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Table ronde – Les historien.ne.s et/dans les médias

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Cette table ronde de la SHC se penche sur la façon dont les historien.ne.s publicisent leurs recherches et leur expertise dans les médias. Il n’est pas toujours facile de répondre aux questions des médias ou de rédiger des articles d’opinion en ces temps de polarisation politique, mais qu’avons-nous appris en le faisant ? Dans quelle mesure le travail médiatique fait-il partie de notre pratique changeante en tant qu’historien.ne.s ? Quels conseils pouvons-nous donner à d’autres historien.ne.s qui sont en contact avec le public ?

Mathieu Arsenault, Blake Brown, Frank Clarke, Rebecca Lazarenko, Valérie Lapointe-Gagnon.
Président : Marcel Martel

L’enregistrement de la table ronde est disponible sur la chaîne YouTube de la SHC.

Le 2 mars 2023, la Société historique du Canada a tenu la dernière table ronde de sa programmation 2022-2023, intitulée Les historiens et/dans les médias. Présidée par Marcel Martel (York University), cette séance bilingue nous a permis de réunir un contingent de panélistes de divers horizons : Mathieu Arsenault (Université de Montréal), Blake Brown (Saint Mary’s), Frank Clarke (York University), Rebecca Lazarenko (York University) et Valérie Lapointe-Gagnon (University of Alberta). À une époque où la désinformation est à l’avant-scène, les réflexions des panélistes ont permis de naviguer plus facilement dans un univers tout aussi important que prenant.

Les panélistes ont tout d’abord relaté leurs expériences avec les médias pour donner des conseils sur la manière d’aborder le rôle des historiens dans ce contexte. Il est primordial de rester confortable avec le sujet d’une entrevue et d’éviter de spéculer. Contrairement à l’idée préconçue hors des cercles historiens, une spécialisation ne garantit pas une connaissance universelle de toute la période concernée. De même, une entrevue ne peut se faire sans préparation, d’où l’importance de bien évaluer le temps nécessaire à celle-ci. Développer des relations de confiance avec certains journalistes permet de surcroît de rendre le processus plus appréciable, de s’assurer que les propos ne soient pas dénaturés et de faciliter ses participations à l’univers médiatique. Il faut également bien connaître son audience : les défis diffèrent entre une entrevue pour la radio, la télévision ou un journal. Certains sont des médiums pour aller en profondeur dans nos idées alors que d’autres demandent plutôt des messages clés à transmettre à un large public. Il est essentiel de garder son message simple, quitte à répéter quelques fois nos messages clés.

Être historien est toutefois un travail demandant, et la participation médiatique n’est pas toujours valorisée par son employeur ou son établissement d’attache. En conséquence, qu’importe les raisons, il est acceptable de refuser une demande d’entrevue, surtout dans un contexte où elles se répètent plusieurs fois par semaine. Si le sujet ne fait pas partie de notre expertise ou si le temps nous manque, par exemple, il est légitime de ne pas y donner suite. Que l’on soit étudiant, professeur ou professionnel, nous avons une hiérarchie des priorités dont il faut tenir compte. Dans les mots d’un panéliste, le temps des médias et le temps de l’historien se réconcilient très mal : notre discipline n’a pas comme nature d’offrir une analyse instantanée aux enjeux du moment. S’il est parfaitement acceptable et compréhensible de refuser une entrevue, les journalistes apprécient souvent d’être recommandés à une autre ressource qui cadrerait avec leur sujet d’intérêt. Parfois, c’est la crainte que nos propos soient déformés qui justifie un refus. La participation dans les médias est donc un processus stimulant pour les historiens, dont il est tout à fait raisonnable de s’éloigner selon nos contraintes et préférences. Il reste parfois difficile de dire non : comment faire ? Une simple réponse expliquant brièvement et poliment nos raisons suffit — ce ne sera pas la première fois que le journaliste se fera dire non. Lorsqu’on a développé des relations cordiales avec les journalistes ou si les raisons de notre refus s’y prêtent, il est aussi possible de détailler davantage, voire de les appeler pour s’expliquer de vive voix.

Nos panélistes ont souvent acquis leur expérience dans les médias par de bonnes expériences : la participation au débat public est une excellente manière de partager notre expertise à un public plus large et de contextualiser ou mettre de l’avant des enjeux qui nous sont chers. C’est également une excellente manière de développer ses talents de communicateurs, talents qui ne sont jamais perdus. La participation à un débat public peut même mener à de nouveaux questionnements de recherche, de par les liens qui se tissent entre notre expertise et l’actualité. Il faut toutefois s’attendre à des frustrations, voire à des expériences déplaisantes. Dans certains cas, une entrevue planifiée et ayant demandé une préparation étendue ne sera pas réalisée puisqu’elle a été éclipsée par une autre nouvelle plus pressante. Une autre particularité des médias est l’absence de contrôle que nous possédons une fois l’entrevue réalisée — parfois, cela mène à un résultat qui ne nous satisfait pas entièrement. Tristement, il faut également s’attendre à recevoir des courriels peu élogieux, voire hostiles, de la part d’individus en désaccord avec nos positions. Tous les panélistes ont souligné l’importance de se faire une carapace face à ce genre de critiques. Certains les suppriment, d’autres les déplacent immédiatement dans un fichier séparé lorsqu’ils sont reçus. Il est essentiel de ne pas se laisser atteindre par ces remarques et de se rappeler que nous ne participons pas aux médias pour être aimés de tous.

Une relation stimulante, mais parfois ombragée de désagréments caractérise fréquemment nos relations avec les médias. De l’avis général, lorsque l’on respecte nos limites et nos zones de confort, il s’agit toutefois d’une relation productive qui ne peut qu’être bénéfique. La présence des historiens dans les médias n’est pas en voie de ralentir et cette table ronde a permis d’illustrer des manières saines et concrètes d’aborder cette dimension de la discipline.

Transcription – 2 mars