avec le plus possible d’assurance. Il s’agit rarement de l’introduction. Attendez-vous à ne rien produire apparemment certains jours, mais votre cerveau sera toujours au travail ; le lendemain ou les jours suivants pourront s’avérer extrêmement productifs. Et, en tous cas, gardez la trace de vos idées et de vos inspirations lorsque vous effectuez vos recherches. Ruminez et pensez à votre travail, puis écrivez ; cela pourra constituer d’importants fondements pour les arguments plus généraux de votre thèse. Munissez-vous d’un carnet de notes ou ouvrez un dossier sur votre ordinateur exclusivement consacré à noter vos idées, vos résolutions, et les cahots que vous rencontrez en chemin.

Écrire demande du temps et de la pratique, et rédiger une thèse implique quantité d’esquisses, de brouillons et de réécriture. Même ceux qui peuvent s’offrir le luxe de se consacrer à plein temps à l’écriture de leur thèse devront y passer au moins un an. Commencez tôt et efforcez-vous de ne pas vous décourager. Certains professeurs pensent que, pour une thèse, on passe autant de temps à écrire qu’à effectuer des recherches.

Une fois que vous aurez commencé à écrire, votre façon de procéder et la présentation de votre travail à votre comité varieront en fonction du protocole du département, des préférences individuelles et des exigences de votre comité. On pourra vous demander de remettre des chapitres à intervalles réguliers, ce qui permet aux étudiants de se mettre progressivement à jour et aux professeurs de s’assurer que ceux-ci sont toujours sur la bonne voie. Mais vous pouvez préférer rédiger une grande partie de votre thèse avant de la soumettre aux remarques du comité. Bien que cette dernière méthode vous permette de développer des idées et des arguments en continuité, cela signifie aussi que vous courez le risque de voir une grande partie de votre travail rejeté ou sévèrement critiqué par votre comité. Ce serait risquer un revers cinglant.

Le nombre et la nature des remarques des membres du comité de thèse est extrêmement variable : certains professeurs font des commentaires analytiques et stylistiques très détaillés, tandis que d’autres se contentent de quelques brèves remarques. Certains étudiants reçoivent des remarques de tout leur comité durant tout le processus d’écriture, tandis que d’autres ne consultent que leur directeur de thèse jusqu’aux révisions finales. Quelle que soit votre situation, prêtez une oreille attentive à ces remarques de vos professeurs et souvenez-vous que le processus d’écriture impliquera nécessairement d’importantes corrections. Ne considérez pas ces révisions comme un obstacle, mais comme une partie essentielle du processus d’écriture.

6- Restez concentré

La plupart des étudiants doivent faire des efforts pour surmonter le sentiment d’isolement du travail de rédaction quotidien. Ceux qui ont des difficultés financières ou des responsabilités familiales devront travailler très dur pour trouver le temps d’écrire. Le soutien du groupe, qu’il soit formel ou informel, peut s’avérer être la clé du succès et de la survie. Le fait de manger aux archives a « nourri » plus d’un historien en formation. Les groupes informels d’étudiants dédiés aux discussions des travaux en cours se révèlent souvent des lieux essentiels à la formulation des idées dans un environnement qui procure de l’encouragement, comme le font aussi les séminaires de recherche plus formels. Ayant vécu dans d’autres parties du pays avant de revenir dans ma ville d’origine pour y faire mon doctorat, le fait de passer mes fins de semaine avec ma famille proche a été essentiel à ma progression quotidienne. Certaines personnes ayant « l’angoisse de la page blanche » trouveront utile de se voir imposer des dates limites précises, et des récompenses pour les avoir respectées. D’autres font bon usage des ressources mises à leur disposition sur le campus, telles que des conseillers pour les aider lorsqu’ils trouvent l’écriture trop difficile. « L’angoisse de la page blanche » peut aussi provenir d’un traumatisme indirect, parfois lié au fait de détenir la connaissance de faits pesants, au sujet desquels il peut être difficile d’écrire. Recherchez ces services de conseil et d’aide lorsque vous le jugez nécessaire et approprié.

La thèse est la dernière étape de votre formation supérieure, et vous ne devriez pas la laisser devenir un obstacle qui vous empêche d’avancer. Ce n’est pas votre « grand œuvre ». La thèse est un essai de grande taille, ou une série d’essais liés entre eux, sur un sujet que vous avez énormément approfondi. Pensez à la thèse que vous allez soutenir comme au premier jet du livre que vous publierez un jour. Les études supérieures sont une étape. Soyez conscient qu’un retard n’est pas un échec personnel, mais servez-vous des ressources à votre disposition pour répondre aux exigences de votre diplôme.

7- La soutenance

Après que tous les membres de votre comité ont lu l’intégralité de votre thèse et jugé qu’elle était acceptable, le dernier stade de ce processus est la soutenance. Pendant près de deux heures, vous allez répondre à des questions que vous poseront, au sujet de votre thèse, un examinateur externe qui est un expert dans son domaine, un ou deux représentants de l’université et les membres de votre comité. Le processus diffère selon les universités, aussi vous faudra-t-il vous renseigner pour savoir comment se déroulent les soutenances dans votre département.

Si les soutenances sont publiques, assistez à l’une d’entre elles pour voir comment cela se déroule concrètement, et invitez votre famille, vos amis et vos collègues à assister à la vôtre. Par-dessus tout, prenez plaisir à faire cette soutenance. Vous en savez davantage sur votre thèse que quiconque dans l’assistance. Prenez le contrôle de la conversation et sachez que, comme lors des examens, vous avez le droit d’admettre, à l’occasion, que vous ne connaissez pas la réponse.

Les études supérieures en histoire peuvent parfois être éprouvantes, mais elles constituent également une expérience extrêmement enrichissante. En tirant parti des avantages et en amoindrissant les difficultés du troisième cycle, vous parviendrez à franchir cette étape de la formation de l’historien. Trouvez ce qui fonctionne pour vous et qui fera de vous le meilleur historien que vous puissiez être. Ce faisant, vous vous rappellerez la passion, la joie et la curiosité qui vous ont conduit vers l’histoire en premier lieu. Vos qualités d’historien seront armées de savoir, quels que soient à l’avenir les chemins que vous prendrez dans la suite de votre carrière.

[1] Ce qui a donné naissance à un phénomène unique aux États-Unis où les étudiants mentionnent sur leurs cartes de visite « ABD », signifiant all but dissertation, soit « tout (terminé) sauf la thèse ».